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Macron rêve-t-il d’une police de la pensée ?

Interrogé le 28 novembre 2025 à Mirecourt, dans les Vosges, par un panel de lecteurs du groupe EBRA, sur le thème de « la démocratie à l’épreuve des réseaux sociaux et des algorithmes », Emmanuel Macron a défendu une « labellisation » des médias « faite par des professionnels ». Tollé dans la classe politico-médiatique !

Censure (UnlimPhotos)
Censure (UnlimPhotos)

Il ne pensait pas provoquer un tel chahut. Répondant le 28 novembre dernier aux lecteurs du groupe EBRA, dans les Vosges, sur les relations entre démocratie et réseaux sociaux, le président de la République a expliqué que la démocratie était menacée par un tsunami de fausses informations qui s’abat sur nous via les écrans d’ordinateurs et de smartphones.
« Notre problème sur les réseaux sociaux, dit-il, c’est qu’il n’y a pas de responsable éditorial si une fausse information est diffusée. Si je suis X ou TikTok, je n’ai aucune responsabilité. Aujourd’hui, il n’y a pas de modération. On veut pouvoir obliger les réseaux sociaux à modérer et retirer les contenus qui sont faux. Le Far-West, ce n’est pas la liberté, c’est la loi du plus fort », a martelé le président de la République en proposant une « labellisation » des sites dont l’info serait vérifiée par des journalistes.

Information, désinformation

Cette « labellisation » de l’info pour lutter contre la désinformation journalistique a provoqué un véritable tollé. Pascal Praud, le journaliste vedette de CNews, a taclé l’Élysée dans son édito matinal en évoquant « la tentation autoritaire du président » via un service « Pravda ».
Quant à Jordan Bardella, président du Rassemblement national, il a ironisé sur le projet de Macron, allant jusqu’à dire que «cette période qu’on est en train de vivre me rappelle le ministère de la vérité [d’Orwell] qui était chargé, non seulement d’effacer la mémoire, mais de réécrire l’Histoire», évoquant le récit dystopique de son œuvre 1984.
Les Républicains ont lancé ce mardi une pétition pour s’opposer au projet de labellisation de l’info. Elle est Intitulée « Médias : oui à la liberté, non à la labellisation ! » Bruno Retailleau dénonce une atteinte à la liberté d’expression et une mesure jugée dangereuse pour le pluralisme médiatique.

De puissants algorithmes

La question de l’honnêteté informationnelle est posée à chaque élection, à chaque crise, aux États-Unis, en France et ailleurs, tant les réseaux sociaux et les lobbies ont pris le contrôle de nos cerveaux.
Les médias sociaux numériques ont peu à peu remplacé les feuilles de choux locales pour informer les citoyens. Avec Twitter, Facebook, YouTube, Instagram, TikTok et autres LinkedIn, l’information journalistique se mêle allègrement à la communication, à la publicité, à la propagande et… au mensonge. Dans ce magma informe, chaque utilisateur y trouve ce qu’il y cherche.
En quelques années, l’information journalistique (celle qui est vérifiée et recoupée, classée et hiérarchisée) a fait place à cette masse monstrueuse d’infos gérée par de puissants algorithmes qui décident ce qui peut être publié ou non.

Une entreprise de désinformation mondiale

Comment s’y retrouver ? Comment trier le vrai du faux ? Toute la question est là : qui décide de la vérité ? Si je dis : ‘’Dieu existe’’, est-ce une fake news ? Et qui peut vérifier ? Quel fact-checking peut donner la réponse ? Personne, évidemment, puisqu’il s’agit d’une affaire de croyance. Croire, ce n’est pas savoir.
Mais pourquoi tous les médias du monde disent-ils la même chose au même moment sur les mêmes sujets ? C’est simple : parce que les grands médias du monde sont aux mains de quelques groupes industriels et financiers très puissants relayés par des lobbies grassement rémunérés.
Or, ces grands organismes de presse et ces entreprises numériques d’envergure mondiale ont décidé de se regrouper pour former un immense cartel visant à contrôler l’information. Ils se sont rassemblés en 2019 au sein de la Trusted News Initiative (TNI) « pour protéger le public et les utilisateurs contre ce qu’ils estiment relever de la désinformation, en particulier dans les périodes ‘’à risque’’ comme les élections. » Mais aussi comme la gestion de la crise sanitaire ou la guerre en Ukraine.

Combattre « les dangereux mensonges » !

