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Au Parlement, le « juge de paix » sera le vote du budget

 

Point-de-vue.  » C’est dans le Projet de Loi de Finances (PLF) que l’on trouvera les axes fondamentaux de la politique proposée au Pays » explique l’ancien secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert.

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget
Christian Eckert, ancien secrétaire d’État au Budget

Par Christian Eckert

Les débats sur la capacité du Président à gouverner avec une majorité relative vont bon train et ne m’émeuvent guère. Député d’opposition 5 ans, de la majorité 2 ans et Secrétaire d’État 3 ans, j’ai passé de longues heures dans l’hémicycle et pense, sans prétention, connaître les multiples façons d’utiliser les dispositions souvent subtiles du règlement et de la constitution pour faire approuver un projet de loi.

Je suis donc convaincu (et les premiers textes adoptés en sont des exemples patents) que le Gouvernement pourra faire à peu près ce qu’il veut, au moins sur les textes de loi ordinaires et spécifiques. Les dispositions techniques, la plupart du temps méconnues du grand public (article 40, seconde délibération, vote bloqué…) sont des outils constitutionnels ou réglementaires qui avantagent énormément le Gouvernement, sans compter le recours à l’arme fatale du 49-3 même si son utilisation est aujourd’hui contingentée.

Préparer les compromis

De plus, le Président et ses affidés sont coutumiers des arrangements entre amis de tous bords : ils ont retourné Éric Woerth, plumé les rangs des Républicains avec la complicité de Nicolas Sarkozy, après avoir encore débauché quelques socialistes opportunistes. Ils ont même été jusqu’à contribuer à banaliser le Rassemblement National en lui concédant des postes à responsabilité au-delà de ce que le règlement leur attribuait…

Pour autant, à mon avis, le « Juge de Paix » sera le vote du Budget. C’est en effet, dans toute collectivité publique, le moment de vérité. C’est dans le Projet de Loi de Finances (PLF) que l’on trouvera les axes fondamentaux de la politique proposée au Pays. On y trouvera les principes, les détails et les effets. Même si les textes sont rédigés par des administrations « aux ordres », les parlementaires sérieux peuvent y trouver de quoi décrire par le menu les conséquences des choix opérés. Un PLF reflète aussi concrètement les choix financiers structurels faits par le Gouvernement. Attribuer une prime, un chèque, une remise temporaire, c’est « one shot » et souvent d’une ampleur financière mesurée. Mais un PLF engage dans la durée, modifie l’impôt, arbitre les choix entre les entreprises et les particuliers, organise (ou désorganise) l’action de l’État, structure les moyens des collectivités locales… Le Président le sait et il a, semble-t-il, décidé de prendre du temps pour préparer les compromis avec la droite et en même temps retarder la diffusion pour rendre plus difficile le travail parlementaire.

Les riches et les pauvres

Le vote du budget sera le vrai moment de vérité. Il peut être voté, mais si la droite se montre bienveillante, cela confirmera ce que je dis et écris depuis plus de 6 ans déjà : la présidence Macron conduit clairement à une politique de droite libérale à outrance. À terme, elle détruira notre système de protection sociale et accroitra les inégalités en fracturant notre pays, territorialement, culturellement, socialement. Il y aura (il y a déjà…) de plus en plus des villes de riches et des villes de pauvre, des transports pour riches et des transports pour pauvres, une médecine de riche et une médecine de pauvre, une école de riches et une école de pauvres…

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