Jeanne n’est pas morte sur le bûcher de Rouen. La preuve ? Elle réapparaît cinq ans plus tard et mène une vie publique bien renseignée comme l’attestent de très nombreux documents.
Personne ne peut croire que l’on puisse revivre après la mort. Si Jeanne la Pucelle réapparaît, cinq ans après le bûcher de Rouen, c’est forcément qu’elle n’a pas été suppliciée, le mercredi 30 mai 1431, sur la place du Vieux-Marché. La femme qui périt dans les flammes, ce jour-là, a « le visage embronché », c’est-à-dire caché, nous dit Perceval de Cagny, chroniqueur au service des ducs d’Alençon. Mais on ignore son identité.
Jeanne (qui ne s’est jamais appelée Jeanne d’Arc de son vivant mais simplement la Pucelle, c’est le pape Calixte III qui la nommera pour la première fois d’Arc en1456) Jeanne donc fait son retour sur la place publique le 20 mai 1436.
Nous le savons d’abord grâce à Pierre de Saint-Dizier, curé de la paroisse de Saint Eucaire puis doyen de Saint Thiébaut et Official de Metz. Ce curé érudit tient un journal des événements survenus dans sa ville et dans les pays voisins. Il écrit que ce 20 mai 1436 « Jehanne la Pucelle » qui avait été en France arrive à un rendez-vous organisé avec les seigneurs de Metz. « Elle se faisait appeler Claude (NDLR-dans la clandestinité). Le même jour, ses deux frères vinrent la voir en ce lieu. L’un était chevalier et s’appelait messire Pierre, l’autre Petit Jehan, écuyer et ils croyaient qu’elle avait été brûlée. Mais, sitôt qu’ils la virent, ils la reconnurent pour leur sœur et elle les reconnut de même. »
Jeanne se marie à Arlon
La chronique du doyen de Saint-Thiébaut retrace ensuite le parcours de Jeanne de 1436 à 1449 avec une grande précision. Les plus grands seigneurs viennent à sa rencontrer et lui offrent des cadeaux de valeur, notamment un cheval et une épée. Jeanne va se recueillir à Notre-Dame de Liesse puis elle va à Arlon, où elle est accueillie par la duchesse Élisabeth de Görlitz. Elle va ensuite guerroyer du côté de Cologne (le 2 août 1436, comme en fait foi un laisser-passer),
en repart précipitamment, menacée d’excommunication, elle se marie enfin avec le chevalier lorrain Robert des Armoises. Robert a assisté au sacre de Reims, le 17 juillet 1429, il ne peut pas avoir été abusé par une aventurière. Le couple vient ensuite s’établir à Metz « tant qu’il leur plaisit » précise Pierre de Saint-Dizier.
Jeanne et Robert nous ont laissé plusieurs documents. Dont une copie authentique de l’acte notarié de la vente d’une partie de l’une de leur propriété, de Haraucourt. Le contrat de mariage conservé dans une étude de Fresnes-en-Woëvre (Meuse) aurait disparu durant les bombardements de 14-18. De nombreuses chroniques du 15ème siècle vont ensuite reprendre les informations du doyen de Saint-Thiébaut, en y ajoutant parfois des précisions.
Une mystification ? Cette femme serait-elle une usurpatrice ? Les seigneurs de Metz qui ont bien connu la Pucelle durant son épopée n’ont pas douté, pas plus que les deux frères de Jeanne. Il est vrai que d’autres imitatrices ont existé, comme Jeanne la Féronne, dite la Pucelle du Mans. Celle-ci fut rapidement démasquée, liée au pilori avant d’être emprisonnée pendant sept ans !
Quant à cette Jeanne-Claude qui arrive à Metz en 1436, elle a les mêmes traits physiques que Jeanne la Pucelle, elle parle également par paraboles, manie parfaitement les armes. En outre, elle a la même mémoire des événements. Enfin, à ceux qui douteraient, elle peut montrer ses deux blessures de guerre.
Jeanne à Orléans
Comme on l’imagine, la réapparition de Jeanne près de Metz fait l’effet d’une bombe à Orléans. Nous le savons grâce à des documents irrécusables : les livres de comptes de la ville qui vont de 1436 à 1440.
Ainsi, la nouvelle est connue le 25 juillet 1436. Un chevaucheur porte une lettre de Jeanne la Pucelle adressée à Guillaume Bélier, bailli de Troyes. Le frère de Jeanne, Petit Jehan, vient aussi à Orléans le 5 août raconter qu’il a vu Jeanne et qu’elle est bien vivante. On lui offre un repas de fête.
