La fermeture brutale du restaurant du Centre socio-culturel a laissé sur le carreau le personnel de l’établissement, 120 élèves du périscolaire, mais aussi une centaine de salariés des entreprises locales qui en avaient fait leur cantine. Difficile à digérer.
« C’est avec un mélange de tristesse et de gratitude que nous vous annonçons la fermeture définitive du restaurant du Centre socio-culturel à compter du vendredi 6 octobre. » Ainsi commence la lettre, signée par « l’équipe du centre socio-culturel » de Sarrebourg (57) en date du 2 octobre 2023.
Ainsi, du jour au lendemain, les 120 scolaires et quelques dizaines de salariés (entre 80 et 150 selon les jours) dont les entreprises sont liées par convention au centre socio-culturel (sous-préfecture, ONF, CAF, entreprises …) ont été privés de cantine. Et les quatre employés des cuisines (3 ETP) ont été priés de trouver du boulot ailleurs.
Les auteurs de la missive, qui n’est signée ni du président Nicolas Quenouille ni du directeur Benjamin Martin, expliquent que cette décision a été prise « en raison de difficultés économiques persistantes ».
Apurement de la dette
Le centre-socio-culturel de Sarrebourg a été créé en 1978, à l’époque de Pierre Messmer, pour nourrir les apprentis de Sarrebourg. Il s’est ensuite ouvert à d’autres publics et d’autres activités pour accueillir des soirées jeunes, des animations, des conférences et des spectacles. Cette structure régie par la loi de 1908 (droit local Alsace-Moselle) a fonctionné avec des hauts et des bas. Le dernier événement en date étant un redressement judiciaire (RJ) décidé par le tribunal de Metz du 10 février 2015. Un plan d’apurement de la dette a permis au CSC de poursuivre son activité jusqu’en 2026.
Avec un budget de près de 800.000 euros-dont 200.000 euros de subvention de la mairie et, en plus, des subventions de la CAF-et 12 salariés pour assurer son fonctionnement quotidien, le CSC est administré par un conseil d’administration de 13 membres dont quatre nouveaux membres élus lors de l’AG du 24 juin 2023 suite au retrait définitif des quatre représentants de la municipalité du collège des « membres de droit » pour se mettre en conformité avec la loi sur les conflits d’intérêts.
Une gestion très opaque
Lors de l’assemblée générale de juin 2023, on apprend que « le résultat 2022 est lourdement déficitaire, essentiellement en raison de l’activité du restaurant social, très marqué par la hausse des prix des matières premières et de la hausse des salaires », mais il n’est pas possible d’accéder aux comptes détaillés.
On peut s’étonner, avec Catherine Vierling, conseillère municipale d’opposition qui avait fait inscrire ce point à l’ordre du jour du conseil municipal du 9 octobre, qu’un restaurant subventionné (notamment par la mairie qui paie le chauffage, l’eau, le gaz et l’électricité) qui réalise une moyenne de 80 couverts/jours soit à ce point déficitaire. D’autant que le cuisinier est un professionnel, spécialiste depuis 24 ans de la ‘’récupération alimentaire’’ et dont le prix de revient du repas n’excède pas 6 euros.
En fait, il n’y a pas de gestion autonome de la partie restauration.
Augmentation des gros salaires
Le repas complet coûte aux membres adhérents 12,20€ (entrée, plat, dessert), mais ils sont nombreux à ne prendre que deux plats, pour un prix de 10,20 €. Quant aux scolaires, le repas coûte 6,50 euros dont une bonne partie est prise en charge par la CAF et la mairie. La restauration laisse donc une bonne marge.
Comment expliquer le déficit ? Y aurait-il du ‘’coulage’’ dans les frigos les soirs de spectacles comme en témoignent certains ? Y aurait-il des repas gratuits pour un certain nombre de salariés et de « proches » ? Y aurait-il un problème avec les salaires ? « Entre 2021 et 2022, les frais de personnel ont augmenté de 75 000 € et les cotisations sociales de 40 000 euros (de 39 000 à 80 000 euros) a-t-on expliqué à Catherine Vierling. Le doublement des cotisations sociales signifierait-il que les hauts salaires auraient été augmentés (les charges des bas salaires augmentent peu) pour l’équivalent de 3,5 ETP au smic ? Un examen du « grand livre » serait opportun.
