Les violences de samedi n’ont pas entamé la détermination des Gilets jaunes qui entendent poursuivre leur mouvement. Sauf si Emmanuel Macron se décidait, enfin, à infléchir sa position.
De retour à Paris dimanche matin après avoir assisté au G20 en Argentine, le président de la République s’est rendu à l’Arc de Triomphe et dans les avenues adjacentes où il a pu mesurer l’étendue des dégâts provoqués par la colère des Gilets jaunes. Avenue Kléber, Emmanuel Macron a salué les policiers et les pompiers qui étaient en première ligne lors des violents affrontements de samedi dont le bilan est particulièrement lourd dans la capitale : 133 blessés, 412 interpellations et 378 placements en garde à vue selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.
Le visage grave, le président de la République a essuyé quelques sifflets de la part de parisiens situés sur les trottoirs. On a pu entendre des invectives genre : « Macron démission » ou « Macron dégage » qui témoignent de la colère toujours aussi vive de la population.
Au bout de quoi ?
Après trois semaines de mobilisation, de manifestations, de blocage de routes et de ronds-points, de violences incroyables aussi bien à Paris que dans les régions, la détermination des Gilets jaunes reste intacte. Ils l’avaient annoncé : « nous irons jusqu’au bout ».
Au bout de quoi ? La réponse semble d’autant plus difficile que les revendications des Gilets jaunes ne sont pas très clairement définies. Le mouvement lui-même est à la fois spontané et protéiforme. C’est sa force et sa faiblesse.
On sait que la grogne a commencé avec l’augmentation du prix du gazole et l’annonce d’augmentations progressive des carburants, jusqu’en 2022. Au nom de la transition écologique, leur dit-on. Ce que n’admettent pas les Français les plus modestes, ceux qui sont obligés de prendre leur voiture pour aller travailler ou se rendre à la ville.
Fracture sociale
D’où les barrages et autres filtrages sur les routes qui ont abouti, le 17 novembre 2018, à une grande manifestation ponctuée de quelques débordements. Le succès de cette mobilisation retransmise par les médias, ajouté au soutien massif de la population, a donné des ailes et des idées à tous ces « gens qui ne sont rien » comme l’a dit Macron.
Pire : ils ont pris conscience qu’ils représentaient quelque chose de fort, d’unique. Qu’ils étaient nombreux dans le pays à galérer dans la vie. A se priver de tout, tout le temps. Jeunes, vieux, retraités, agriculteurs, petits artisans, assommés de factures, de taxes, d’impôts, ignorés des élites…. Quand d’autres Français vivent comme des Pachas, dans le même pays. Cette fracture sociale, cette injustice sociale, ils n’en veulent plus, ni pour eux, ni pour leurs enfants. La misère est source de maladies, de perte d’estime de soi. La misère est une violence silencieuse qui détruit lentement et totalement.
Dangereux et idiot
D’où l’évolution des revendications qui déstabilise l’exécutif. Les Gilets jaunes qui manquent de chefs, de leaders et même de porte-parole, ne manifestent plus pour la baisse du prix du gazole mais pour le pouvoir d’achat, l’augmentation des salaires. D’où la manifestation du 24 novembre. Et, à nouveau, des heurts avec la police, des exactions, des dégradations.
Réponse du gouvernement ? « On garde le cap ». Pas question de changer quoi que ce soit à notre politique. C’est idiot et irresponsable. Les Français l’ont bien compris qui, plus que jamais, ont soutenu les Gilets jaunes à… 84% selon plusieurs sondages.
D’où la manif du 1er décembre et les dégâts collatéraux que l’on sait, à Paris et ailleurs.
D’où les nouveaux barrages et, sans doute, une nouvelle grande manifestation. Car le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a annoncé, ce dimanche, qu’il ne changerait pas de cap face aux Gilets jaunes.
Cette fois, c’est de la provocation et cela devient dangereux pour tout le monde. Pour les manifestants, pour les forces de l’ordre. Et pour tous ceux qui, de près ou de loin, soutiennent la politique d’Emmanuel Macron : les ministres, bien sûr, les députés, les préfets… dont on espère qu’ils ne feront pas les frais, tôt ou tard, d’un jusqu’au boutisme imbécile de l’exécutif dépassé par la colère du peuple des ronds-points.