Point-de-vue- Le patron de la plus grande banque américaine met en garde contre l’imminence d’un « ouragan » économique causé par une Réserve fédérale de plus en plus belliqueuse, des pressions inflationnistes croissantes et l’invasion russe en Ukraine.
Par Jean-Luc Baslé*
Voilà ce que vient d’annoncer Jamie Dimon – le très médiatique président de JPMorgan Chase, première banque américaine dont la réputation a été sévèrement écornée non seulement par la performance de son titre en bourse, mais aussi par ses nombreuses condamnations en justice. Jamie fait cette révélation, plutôt inquiétante pour le bon peuple, de façon désinvolte, comme s’il s’agissait d’un événement ordinaire imprévu. Or, c’est un événement ni ordinaire, ni imprévu. Il y a longtemps que lui et ses amis de Wall Street savent que la situation qu’ils ont créée, avec la complicité de la Réserve fédérale et du Congrès qui, rappelons-le, supervise la banque centrale, savent qu’un tsunami économique et financier est en formation.
Les diktats du marché
La politique économique américaine ne fait plus sens depuis la Révolution Reagan, c’est-à-dire depuis sa conversion au néolibéralisme dont le but non déclaré est la soumission de l’État aux diktats du marché. La crise des subprimes fut l’occasion pour la Réserve fédérale d’adopter une politique résolument monétariste qui sauva les grandes banques de la faillite, mais laissa dans le dénuement les braves gens qui s’étaient laissé convaincre par leurs boniments pour acheter un bien immobilier dont ils n’avaient pas les moyens. Le gouvernement Obama ne fit rien ou presque pour les sauver de la misère !
Incompréhensible et répréhensible
L’irresponsabilité des autorités américaines et de leurs complices de Wall Street apparaît clairement à la lumière de graphiques qui illustrent trois données économiques fondamentales depuis 1940 : un budget fédéral hors contrôle dont le déficit en 2021 s’élève à 3.132 milliards de dollars, soit 15% du produit intérieur brut, un endettement public supérieur à celui de 1945 (en pourcentage du produit intérieur brut), et une politique de la Réserve fédérale tout à la fois incompréhensible et répréhensible comme le montre l’évolution de son bilan dont le total a été multiplié par 9 depuis la crise des subprimes (2008).
Plus étonnant encore, 62% de cette augmentation s’est produite au cours des deux dernières années. Il s’agit d’une injection de liquidité hors norme, sans raison apparente, porteuse d’inflation. Jamie Dimon le sait. Il le sait depuis longtemps, ce qui rend son annonce hypocrite.
Avec les effets négatifs de la pandémie et de la guerre en Ukraine, cette politique irresponsable et criminelle ne peut se traduire que par une crise économique et financière mondiale d’ampleur qui enverra la Grande Crise de 1929 dans les oubliettes de l’Histoire.
(Cet article a été publié une première fois sur IDJ le 14 juin 2022)
*Ancien directeur de Citigroup (New York) et auteur de « L’euro survivra-t-il ? »