Une vingtaine de journaux français se regroupent autour de l’Agence France Presse et de Google France pour définir ce qui est vrai et ce qui est faux en période électorale. Une nouvelle version de la Pravda (la Vérité, en russe) ?
Le 6 décembre dernier, l’Agence France Presse (AFP) et Google France ont annoncé la création d’un programme de lutte contre la désinformation intitulé « Objectif Désinfox ». Début février 2022, une vingtaine de grands médias * ont rejoint ce projet visant à lutter contre les fake-news en période électorale.
Ainsi, l’ensemble des rédactions parties prenantes vont mettre en commun leurs « fact-cheks » autrement dit leurs moyens de vérification de l’info. Les médias impliqués dans cette « coalition » auront à disposition des outils numériques utiles au recoupement de l’info en ligne (Label Fact Check, Google Image Search, Trends, PinPoint, Invid-WeVerify, Politoscope développé par le CNRS, et le compteur de tweets et d’autres outils ad-hoc proposés par Visibrain). En outre, l’AFP livrera gracieusement aux médias partenaires son « fil » fact-check #elections2022.
L’intention est louable.
Le vrai et le faux
Car l’information a toujours été une arme redoutable, surtout en période critique. Qui dit information dit désinformation, manipulation, intoxication, propagande, endoctrinement… À cet égard, le rôle des moyens de communication de masse s’avère déterminant. Les médias doivent dire ce qui est « vrai » et dénoncer les fausses informations visant à déstabiliser un homme ou une femme, un camp, un parti, un pays.
Les fake-news, comme on dit aujourd’hui, ont toujours existé, notamment pendant les guerres. Mais elles ont pris une dimension planétaire avec le développement des médias numériques et des réseaux sociaux.
On l’a constaté tout particulièrement au moment des élections aux États-Unis où les deux camps ont accusé l’autre d’utiliser des fake-news. Le président sortant Donald Trump aurait prononcé 30.573 mensonges selon le Washington Post. Soit, en moyenne, plus de vingt par jours ! Les services de renseignement américains ont aussi accusé Moscou de piratages, d’intrusions et d’intox durant les élections américaines de 2016.
Ce qui se passe aux États-Unis, se passe partout. Les élections sont un moment sensible de la démocratie d’un pays. D’où l’intérêt de contrôler l’information journalistique.
Le noir, le blanc, le gris…
Mais comment distinguer le vrai du faux sachant que le monde n’est ni tout blanc ni tout noir et que la zone grise est largement majoritaire ? La vérité toute nue n’existe pas, on le sait bien. Quant au mensonge, il a souvent les atours de la sincérité, voire de l’authenticité. Surtout en politique où ce qui est vrai un jour peut ne pas l’être le lendemain.
Rappelons tout de même que l’AFP comme Google sont déjà associés au sein de la Trusted News Initiative (NTI) dont l’objectif, avec ses partenaires, ** est de « s’attaquer à la désinformation dangereuse sur les vaccins ».
L’agence Reuters est au nombre des partenaires de TNI. Reuters a pris la tête de la croisade contre la désinformation sur les antivaccins et pour rétablir « sa vérité » sur les vaccins. NTI est chargé de censurer, sur toutes les plateformes, tous les articles qui mettraient en cause cette « vérité ».
Or, l’agence de presse internationale Reuters a été présidée, de 2012 à 2020 par un certain James C. Smith qui est aussi, depuis le 26 juin 2014 membre du conseil d’administration de Pfizer Inc. Et l’un des premiers investisseurs. Précisons que M. Smith est aussi membre du Conseil d’affaires international du Forum économique mondial et de nombre conseils consultatifs internationaux.
Infos, intox, infox… N’oublions jamais que le plus grand journal de l’époque soviétique s’appelait la Pravda, c’est-à-dire La Vérité.
*20 Minutes, AFP, Arte, BFMTV, Euronews, Fact & Furious, FactoScope, France24, Konbini, LCI, M6, Mediacités, Phosphore, Rue89 Bordeaux, Rue89 Strasbourg, RFI, Radio France Maghreb 2, RMC, RTL, TF1 et TV5 Monde.
** Les partenaires de TNI ? Ce sont les grandes agences de presse qui alimentent toutes les rédactions du monde : l’Agence France Presse (AFP) Associated Presser (AP), Reuters, mais aussi la BBC, CBC/Radio-Canada, l’Union européenne de radiodiffusion (UER), Facebook, Financial Times, First Draft, Google/YouTube, The Hindu, Microsoft, Reuters, Reuters Institute for the Study of Journalism, Twitter et The Washington Post.