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Mali : encore un militaire français tué

Le brigadier Alexandre Martin, 24 ans, membre du 54ᵉ Régiment d’artillerie d’Hyères (Var) a perdu la vie au cours d’une attaque du camp de l’opération Barkhane de Gao. Neuf autres soldats ont été blessés. Interview de Leslie Varenne, directrice de l’Institut de Veille et d’Etude des Relations Internationales et Stratégiques (IVERIS).

L’attaque du camp de Gao, au Mali, a été menée samedi vers 17 heures par des tirs d’obus provenant d’une zone située à environ 5 ou 6 km du camp de l’opération Barkhane. On ignore pour l’instant l’origine de ces tirs mais on sait qu’elle est survenue dans une région fréquentée par des djihadistes de la nébuleuse Al-Qaida.
L’attaque a fait un mort, le brigadier Alexandre Martin, 24 ans, originaire de Rouen, mais aussi neuf blessés dont l’état de santé n’inspire plus aucune inquiétude.
Le Brigadier Martin est le 53ᵉ mort de l’opération Barkhane. Cette opération, menée au Sahel par l’armée française, a pour but de lutter contre les groupes armés djihadistes. Elle a été lancée le 1er août 2014, succédant aux opérations Serval et Épervier. Elle mobilise plusieurs milliers de soldats.

Leslie Varenne : « Une défaite politique pour la France »

Quelle est la situation au Sahel pour les militaires français ?

Cet incident survient à un très mauvais moment pour les militaires engagés au Sahel ainsi que pour le chef de l’État. La situation était déjà difficile et complexe sur le terrain, ne cessant de se détériorer année après année.
Les décisions d’Emmanuel Macron prises lors du sommet de Pau en janvier 2020 pour tenter de changer la donne, n’ont pas été suivies d’effets sur le terrain. La situation sécuritaire des Sahéliens est devenue de plus en plus délicate.
Les décisions prises l’année suivante au sommet de Ndjamena, n’ont pas davantage abouti à des résultats positifs tant du point de vue de la sécurité que sur celui du développement.
A la situation sécuritaire s’est greffée une situation politique délétère, notamment au Mali avec le coup d’Etat de 2020 et les événements de mai 2021. Quant au Burkina Fasso, la situation est très volatile, comme le montre les événements en cours à l’heure ou ces lignes sont écrites.

Les militaires français évoluent-ils dans un environnement favorable, notamment vis-à-vis des populations locales ?

Avec les sanctions mises en place contre la junte militaire au Mali par la CEDEAO le 9 janvier dernier, le ressentiment anti-français est encore monté d’un cran. Cette situation est difficilement tenable pour nos militaires qui ne peuvent pas opérer sereinement dans une zone où ils ne sont plus les bienvenus. Les décisions prises à Paris, comme les sanctions économiques à l’égard de la junte malienne, ont eu des conséquences qui pèsent sur nos militaires.

Que faudrait-il faire désormais ?

Dans son discours devant le Parlement européen, comme dans ses vœux aux Armées, le président français a éludé la difficile question sahélienne. Néanmoins, celle-ci s’invite dans le débat politique de cette campagne pour la présidentielle. On ne pourra pas ne pas questionner le chef de l’État sur sa gestion passée et présente et à venir à l’égard du Mali. S’il est candidat, il devra présenter une stratégie qui a jusqu’à présent fait défaut.
Dans ses vœux aux Armées, la ministre Florence Parly a déclaré : « Au Sahel, la situation sécuritaire reste difficile et se voit désormais compliquée par un contexte politique malien très défavorable et le déploiement des mercenaires russes de Wagner (…) Nous allons devoir trouver la voie pour, en dépit de ces difficultés, poursuivre la mission que nous nous sommes fixés et pour laquelle les pays d’Afrique de l’Ouest nous demandent notre appui : la lutte contre le terrorisme ».
Paris veut « trouver la voie » pour la lutte anti-jihadiste « en Afrique de l’Ouest » (voaafrique.com)
Elle reconnaît donc implicitement que la France est dans une impasse. Pour autant, ses déclarations donnent à penser que la France n’envisage pas de quitter le Mali, mais le peut-elle ? Sauf à quitter Gao comme les Américains ont quitté Bagram (Afghanistan), le retrait français prendra au moins six mois.
Il reste acquis que, si l’opération Barkhane n’est pas une défaite militaire à proprement parler, c’est d’ores et déjà une défaite politique pour la France.

 

Opération Barkhane (ministere des Armées)
Opération Barkhane (ministere des Armées)
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