La Cour administrative d’appel de Paris confirme ce jeudi 16 novembre 2023 le jugement de première instance du 23 juin qui annulait l’agrément judiciaire de l’association anticorruption.
Coup dur pour Anticor. La Cour Administrative d’Appel (CAA) de Paris confirme le retrait de l’habilitation pour l’ONG de porter plainte au nom de l’intérêt général en matière de délinquance financière et de lutte contre la corruption. La CAA n’a pas été sensible aux arguments de la Première ministre, Elisabeth Borne, qui plaidait, il y a peu, pour le maintien de l’agrément judiciaire à l’association.
Une plainte des dissidents
Ce sont des dissidents de l’association qui ont saisi le T.A. pour contester l’arrêté du Premier ministre de l’époque, Jean Castex, qui, le 2 avril dernier, a accordé le renouvellement de l’agrément donné à l’association pour ester en justice. Cet agrément est délivré à seulement trois associations en France (Anticor, Sherpa et Transparency France).
L’association Anticor dispose en fait de deux agréments lui permettant de lutter contre la corruption. L’un est délivré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il concerne les élus (manquements à leurs obligations de déclaration, conflits d’intérêts, etc.).
Le second est délivré par le Garde des sceaux. Il permet à Anticor, depuis 2015, de saisir les tribunaux en tant que partie civile dans les affaires de corruption, de trafic d’influence, de recel ou encore de blanchiment.
Or, ce deuxième renouvellement à la fin 2020 a posé problème puisque le nouveau garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, faisait l’objet d’une plainte pour prise illégale d’intérêts déposée par… Anticor le 9 octobre 2020. Le ministre de la Justice a donc confié le dossier au Premier ministre, Jean Castex.
Un mystérieux donateur
Pourquoi les dissidents d’Anticor ont-ils saisi le tribunal administratif ? Parce qu’ils considèrent que le renouvellement n’aurait jamais dû être renouvelé, car, disent-ils, les conditions d’indépendance et de neutralité de l’association ne sont plus remplies.
En effet, l’association a été secouée, au cours des derniers mois, par une grave crise interne qui a fait les gros titres de la presse et que l’avocat Juan Branco rappelle dans une « intervention volontaire » au T.A. (voir ci-dessous). Anticor a reçu des dons d’un homme d’affaires longtemps resté anonyme, mais dont on a appris qu’il pratiquerait l’optimisation fiscale. Bref, de quoi s’interroger sur l’indépendance réelle de l’association.
Pourquoi l’agrément a-t-il été retiré à Anticor ?
Françoise Verchère, maire honoraire de Bouguenais et conseillère générale honoraire de Loire-Atlantique, nous expliquait le 23 juin 2023. « Lorsqu’on dénonce les tristes pratiques du monde politique (mensonges, dissimulation, copinage), il faut être irréprochable dans son propre fonctionnement interne, dit-elle. Ce qui n’a pas été le cas. Après avoir été récompensée d’un prix éthique, j’ai été sollicitée pour entrer au conseil d’administration de l’association. De 2018 à 2020, j’ai hélas constaté l’absence de transparence, les petits secrets entre amis, le refus de donner aux administrateurs toutes les informations qu’ils demandaient, notamment le nom du fameux donateur dont il a fallu que nous apprenions par un journaliste que sa fortune était placée dans des paradis fiscaux… Dix administrateurs sur 21 ont demandé plus de transparence et de démocratie interne. Qu’a décidé le bureau d’Anticor ? Convoquer une Assemblée Générale par internet en plein Covid, et lui faire révoquer le conseil administration, sans donner aux ‘’opposants’’ la possibilité d’informer correctement les adhérents. Puis est venu le temps de la purge dont je passe les détails… »
D’autres associations anticorruption
Françoise Verchère rappelle qu’Anticor n’a pas le monopole de l’action contre la corruption et que d’autres associations existent, comme Ethicpol, ou AC !! Même sans agrément, car elles sont trop récentes pour l’obtenir, elles agissent aussi !
« AC !! a d’ailleurs mis dans ses statuts la protection de l’environnement, ce qui lui permet d’agir en justice (et dans les attaques contre l’environnement, on retrouve souvent les ingrédients propres à la corruption). Et, si ces associations existent, c’est parce que leurs fondateurs n’ont pas supporté de voir le fossé entre les beaux principes défendus par Anticor et ses pratiques concrètes. »
Arrêt de la Cour administrative d’appel
Contre toute attente, la CAA confirme le jugement de 1ère instance, annulant l’#agrément anticorruption d’Anticor.
Ce jugement intervient alors que les services de la Première Ministre @Elisabeth_Borne confirmaient qu'Anticor remplissait bien les conditions d'octroi de l'agrément pic.twitter.com/XW2aPyi9P0— Anticor (@anticor_org) November 16, 2023