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Le coronavirus chinois pour les nuls

Médecins, épidémiologistes et chercheurs nous donnent des informations différentes et parfois contradictoires à propos du Covid-19. Nous avons demandé le point de vue du Pr Laurent Roux auteur du site « la virologie pour tous ». Entretien.

Le Pr Laurent Roux, Université de Genève (capture du site La virologie pour tous)

-Il existe plusieurs types de coronavirus dûment identifiés. Le Covid-19 est-il réellement nouveau ? Et en quoi est-il différent des autres d’un point de vue scientifique ?

D’abord pour précision, COVID-19 désigne la maladie provoquée par le virus qui finalement été dénommé SARS-CoV-2 (en français SRAS-Cov-2) en référence au coronavirus de 2003 dénommé SARS-CoV. Il appartient à la sous-famille des Coronavirinae, genre Betacoronavirus. Dans ce genre on trouve quatre autres coronavirus humains dénommés HCoV-229E, HCoV-OC43, HCoV-NL63 et HCoV-HKU1 connus pour provoquer des infections respiratoires ou intestinales généralement bénignes.
Ces virus sont classés dans la même famille par des critères de biologie moléculaire incluant, la structure de leur particule virale, la nature et la taille de leur génome et la façon dont est faite l’expression génétique, c’est-à-dire la stratégie avec laquelle l’information contenue dans le génome est traduite en protéines. Interviennent également des critères de biologie de l’infection, par exemple quel type de cellules ils infectent. Le SARS-CoV-2 est pour la plupart de ces critères plus proche du SARS-CoV que des virus humains précédemment décrits.
SARS -CoV-2 est nouveau au sens où il a émergé dans la population humaine dans laquelle il n’avait jamais été décrit auparavant. Il diffère des autres coronavirus humains du même genre par une information génétique qui produit, entre autres, des protéines qui affichent une identité différente face au système de défense immune. Ainsi des anticorps qui seraient produits après infection par les HCoV-229E, HCoV-OC43 ne protègeraient pas de l’infection de SRAS-Cov-2.

-Il semblerait qu’il existe désormais plusieurs souches du Covid-19. Le virus ‘’chinois’’ aurait-il déjà muté ?

Une souche dans le jargon virologique désigne un virus qui a été isolé à un moment donné à un endroit donné. Il y a autant de souches que d’isolats de virus. A ma connaissance, les souches isolées en Chine ne sont pas différentes des souches isolées ailleurs dans le monde, hormis les différences ponctuelles qui peuvent surgir au hasard à une fréquence très faible. Ces différences ponctuelles sont lissées dans des comparaisons de multiples isolats pour donner une séquence « consensus ». Pour qu’une séquence consensus change, il faut qu’une mutation ou un groupe de mutations deviennent prépondérants suite à un avantage sélectif qui rend la souche mutée prépondérante. Ces phénomènes arrivent lorsque le virus rencontre des conditions d’infection qui changent radicalement, par exemple présence d’un médicament antiviral efficace, la présence d’une immunité forte dans la population etc.

-Médecins et chercheurs affirment que le Covic-19 est apparu pour la première fois à Wuhan, en Chine, en décembre 2019. D’où son nom. Comment être certain qu’il est bien originaire de Chine et certain que ce type de virus ne circulait pas déjà avant ?

Cette affirmation découle du fait que le SARS-Cov-2 a été détecté pour la première fois à Wuhan. On est certain de rien, sauf que ce virus n’a jamais été décrit avant et ailleurs. S’il circulait ailleurs et avant, il est passé inaperçu.

-Plus que d’autres espèces animales, les oiseaux sauvages serviraient de réservoir naturel aux coronavirus qu’ils ont contribué à propager dans le passé. Notamment la grippe aviaire et la grippe du Nil occidental. Le Covid-19 ne pourrait-il pas avoir été transmis de la Chine aux autres continents via les oiseaux migrateurs ?

A ma connaissance les oiseaux sauvages ne constituent pas un réservoir privilégié pour les Betacoronavirus, ni pour les virus de la fièvre du Nil occidental, comme c’est le cas pour les virus de l’influenza. Pour le SARS-CoV on a conclu que son réservoir naturel pourrait être la chauve-souris et on pense à l’heure actuelle que le SARS-Cov-2 aurait été également transmis à l’homme, venant d’une espèce de chauve-souris par l’entremise d’un petit mammifère rongeur non encore identifié avec certitude.

-A l’heure actuelle, où en est la recherche à propos du Covid-19 ? Que sait-on, scientifiquement, de ce virus qui effraie la planète entière ?

On connait la séquence de son génome base par base (lettre par lettre), on sait reconnaître son génome pour faire un diagnostic. Par analogie avec le SARS-Cov, on extrapole les connaissances de biologie moléculaire pour faciliter l’approche expérimentale. Par exemple on sait que le virus lie la même protéine réceptrice sur la cellule que le SARS-CoV. On planche sur la production de vaccins et on teste des millions de molécules pour identifier des molécules qui pourraient détruire le virus ou bloquer sa multiplication. Cela ne fait que deux mois que les chercheurs voient les fonds de recherche implémentés par des crédits spéciaux pour tenter de neutraliser ce nouvel empêcheur de tourner en rond. Egalement, on suit de très près l’aspect épidémiologique et physiopathologique.

Le blog du Dr Laurent Roux : la virologie pour tous

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