Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, s’étonne de la remise en cause du prélèvement de l’impôt à la source par Emmanuel Macron. Explications.
Par Christian Eckert
Les petites phrases du Président Macron m’importent assez peu et je n’ai pas de temps à perdre pour en faire l’analyse et trier entre la provocation, la psychologie de comptoir, la petite philosophie ou le narcissisme du personnage. Seuls les faits importent et ils justifient à eux seuls bien des commentaires.
Concernant par exemple la question du Prélèvement à la Source (P.A.S.), que je prétends connaître un peu, ses positions sont à plusieurs titres méprisantes.
Le président méprise d’abord le parlement : Fin 2016 la majorité parlementaire précédente a approuvé le principe, les modalités et le calendrier du P.A.S. Fin 2017, la nouvelle majorité a confirmé le principe, conservé l’essentiel des modalités et repoussé d’un an la mise en œuvre. Nous sommes à une encablure de l’échéance. Le Président qui (n’) est (que) le pouvoir exécutif, se demande brutalement, neuf mois plus tard, s’il doit appliquer la loi votée par le parlement. On doit rappeler au passage ici que la constitution est formelle : le parlement est seul décideur de l’assiette, du taux et des modalités de recouvrement de l’impôt.
Le président méprise son administration et ses ministres : L’idée que cette réforme très importante se ferait sans risque n’effleurerait aucun responsable technique. Pour autant, depuis deux ans, l’administration est mobilisée, forme des milliers d’agents, communique avec celles et ceux qui versent les revenus, informe les contribuables, acquiert et installe des systèmes informatiques et se dit prête avec les précautions qui conviennent à tout responsable sérieux. Même le nouveau ministre porte la réforme et écrit à tous les contribuables pour expliquer et préparer chacun au changement. Qu’Emmanuel Macron ait pu douter du travail fait par Michel Sapin et moi-même, tout vexant que cela soit, je peux encore le comprendre. Mais pourquoi ne pas faire confiance à son désormais fidèle tandem Darmanin-Le Maire?
Le président méprise les Français : Il croit les français incapables de comprendre qu’un prélèvement d’un douzième de son impôt en fin de mois sur ses revenus, c’est pire qu’un dixième prélevé sur son compte bancaire quinze jours plus tôt ! Il ne connait pas la situation d’un nouveau retraité, d’un chômeur, d’un propriétaire victime d’impayés ou d’une profession libérale subissant une mauvaise année… Ceux-là paient plein pot, avec des revenus diminués, les impôts de l’année précédente. Il ne connait pas les délais actuels pour « traduire » fiscalement la naissance d’un enfant ou un changement de situation. Les Français comprennent, encore faut-il leur dire calmement et sans arrière-pensée la réalité des choses.
Inspirer la confiance
La plupart des pays du monde ont adopté le P.A.S. et ont aussi très souvent un impôt progressif et conjugalisé. Les entreprises du monde entier prélèvent les impôts sur les salaires. En France, seul un taux par contribuable sera automatiquement communiqué à ceux qui versent des revenus. Nous serions les seuls au monde à trouver cela insurmontable au siècle d’internet dans une des six plus grandes puissances mondiales.
Ce serait au final avoir un grand mépris de nous-mêmes.
Il m’avait semblé que le président souhaitait inspirer la confiance. A force de ne faire confiance qu’à lui-même, il risque l’effet contraire.
A moins que seul le MEDEF ne trouve grâce à ses yeux.
Christian Eckert