Monde
Partager
S'abonner
Ajoutez IDJ à vos Favoris Google News

La France et les supercalculateurs

Le supercalculateur Frontier (USA) propulsé par des processeurs AMD Epyc est désormais le plus rapide du monde. Mais où en sont la France et l’Europe dans cette compétition cruciale pour l’avenir ?

Com-idris, CC BY-SA 4.0 httpscreativecommons.orglicensesby-sa4.0, via Wikimedia Commons
Com-idris, CC BY-SA 4.0 httpscreativecommons.orglicensesby-sa4.0, via Wikimedia Commons

Le supercalculateur Frontier (USA) propulsé par des processeurs AMD Epyc est désormais le plus rapide du monde. Sa puissance est réputée dépasser un exaflop (mille milliards d’opérations par seconde). Cette puissance gigantesque présente un intérêt pour résoudre certains grands défis scientifiques (physique quantique, climat, astrophysique, modélisation moléculaire pour la biotech, etc.…). Il est installé à Oak Ridge où l’on trouve aussi Titan et Summit qui, en leur temps, ont battu des records de puissance.

Et la France ?

Le supercalculateur est un des marqueurs significatifs de la puissance technologique d’un pays. D’ailleurs la Chine domine en nombre le Top 500 avec 173 machines, les USA disposent des plus puissantes. Où en est la France ? La question est légitime, car en 2016, la France se targuait de faire le supercalculateur le plus puissant du monde. Le projet était porté naturellement par ces artisans infatigables du coup d’après (Macron, Breton et les autres). Dans le discours, on était déjà les meilleurs. Exemple : « à l’horizon 2020, Atos/Bull entend développer une nouvelle génération de supercalculateurs capables de réaliser une performance de l’ordre de l’exaflop, soit… ».
On notera qu’en 2016, on raisonnait en petaflop (unité mille fois plus petite que l’exaflop), c’est dire la performance visée…
Or, à cette époque, le projet n’en était qu’à la phase… Un.
À l’été 2020, en France, on en est à l’inauguration à grand bruit du supercalculateur Jean Zay à l’IDRIS (centre de calcul du CNRS). Sa puissance est de 28 petaflops. Déclaration du ministre inaugurateur : « ce système est aujourd’hui parmi les plus puissants supercalculateurs pour la recherche scientifique en Europe et replace la France au niveau de ses partenaires, l’Angleterre et l’Allemagne. » On n’insiste pas sur le fait que ce calculateur est américain développé par HPE (Hewlet-Packard). Le CNES fait appel pour son calcul intensif à l’architecture IBM eServer… il n’y a plus rien de français, ni d’européen dans la technologie employée… On notera que la puissance opérationnelle très respectable de 28 petaflops représente 28 pour mille (soit moins de 3 %) de l’ambition Atos de l’exaflop…

Mais où en est donc Atos/Bull ?

Il poursuit son bonhomme de chemin. Il vient de sortir (2022) un supercalculateur dénommé BullSequana XH3000 qui est livré à la DAM (Direction des Applications Militaires) du CEA (simulation des armes nucléaires). Il est présenté comme le calculateur le plus puissant conçu par Atos, il se veut plus généraliste et accessible aux grandes organisations et grande supériorité : il serait économe en électricité (le ‘vert’ s’impose en Europe !). Sa puissance est réputée de 23 pétaflops. … à comparer avec l’objectif attendu de l’exaflop, car le temps de la promesse est arrivé. Les supercalculateurs de Atos/Bull sont développés à partir de processeurs AMD (America Micro Device) – on attend toujours l’ambitieux processeur ‘’made in Europe’’ SiPearl (motorisé par des cœurs ARM), fleuron d’une souveraineté européenne retrouvée.

L’infériorité européenne

On parle ici des supercalculateurs qui sont nécessaires aux avancées scientifiques dans de nombreux domaines. Les tentatives de ‘’souveraineté’’ aussi bien française qu’européenne, clamées sur tous les toits, se terminent inéluctablement par des échecs patents, tant les résultats sont modestes.
L’objectif de l’exaflop, par son ambition, marque un tournant. Les USA l’ont réalisé. L’Europe est sortie du jeu : elle est contrainte d’acheter américain ou japonais (en attendant chinois). C’est la réalité de la souveraineté européenne. Il n’y a plus de ‘’coup d’après’’ même si Macron le prétend : l’infériorité européenne n’est pas que dans les processeurs, elle réside aussi dans l’architecture de ces monstres et ça c’est ‘’intellectuel’’ : ce n’est pas une affaire d’argent mais une affaire de compétence.
Qui peut en douter ?

 

Amérique du Nord Europe France Monde