Rififi au conseil municipal
Ces questions purement comptables ne pouvaient pas ne pas déraper sur le terrain politique. Lors des conseils municipaux des 9 et 23 octobre 2023, il a été question de la responsabilité de la mairie dans cette déconfiture du restaurant social.
Le maire, Alain Marty, a indiqué se concentrer sur le sort des périscolaires, abandonnés en rase campagne du jour au lendemain. Il a précisé sinon que la mairie n’avait plus rien à voir avec la gestion du CSC notamment depuis l’AG du 24 juin 2023. Or, les élus d’opposition, Fabien Kuhn puis Catherine Vierling, se sont étonnés qu’aucun enregistrement, notamment de la dernière AG modifiant les statuts puis du CA modifiant le comité de l’association, n’ait été officialisé au tribunal d’instance de Sarrebourg comme l’exige la loi. Autrement dit, les quatre administrateurs du CSC représentant la mairie sont de facto toujours en fonction. Mieux : les différentes décisions prises par le conseil d’administration depuis 2021 n’ont de facto aucune existence légale. Enfin, vu les montants budgétaires en jeu et les conséquences sociales graves (risque de mise au chômage de quatre employés et perte de domicile du concierge également licencié) la décision de fermer le restaurant du CSC aurait logiquement dû être entérinée par une assemblée générale, ce qui n’a pas été le cas.
Face au tollé provoqué par la fermeture du restaurant, une pétition a recueilli en deux jours 257 signatures de la part des utilisateurs du CSC. La mairie a réussi dans l’urgence à placer les deux cuisiniers et de confier la restauration des scolaires à une entreprise prestataire.
Mais le débat et la polémique sont loin d’être clos, d’autant plus qu’une nouvelle convention avec le Centre socio-culturel doit être renouvelée et signée avec la Mairie d’ici la fin de l’année.
Affaire à suivre…
Nicolas Quenouille président du Centre socioculturel : « La demande sociale n’existe plus »
Pourquoi une fermeture aussi soudaine ?
Elle n’est pas si soudaine. En réalité, cela fait un an que le conseil d’administration travaille sur le restaurant. Cela a toujours été un point difficile du Centre. Je l’ai repris en 2018 et on avait déjà des déficits récurrents sur le restaurant. En 2019, on avait une situation relativement bonne. Mais il y a une inadéquation de l’offre faite par le restaurant social et la demande sociale. Ce restaurant social a répondu à une demande sociale à sa création, car il n’y avait pas d’offre de restauration alternative à Sarrebourg. Aujourd’hui, la demande sociale n’existe plus.
Quant à la brutalité de la fermeture, elle a été évoquée à l’assemblée générale à laquelle sont invités tous les membres de l’association. Puis, la décision a été prise formellement le 29 septembre.
La partie restauration de l’association n’aurait pas de comptabilité propre. Est-ce bien le cas ?
C’est totalement faux. Car les chiffres qui sont publiés à l’assemblée générale font état d’une comptabilité unique. Mais nous tenons des comptes séparés pour des raisons de financement du projet social. C’est comme ça que l’on sait que la partie ‘’compte social’’ est équilibrée et la restauration déficitaire.
Le conseil d’administration avait-il le pouvoir de fermer le restaurant sans une validation de l’assemblée générale ?
Le restaurant social, c’est une activité comme une autre. Si demain, je constate que le secteur jeunesse ne correspond plus à un besoin social, et que je le ferme, c’est une décision technique qui relève du conseil d’administration, organe souverain. Les process sont respectés.
Que deviennent les scolaires ?
Nous les avons pris en charge jusqu’aux vacances de la Toussaint. On a prévenu la mairie pour mettre en place une solution alternative. Aujourd’hui la solution existe, un traiteur conventionné va passer un marché avec la mairie. Nous, on continuera à mettre à disposition les salles du Centre culturel.
Et les adultes ?
La fréquentation quotidienne moyenne est de 80-90 personnes même si on est monté plus haut ces derniers temps avec l’annonce de la fermeture. Ces personnes viennent là parce qu’on est allé les chercher à l’époque où l’on voulait régler une situation financière compliquée. On a noué des partenariats, passé des contrats. Mais on n’est plus dans la démarche de projet social.