« J’avais envie de parler des gens de la cinquantaine et d’une femme confrontée à cet âge », confie la réalisatrice Cécile Telerman, venue présenter son film aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer.
Le pas si petit chat est mort, ou en tout cas disparu, et c’est la panique au cours de ce week-end à la campagne raconté dans le film de Cécile Telerman, « Ma langue au chat » (sortie le 26 avril). Des amis de longue date s’y retrouvent pour fêter un anniversaire, à l’invitation d’un couple, Laure et Daniel (Zabou Breitman et Pascal Elbé), où madame est particulièrement accro à son Maxou, un matou tigré omniprésent jusque dans le lit conjugal.
Parmi les invités, le frère et la belle-sœur (Mathias Mlekuz et Marie-José Croze), un célibataire un peu paumé (Samuel Le Bihan), un vieux copain (Pascal Demolon) avec sa nouvelle et jeune fiancée (Camille Lellouche), sorte de business influenceuse, et Magali (Mélanie Bernier), mère célibataire et collaboratrice de Laure, sans oublier la voisine écolo chez qui le mari va se faire débloquer le dos.
L’âge, le temps, le sens de la vie…
Généralement, les films choraux, comédies pour la plupart, mettent en scène des trentenaires pris dans des tourments sentimentaux ; ici, la majorité des personnages sont quinquagénaires, et les sujets portent plutôt sur l’âge, le temps, le sens de la vie… « J’avais envie de parler des gens de la cinquantaine et d’une femme confrontée à cet âge », confiait Cécile Telerman (réalisatrice de « Tout pour plaire », « Les yeux rouges des crocodiles ») lors des Rencontres du Cinéma de Gérardmer, où elle présentait son film en avant-première. « Aucune actrice de cinquante ans ne voulait jouer le rôle d’une femme ménopausée. Zabou est dans le rôle, elle n‘en avait rien à faire de l’âge. L’âge est un sujet, la société est clivée aujourd’hui, il n’y a plus grand-chose qui fédère », ajoute la cinéaste.
A cause d’une allergie au poil de chat, est déclenché le drame du weekend : Max, le chat à sa mémère, passe la nuit dehors et, pire, alors qu’il partait chercher les croissants au petit matin, un convive croit l’avoir écrasé. Le programme prévu, apéro, pétanque, gâteau d’anniversaire… est bien sûr perturbé, chacun cherche le chat disparu alors que Laure commence à suspecter tout le monde. « Elle a une bulle autour d’elle et réagit très mal à la réalité », précise Cécile Telerman, « Le chat est plus présent par son absence ; on ne se fâche pas avec son chat parce qu’il n’aime pas le pâté, c’est ce que les gens se reprochent. Ce n’est pas normal de préférer son chat à ses amis ou son mari », estime la réalisatrice qui reconnait une relation fusionnelle avec son propre matou.
« La désillusion de se voir vieillir »
Au cours de ce week-end raté vont s’exprimer les crises conjugales, les catastrophes personnelles, les petits arrangements, la mauvaise foi, les solitudes, le désenchantement, l’égoïsme et le chacun pour soi. « Quand on fait un film choral, chaque personnage a une faille, des illusions, ils ont aussi la désillusion de se voir vieillir », dit Cécile Telerman, « On a tourné pendant le confinement, on est restés ensemble pendant six semaines, cela a contribué à l’esprit de troupe ». « Et ça a créé une autarcie assez proche de ce qui se passe dans le film, les interactions existaient aussi hors du tournage », ajoute l’actrice Mélanie Bernier, également présente à Gérardmer. « Magali est une fille vraiment fine, il faut qu’elle ait une confiance en elle pour s’en sortir, j’ai bien aimé la jouer », dit la comédienne, « L’individualisme de la jeunesse est plus fort aujourd’hui, le film a une forme féministe assez forte ».
Si l’on donne sa langue au chat lorsqu’on cale sur une devinette, le titre du film évoque aussi toutes ces choses que les uns et les autres n’osent pas dire tout haut : « C’est si je le dis, je vais faire du mal ; quand on dit ce qu’on pense, il y a risque. Les personnages ne se cachent pas des choses énormes, mais la culpabilité peut faire mentir », constate Cécile Telerman. Et finalement, ils vont se dire les choses, asséner des vérités, révéler des secrets, dans cette comédie sociale bienveillante et bien servie pas sa distribution.
Patrick TARDIT
« Ma langue au chat », un film de Cécile Telerman, avec Zabou Breitman, Pascal Elbé, Mélanie Bernier, Marie-José Croze, Pascal Demolon, Samuel Le Bihan, Camille Lellouche, Mathias Mlekuz (sortie le 26 avril).