Les compagnons de Jeanne et les personnalités du royaume affluent à Orléans. Le 9 août, Fleur de Lys apporte à la ville une lettre de la Pucelle, celle qui a libéré la ville des Anglais. Fleur de Lys ? Mais il connaît bien Jeanne puisqu’il était son poursuivant d’armes, sorte d’officier de renseignement.
Le 2 septembre, Jeanne adresse une lettre au roi de France. Celui-ci ne crie pas au scandale en recevant une lettre de la Pucelle. 18 octobre 1436, cette fois-ci c’est Cœur de Lys, le héraut d’armes de la ville d’Orléans, qui part en mission. Il rentre après 41 jours d’un voyage harassant. Il racontera sa rencontre avec la Pucelle durant plusieurs jours.
En 1439, Jeanne arrive enfin à Orléans. Dame Jeanne s’appelle désormais Jeanne des Armoises. On lit sur les livres de comptes : « A Jacquet le Prêtre, le 28ème jour de juillet pour 10 pintes et chopines de vin présentées à dame Jehanne des Armoises pour ce 14 sols. »
Comment douter?
Vin, dîners, soupers sont offerts à Jeanne des Armoises par la ville d’Orléans. La Pucelle rencontre évidemment tous ceux qu’elle a connus pendant le siège. Il faut croire qu’on lui demande comment elle a pu échapper au bûcher, où et comment elle a vécu pendant tout ce temps.
Ajoutons que l’évêque d’Orléans, en 1439, s’appelle Regnault de Chartres, celui-là même qui a présidé la commission de Poitiers et qui a procédé au sacre de Charles VII à Reims.
Ni lui ni les Orléanais ne s’offusquent de la survie de Jeanne. Au contraire, la ville va lui offrir 210 livres tournois « pour le bien qu’elle a fait à la ville pendant le siège ».
Un portrait de Jeanne
Après avoir guerroyé dans les États du Rhin, puis du côté du Mans aux côté de son compagnon d’armes Gilles de Rais, Jeanne quitte définitivement la scène publique. Elle s’installe à Metz, près de l’église Sainte Ségolène, avec son époux, Robert des Armoises, seigneur de Tichémont.
Le couple séjourne en été dans le château de Jaulny (aujourd’hui en Meurthe-et-Moselle) où l’on peut admirer le portrait en médaillon de Jeanne et de Robert. Ils vont aussi à Pulligny-sur-Madon et à Autrey rendre visite à leurs parents, le seigneur Rodolphe des Armoises. Jeanne a beaucoup d’affection pour le fils, Philippe, qu’elle vient voir souvent depuis Metz et depuis Jaulny, à environ 80 km de là.
Pulligny appartient alors à Jehan et Perrin de Pulligny qui, avec leur frère Gérard IV, érigent vers 1430 une église dans ce village, près de leur château. Jeanne des Armoises aurait participé financièrement à l’achèvement des travaux et exprimé le désir d’y être inhumée aux côtés de son époux. Tous deux reposent à droite de l’autel si l’on en croit la tradition locale.
Jusqu’au début du 20ème siècle, on pouvait encore lire sur une plaque au-dessus de leur tombe : « Ci Gît Haulte et Honorée Dame Jehanne du Lis la Pucelle de France Dame de Tichémont qui fut Fème de Noble Home messire Robert des Hermoises, Chevalier, Seigneur dudit lieu Laquelle Trépassa en l’an Mil CCCC XXXX et VIIII le 4 jour de may (4 mai 1449) Dieu ait son âme Amen. »
L’épitaphe aurait disparu au moment de la canonisation de Jeanne lorsque des émissaires du Vatican, dont Mgr Eugène Tisserant, auraient été chargés d’effacer les traces de la présence de la Pucelle dans cette église. Les restes de Jeanne auraient été transférés dans un lieu tenu secret.
Il faudra attendre le début du 21ème siècle pour qu’un scientifique Ukrainien, Sergueï Gorbenko, affirme avoir retrouvé « le crâne et le squelette de Jeanne d’Arc » dans la basilique royale de Cléry Saint-André, près d’Orléans.
C’est ce que nous allons vous raconter.
(A suivre : « J’ai retrouvé le crâne de Jeanne d’Arc » 6/6
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