Le gouvernement veut éduquer les jeunes citoyens aux médias et à la citoyenneté numérique. Bonne initiative, à condition de savoir de quoi l’on parle. Exemple édifiant avec le rôle des médias dans la crise sanitaire.
Dans un communiqué commun, les ministères de l’Éducation et de la Culture plaident ardemment pour une éducation des jeunes aux médias et à l’information alors que les fake news pullulent et que des entreprises de désinformation et de déstabilisation sont à l’œuvre.
Voilà une très bonne initiative à la condition de savoir de quoi l’on parle. Et d’avoir conscience que les médias sont des entreprises dont le business consiste à « vendre » de l’info. C’est-à-dire des mots, des sons, des images… C’est-à-dire des idées. C’est-à-dire des opinions. On comprend mieux pourquoi ce business ne laisse pas les milliardaires indifférents. Largement subventionnés par les pouvoirs publics, les médias nationaux et régionaux n’ont pas cette indépendance financière qui leur permettrait de produire une information totalement impartiale.
Ajoutons à cela le regroupement inédit des grands médias de dimension mondiale au sein d’une structure baptisée Trusted News Initiative (NTI) dont l’un des objectifs est de lutter contre les fausses informations. Son premier grand combat : dénoncer tous ceux qui mettent en doute l’efficacité des vaccins. L’ennui, c’est que certains d’entre eux ont des conflits d’intérêts avec les grands laboratoires pharmaceutiques comme nous l’avons écrit.
Voilà tout ce qu’il faut dire aux jeunes citoyens pour les aider à comprendre la presse, les médias, l’information, les fake news. Pour les aider à comprendre le monde d’aujourd’hui où les moyens de communication de masse (mass media) sont gérés par de puissants algorithmes au profit des plus puissants. Mais est-ce vraiment nouveau?
Une priorité du ministère de l’Éducation
Voici le communiqué : « L’éducation aux médias et à l’information (EMI) est une priorité que portent conjointement le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports et le ministère de la Culture, en liaison avec les opérateurs publics de l’éducation, les acteurs de la presse et des médias, les institutions et les associations qui agissent sur l’ensemble du territoire national et en direction de tous les publics.
L’EMI revêt une dimension fondamentale pour la construction d’une culture et d’une conscience civiques, donnant aux élèves la capacité de discerner les usages responsables du numérique, de faire appel à un esprit critique à bon escient, de comprendre et d’interpréter les flux informationnels, de distinguer connaissances et croyances, informations et fausses informations.
Des webradios dans les collèges
Conformément aux conclusions des États généraux du numérique organisés en 2020 et à la suite du rapport du groupe d’experts, constitué après l’assassinat de Samuel Paty, sur « le renforcement de l’EMI et de la citoyenneté numérique » remis le 1er juillet 2021 ; Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, annonce aujourd’hui plusieurs mesures visant à renforcer l’EMI.
Une circulaire relative à la généralisation de l’EMI au sein du système éducatif précise :
- La nomination dans chaque académie d’un référent EMI placé sous l’autorité des recteurs ;
- La création dans chaque académie d’une cellule EMI qui en pilote la politique pour les 1er et 2nd degrés ;
- Le renforcement des moyens dévolus aux coordonnateurs académiques du CLEMI ;
- La diffusion d’un vadémécum de référence en EMI en direction des professeurs des écoles et des enseignants de toutes les disciplines, réalisé en collaboration avec le ministère de la Culture ;
- La diffusion d’un vadémécum pour la mise en œuvre de projets de webradios dans les établissements, notamment au collège.
Afin de dynamiser ce plan de renforcement de l’EMI, un plan de déploiement des webradios dans les collèges est en effet lancé dans le cadre de la politique en faveur des productions médiatiques au collège, en s’appuyant sur les pratiques des professeurs documentalistes et des enseignants de tous les champs disciplinaires impliqués dans ces projets d’EMI.
Transformation par le numérique
Lancé prioritairement dans le cadre du dispositif innovant des Territoires Numériques Educatifs (TNE), ce plan de déploiement national est réalisé en partenariat avec l’Arcom (Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), Radio France, le Sirti (Syndicat des radios indépendantes), la CNRA (confédération nationale de radios associatives), le SNRL (syndicat national des radios libres), avec le soutien de Réseau Canopé et du CLEMI.
Ces mesures s’inscrivent dans un double contexte :
- De transformation de nos sociétés par le numérique, la question de la production et de l’accès à une information fiable se posant de manière cruciale en raison de la création massive de flux informationnels et de leur diffusion instantanée à l’échelle planétaire, sans régulation suffisante et souvent sans cohérence avec les droits des États ;
- De nécessité de prévenir les usages détournés, illégaux, dans une optique de prévention, et de tirer les opportunités offertes par le média numérique en matière d’information.
Elles visent également à répondre à certaines conclusions du rapport de la commission « Les Lumières à l’ère numérique », remis le 11 janvier 2022 au président de la République, et préconisant de faire du développement de l’esprit critique et de l’EMI une grande cause nationale en :
- Systématisant la formation à l’esprit critique et à l’EMI en milieu scolaire, pour les élèves dès l’école primaire et jusqu’après le secondaire et pour les enseignants en formation initiale et continue ;
- Renforçant de manière significative le réseau de référents et coordinateurs académiques dans ces domaines et sensibilisant les autorités scolaires aux enjeux de l’EMI ;
- Développant la formation à l’esprit critique et à l’EMI dans la société civile, aussi bien dans des projets éducatifs de territoires et des cités éducatives, que dans des dispositifs d’insertion, des jeunes volontaires en service civique jusqu’aux retraités et à la formation continue.
Enfin, dans le contexte de présidence française du Conseil de l’Union Européenne (PFUE), ces actions s’inscrivent dans le cadre de la recommandation visant à développer et à promouvoir l’éducation à la citoyenneté numérique adoptée le 21 novembre 2019 et à en faire une priorité pour les gouvernements, par les ministres de 47 États membres du Conseil de l’Europe. »