« Le Gouvernement de François Bayrou engage une opération de communication préparant l’opinion à des décisions dont ils savent l’impopularité, surtout à la veille d’échéances électorales qui se rapprochent » explique Christian Eckert, ancien secrétaire d’Etat au Budget.

Par Christian Eckert
Ancien secrétaire d’État en charge des comptes publics, je voudrais faire un rappel, trois remarques sur les propos tenus et une suggestion.
Le rappel
Toutes proportions gardées, la situation me rappelle celle de 2012, où l’état des finances publiques, trouvé par les socialistes, se révélait très dégradé, bien au-delà de 5% de déficit, loin des prévisions « optimistes à l’excès » de nos prédécesseurs. Cinq ans plus tard, en 2017, au prix de décisions difficiles, le déficit était ramené à 3% et les comptes sociaux étaient quasiment à l’équilibre. Après huit années de macronisme, avec, il est vrai, quelques crises (que tous les gouvernements ont plus ou moins connues), atteindre quasiment 6% de déficit oblige le Président et ses équipes à reconnaitre une gestion financière calamiteuse. Outre les cadeaux fiscaux non compensés (ISF, flat tax, exonérations massives de cotisations sociales patronales, disparition d’impôts locaux pour les entreprises et les particuliers…), la dépense publique n’a pas été maîtrisée.
Trois observations plus que sémantiques
Les propos entendus évoquent un objectif de 40 Milliards d’économies pour 2026 et indiquent que cela se fera sans hausse d’impôts.
- Pourtant, une petite musique revient sans cesse en évoquant par exemple la suppression de l’abattement fiscal de 10%, qualifiée d’économie. C’est un mensonge : supprimer cet abattement, c’est ni plus ni moins qu’augmenter les impôts. Il en est de même sur la suppression (ou la réduction) de niches fiscales ou crédits d’impôts. Sans porter de jugement sur le fond, il est mensonger de présenter ce type de mesures comme des « économies ».
- De même, on entend des déclarations évoquant, pour atteindre les 40 Milliards de soi-disant « économies », d’y intégrer les recettes supplémentaires liées à la croissance (comme le produit de la TVA). Outre que là encore ce type de « bonne nouvelle » n’est en rien la conséquence de mesures d’économies, le contexte international (conflit en Ukraine, guerre commerciale du Président Trump…) conduit jour après jour à réviser les prévisions de croissance à la baisse. Certains économistes évoquent même une récession ou, au mieux, une stagnation.
- Éric Lombard indique que la moitié de la TVA financerait la Sécurité sociale. Je ne comprends pas cette affirmation… Cela justifierait selon lui de réfléchir à la création d’une TVA sociale… Encore et toujours une hausse d’impôts (certes indirects) qui contredit leur leitmotiv répétant qu’aucun impôt ne sera augmenté. lesLa TVA est par essence même l’impôt qui touche TOUS les consommateurs, y compris les plus modestes sans exception.
Une suggestion sur les montants
Entre 2012 et 2017, le déficit public a été réduit d’environ 75 Milliards. Soit de 15 Milliards par an. Cela s’est fait par des nouveaux impôts (retour de l’ISF, imposition au barème de l’IR des revenus du capital, plafonnement des niches fiscales…) et des économies (blocage du point d’indice dans la fonction publique, réduction des dotations de l’État aux collectivités locales…). Ces mesures impopulaires, souvent mal comprises, expliquent autant la déroute des socialistes en 2017 que la loi El Khomri ou le projet de déchéance de nationalité des personnes condamnées.
C’est pourquoi je pense qu’une réduction du déficit de 40 Milliards en 2026 (après un affichage comparable en 2025), quels que soient les moyens utilisés, produira une rupture sociale majeure dans l’opinion dont les extrêmes tireront profit. Étaler sur 5 ou 6 ans une réduction du déficit public, sans tabou, mais avec précision, au rythme de 15 Milliards par an, cela sera déjà un effort considérable demandé au Pays, surtout avec l’augmentation des dépenses militaires que beaucoup soutiennent toutes opinions confondues.
Le Premier Ministre avait décoré son pupitre lors de sa conférence de presse d’un slogan intéressant : « La vérité permet d’agir ». Bien des progrès restent à faire…