Point-de-vue– « Ma position sur la question des retraites a été souvent exposée en détail : je considère que sa nécessité n’est pas avérée, qu’elle n’a aucun caractère d’urgence et que la voie choisie est à l’évidence la plus injuste » affirme l’ancien secrétaire d’État au Budget.
Par Christian Eckert
Les comptes publics de 2022 récemment publiés (avec une discrétion inhabituelle) révèlent que les comptes de la Sécurité Sociale (incluant les retraites) sont excédentaires de 9 milliards d’Euros et que l’État est lui en déficit de 146,9 milliards. Cela aide sans doute à mieux comprendre le but caché de la réforme…
Les budgets familiaux difficiles
Les organisations syndicales ont donc raison de poursuivre leurs actions pour réclamer son retrait. De même que le Conseil Constitutionnel pourrait légitimement valider l’organisation d’un référendum sur la mesure d’âge, qui permettra, sans doute, de mobiliser dans la durée les très nombreux opposants à ce texte.
Mais ce Président qui méconnait le peuple devrait entendre les manifestants. Certes, ils combattent un projet injuste, mais leurs inquiétudes vont aussi au-delà de la question des retraites : outre les angoisses liées à la situation internationale ou à la crise climatique qui s’affirme, c’est dans le quotidien de leur vie que se matérialisent les difficultés : coût de l’énergie, inflation des prix des produits alimentaires (et de bien d’autres biens…) rendent les budgets familiaux difficiles, surtout dans les foyers modestes où les dépenses ne peuvent être reportées.
La rémunération n’est plus à la hauteur
Il y a de multiples questions sur l’organisation du travail, mais l’une d’entre-elles est centrale et ne peut être ignorée : la rémunération n’est plus à la hauteur. On a inventé des usines à gaz, avec des plans d’intéressement, de la participation, des primes exceptionnelles, des exonérations d’impôts et de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, des chèques déjeuner, des chèques vacances… Ce n’est pas inutile, est apprécié des salariés, mais présente des travers importants :
- Cela ne concerne pas tout le monde : les fonctionnaires par exemple ne sont pas éligibles à de nombreux dispositifs.
- C’est souvent au bon vouloir de l’entreprise qui préfère des mesures ponctuelles à une revalorisation salariale globale et durable…
- Au passage, rappelons que dispenser des revenus d’impôts et de cotisations sociales est une des causes de nos déficits publics importants.
L’inflation est très forte et des mesurettes ne suffiront pas à la majorité des Français pour la traverser.
Bien sûr, on nous rétorquera que le SMIC a été revu et qu’il aurait été revalorisé au niveau de l’inflation :
D’abord, c’est faux : Depuis le 1° septembre 2021, le SMIC a augmenté de 9,95 % passant de 1554,58 à 1709,28 euros brut en 2023. Qui ose affirmer que l’inflation pour les dépenses courantes est inférieure à 10% en 18 mois ?
Ensuite, il faut cesser de ne revaloriser que le SMIC : sa hausse ne touche pas toujours les salariés payés plus. Le nombre de smicards ne fait qu’augmenter avec ce système qui crée une « trappe à bas salaires ».
Une proposition
Alors qu’une ébauche de dialogue social pourrait se dessiner, je me risque à faire une proposition qui permettrait de tester les déclarations du Gouvernement qui prétend s’attaquer à la question travail : jusqu’en 1983, il existait en France une indexation de tous les salaires pour suivre l’inflation. Une règle identique existe dans d’autres pays. Par exemple, pour les 125. 000 lorrains travaillant au Luxembourg (pays qui ne semble pas proche de la faillite), un INDEX existe et oblige périodiquement (et même plusieurs fois par an quand les prix augmentent comme en ce moment) à un ajustement des salaires pour tenir compte de l’inflation.
La CGT évoque à raison dans ses revendications une règle de cette nature. Les difficultés sociales actuelles la justifient pleinement, quitte à la revoir périodiquement pour tenir compte de la conjoncture. La règle doit être travaillée pour éviter qu’une hausse générale en pourcentage ne favorise trop les salaires importants. Peut-être que les revalorisations devraient se décliner en Euros plutôt qu’en pourcentages. Au passage, observons que la revalorisation des salaires facilitent l’équilibre des retraites…
La négociation et le dialogue fourniront la solution, si toutefois le Gouvernement met ses actes en conformité avec ses discours…