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La liberté d’expression ? Ah, la bonne blague !

Dix ans après l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo, on reparle de la liberté d’expression. Mais de quoi parle-t-on vraiment à l’heure d’internet et des réseaux sociaux ?

Vive la liberté d'expression Taymaz Valley Flickr
Vive la liberté d’expression Taymaz Valley Flickr

La Fondation Jean-Jaurès vient de réaliser avec l’Ifop, en partenariat avec Charlie Hebdo, une grande enquête sur le rapport qu’entretiennent les Français avec le dessin de presse, les caricatures et le rire en général, ainsi que sur leur soutien à la liberté d’expression. Résultat ? « La société française de plus en plus acquise à la liberté d’expression et au droit au blasphème » écrit l’IFOP. « En 2012, seule une courte majorité de Français (58 %) considérait la liberté d’expression et de caricature comme un droit fondamental, contre 76 % aujourd’hui (+18 points). »
Mais de quoi s’agit-il vraiment quand on parle de « liberté d’expression » que bien souvent l’on confond avec la liberté de conscience ?

Liberté de conscience et liberté d’expression

La conscience, c’est la faculté mentale d’appréhender sa propre existence et de concevoir le monde. Cette faculté est de l’ordre de l’intime. Je pense ce que je veux, même les choses les plus abjectes. C’est mon droit le plus absolu. D’autant que personne d’autre que moi ne peut savoir ce que je pense. La liberté de conscience est absolue. En principe.
La liberté d’expression, c’est le droit de pouvoir dire et faire savoir par quelque moyen que ce soit ce que l’on pense. Ce droit est l’un des piliers de tout régime démocratique. C’est ce même droit sur lequel est fondée la liberté de la presse.
L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que “tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.”
La liberté d’expression est définie par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui dispose que « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »

La célèbre loi de 1881

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit les libertés et responsabilités de la presse française. Elle impose un cadre légal à toute publication, ainsi qu’à l’affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique. Son article 1 dispose que “l’imprimerie et la librairie sont libres”. Mais elle réprime l’injure et la diffamation.
Cette célèbre loi de 1881 a été complétée par la loi Pleven du 1ᵉʳ juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme et crée un nouveau délit qui punit la discrimination.
La loi Gayssot du 13 juillet 1990 sanctionne, en outre, la négation des crimes contre l’Humanité perpétrés par le régime nazi.

En liberté surveillée

La 17ᵉ chambre correctionnelle du TGI de Paris est spécialisée dans les délits de presse.
Bref, la conscience, c’est ce que je pense. L’expression, c’est ce que je dis. Je pense ce que je veux. Je n’ai pas le droit de dire ce que je veux.
Autrement dit, la liberté d’expression est rigoureusement encadrée par un ensemble de textes législatifs : elle en limite l’étendue. Il s’agit donc d’une liberté surveillée.
Quant à la liberté de conscience, qui peut garantir qu’elle est absolue pour chacun d’entre nous dès lors qu’il devient possible d’ôter tout libre arbitre à un individu au moyen de produits chimiques (comme la scopolamine, ou drogue du diable) ou via l’hypnose, par exemple ? La manipulation mentale est un objet de recherche scientifique d’autant plus sérieux que les moyens de communication de masse ont désormais une résonance planétaire.

Censure et réseaux sociaux

En effet, les médias sociaux numériques ont peu à peu remplacé les feuilles de choux locales pour informer les citoyens. Avec Google, Microsoft, Twitter, Facebook, YouTube, Instagram, TikTok et autres LinkedIn, l’information journalistique se mélange allègrement à la communication, à la publicité, à la propagande et… au mensonge. Dans ce magma informe, chaque utilisateur y trouve ce qu’il y cherche.
En quelques années, l’information journalistique (celle qui est vérifiée et recoupée, classée et hiérarchisée) a fait place à cette masse monstrueuse d’infos gérée par de puissants algorithmes qui décident ce qui peut être publié ou non.
L’avènement des géants du numérique a permis de mondialiser l’information journalistique. Pour en prendre le contrôle total. Pour lutter contre la désinformation, rien de tel que de bricoler les algorithmes et de censurer l’information qui déplaît en la supprimant, purement et simplement. Et lorsque les infos paraissent trop radicales à ces géants de la tech, le titulaire du compte est banni, viré, éliminé. « Votre publication ne respectait pas les standards de notre communauté » !

Algorithmes contre kalachnikovs

Désormais, les grands médias du monde sont aux mains de quelques groupes industriels et financiers très puissants relayés par des lobbies grassement rémunérés. Ils ont pris peu à peu le contrôle de l’information et de nos idées pour imposer ‘’leur’’ vision du monde, celle de l’Oncle Sam.
Ainsi, petit à petit, se met en place « une vérité officielle », celle décidée par un petit groupe d’industriels qui nous imposent leur vision du monde. Un monde façonné exclusivement autour de leurs gigantesques profits.
Les moyens de communication de masse numériques et leurs algorithmes sont si puissants qu’ils décident arbitrairement ce qui est vrai et ce qui est faux.
L’appropriation de nos données par les géants de la Silicon Valley nous a transformés en « e-esclaves ». Les algorithmes sont moins sanglants que les Kalachnikovs, mais plus efficaces.
Dans un monde où l’évolution des techniques et des sciences (intelligence artificielle, algorithmes, GAFAM…) ne cesse de progresser, il y a lieu d’être extrêmement vigilant sur la volonté de quelques-uns de vouloir prendre le contrôle de nos opinions et de nos émotions. Donc de nos vies. L’exemple de l’intervention d’Elon Musk dans la politique au Royaume-Uni ou en Autriche, notamment, est là pour nous le rappeler.

« La liberté n’a aucun sens lorsque le droit d’exprimer ses pensées et ses opinions n’existe plus, écrivait Frédérick Douglas, ancien esclave droit devenu éditeur et fonctionnaire américain. Ce droit, parmi tous les droits, est la hantise des tyrans. C’est le droit qu’ils attaquent en premier. Ils en connaissent son pouvoir ».

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