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La publication de photos de policiers bientôt interdite?

Une proposition de loi contenant un article unique a pour but d’interdire la diffusion d’images de policiers, de militaires ou de douaniers. Une nouvelle entrave à la liberté de la presse.

Manifestation étudiante à Paris en 2009. Le désamour entre forces de l'ordre et citoyens tient aussi à une mauvaise gestion interne. Frog and Onion/Flickr, CC BY-ND
Manifestation étudiante à Paris en 2009. Le désamour entre forces de l’ordre et citoyens tient aussi à une mauvaise gestion interne. Frog and Onion/Flickr, CC BY-ND

La liberté de la presse consacrée par la loi du 29 juillet 1881 est une nouvelle fois remise en cause par cette proposition de loi présentée par Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes soutenu par un quarteron de députés de droite dont le vosgien Gérard Cherpion. L’article unique 35 quinquies destiné à compléter le paragraphe 3 du chapitre IV de la loi de 1881 est ainsi rédigé :  » La diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, de l’image des fonctionnaires de la police nationale, de militaires, de policiers municipaux ou d’agents des douanes est punie de 15 000 € d’amende et un an d’emprisonnement. »

« Policier-bashing »

Les députés ne font pas dans le détail. Si leur proposition est votée, il ne sera plus question de prendre de photos ou de filmer une manif, un contrôle de police, de gendarmerie ou des douanes sans tomber sous le coup de la loi. Même chose pour un conflit armé lorsque des journalistes iront couvrir pour leur journal une opération militaire. On regarde, mais on est prié de laisser la caméra et l’appareil photo à la maison.
Dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi, les élus de droite expliquent que « la prise d’images de représentants de forces de l’ordre en intervention et leur diffusion sur divers médias, notamment les réseaux sociaux, peut constituer un risque pour chacun d’entre eux et leur famille. En effet, les forces de l’ordre interviennent de plus en plus fréquemment dans un contexte de tensions importantes lié à une défiance
envers l’autorité publique et associé à une augmentation de la violence quotidienne. Parallèlement, la pratique du « policier bashing » se développe dangereusement.  »

Urgence violences policières

application-filmer-police

En réalité, les député à l’origine de cet article liberticide, réagissent à la création d’une nouvelle appli, appelée UVP dont nous avons récemment parlé ici. Cette nouvelle appli smartphone permet de filmer les policiers en intervention et de stocker le contenu sur un serveur sécurisé dans le but de « dénoncer les violences policières ».
Les députés expliquent :  » Il est devenu fréquent que les policiers ou leurs familles soient menacés, voire même suivis et agressés jusqu’à leur domicile. Cette situation est inacceptable, alors que nos forces de l’ordre font preuve d’un dévouement exemplaire en toutes circonstances au service de notre pays. La présente proposition de loi vise par conséquent à rendre systématiquement non identifiables les forces de l’ordre dans l’ensemble de l’espace médiatique, y compris sur les réseaux sociaux. Cela est indispensable pour assurer leur sécurité. »

Sur ordre

Certes, il est indispensable d’assurer la sécurité des policiers, gendarmes, douaniers et militaires et de ne pas les exposer à la vindicte populaire lorsqu’il agissent dans le cadre de leur mission, souvent ingrate et difficile. Mais on ne peut pas demander aux journalistes de ne pas diffuser des images de policiers ou de gendarmes lors de manifs ou de contrôle, surtout lorsqu’ils constatent eux-mêmes des abus ou des violences de la part des forces de l’ordre. C’est même la mission de la presse, Messieurs les députés, d’être un contre-pouvoir. Et de dénoncer, le cas échéant, les « comportements inappropriés » pour employer un euphémisme, des policiers et gendarmes comme de n’importe quel autre citoyen.
Ne nous y trompons pas. Les forces de l’ordre ne font qu’obéir à des ordres. Ceux de leur hiérarchie qui les reçoit des préfets qui les reçoivent eux-mêmes du ministre de l’Intérieur lequel applique la politique du gouvernement. Quand on demande aux policiers et aux gendarmes de réprimer fortement un mouvement social, ils cognent fort. Et on leur donne des armes en conséquence. Quand on leur demande d’y aller mollo-mollo, ils y vont mollo-mollo.
Le gros coup de brosse à reluire du député Ciotti à l’égard des policiers et des gendarmes n’est pas dénué d’arrières-pensées. Le député des Alpes-Maritimes rêve depuis longtemps d’enfiler le costume de ministre de l’Intérieur. Pourtant on le voit mal s’installer place Beauvau en bafouant ouvertement l’une des libertés aussi essentielles que la liberté de la presse. Ce contre-pouvoir qui est l’expression même de la démocratie.

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