Pour que les choses soient claires, la TNI a publié un communiqué dont le titre est limpide : « La TNI s’attaque à la désinformation dangereuse sur les vaccins. » En précisant : « Les partenaires de la TNI s’alerteront mutuellement en cas de désinformation présentant une menace vitale imminente, afin que les contenus visés puissent être examinés rapidement par les responsables des plateformes, tandis que les éditeurs veilleront à ne pas répercuter à leur insu de dangereux mensonges. »
Autrement dit, tous les partenaires se concertent pour traquer et éliminer la fausse information « antivaccins » de leurs plateformes respectives.
Les partenaires ? Ce sont les grandes agences de presse qui alimentent toutes les rédactions du monde : l’Agence France Presse (AFP), Associated Presse (AP), Reuters, mais aussi la BBC, CBC/Radio-Canada, l’Union européenne de radiodiffusion (UER), Facebook, Financial Times, First Draft, Google/YouTube, The Hindu, Microsoft, Reuters, Reuters Institute for the Study of Journalism, Twitter et The Washington Post.
Le cas de Reuters est particulièrement intéressant. Rachetée en 2007 par le groupe canadien Thomson Financial, l’agence internationale de presse, devenue Thomson Reuters Corps fut présidée de 2012 à 2020 par James C. Smith. Ce dernier dirige actuellement la Fondation Thomson Reuters, organisation caritative basée à Londres.
Or, James C. Smith est aussi, depuis le 26 juin 2014, membre du conseil d’administration de Pfizer Inc. Et l’un des premiers investisseurs du labo. Précisons que M. Smith est aussi membre du Conseil d’affaires international du Forum économique mondial et de nombreux conseils consultatifs internationaux.
Le plus grave, ce n’est pas que Reuters continue de promouvoir les produits pharmaceutiques de Pfizer, c’est qu’il entend, comme ses autres partenaires du TNI, réduire au silence tous ceux qui ne sont pas d’accord avec eux.
Comment ? En faisant du fact-checking, ce qui, en soi, n’a rien de répréhensible. Mais surtout en pratiquant la censure à grande échelle.

Censurer l’information qui déplaît

Là encore, les géants du numérique se sont associés pour lutter contre la désinformation (supposée) sur leurs sites. Et pour lutter contre la désinformation, rien de tel que de censurer l’information qui déplaît en la supprimant, purement et simplement, sans en informer l’auteur. Et lorsque les infos paraissent trop radicales, le titulaire du compte est banni, viré, éliminé. « Votre publication ne respectait pas les standards de notre communauté » !
Ainsi, petit à petit, se met en place « une vérité officielle », celle décidée par un petit groupe d’industriels qui nous imposent leur vision du monde. Un monde façonné exclusivement autour de leurs gigantesques profits.
Les moyens de communication de masse numériques et leurs algorithmes sont si puissants qu’ils ont pris le contrôle des idées et des opinions dans le monde en décidant arbitrairement ce qui est vrai et ce qui est faux.
Pour lutter contre la désinformation, les réseaux sociaux et les grands médias ont décidé de s’attaquer aux « fake news ». Mais les ‘’vérificateurs’’ n’ont pas forcément la compétence et le talent requis pour distinguer le vrai du faux.

Le business de l’info subventionnée

En passant de l’ère artisanale à l’ère industrielle, le business de l’info a attiré les industriels de tout poil, plus soucieux d’influence et de notoriété que d’éthique journalistique.
En France, la plupart des médias appartiennent à des groupes industriels ou financiers et leur concentration pose de sérieux problèmes en termes de pluralité de la presse et donc de démocratie.
Le gouvernement a adopté en 2018 une loi relative à la manipulation de l’information en période électorale et a créé, il y a quelques mois, une agence baptisée Viginum pour protéger le débat démocratique des intrusions externes.
Le Sénat, de son côté, a créé une commission d’enquête pour évaluer l’impact des concentrations de presse sur la démocratie. Les grands patrons de presse furent auditionnés les uns après les autres au début du mois de janvier 2022. Il est vrai que ces patrons de presse sont, avant tout, de grands industriels ou financiers (dont l’activité dépend des commandes de l’État pour beaucoup d’entre eux) qui ont acheté des journaux (papiers, audio-visuel, internet) pour asseoir leur notoriété.
Faut-il croire tout ce qui est écrit dans les journaux, ce que l’on entend à la radio, ce que l’on voit à la télé ? La question de l’éducation aux médias est posée chaque année lors de la Semaine de la presse à l’école.
L’objectif est de former les jeunes à discerner le vrai du faux, à développer leur esprit critique, à devenir des cybercitoyens responsables.
Rappelons que la presse française est largement subventionnée par l’État. Le montant des aides publiques s’élève à environ 400 M€ par an. Une manne indispensable à la survie de la presse en même temps qu’une tutelle à peine déguisée de l’État sur la ligne éditoriale et donc sur l’information de ces titres grassement subventionnés.
Si elle n’est plus un contre-pouvoir, la presse est donc devenue un relai du pouvoir. Ce fut bien utile durant la crise sanitaire. Ce relais est tout aussi précieux pour pipeauter le narratif des conflits en Ukraine ou au Proche-Orient.
Qui peut en douter?

La liberté d’expression ? Ah, la bonne blague !

 

 

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