Après cinq mois de mobilisation, ils ne lâchent rien même si le mouvement semble s’étioler. Les GJ de Lorraine seront à Nancy pour l’acte 22 et à Strasbourg pour l’acte 24. Retour sur une mobilisation inédite.
Ils continuent ! La fin du Grand débat national, le 15 avril 2019, n’a rien changé à leur détermination. Les Gilets jaunes continuent de manifester, tous les samedis, dans plusieurs villes de France, comme ils le font depuis le 17 novembre 2018.
Que réclament-ils ? Toujours la même chose : plus de justice sociale et fiscale, plus de démocratie, plus de liberté, plus d’égalité… Bref, des revendications simples. Si les GJ ont eu d’emblée la sympathie de la majorité de l’opinion, c’est qu’ils défendent, quoi qu’on en dise, des valeurs universelles pour lesquelles des générations avant eux se sont battues.
Certes, Emmanuel Macron n’y est pour pas grand-chose dans cette flambée de colère même s’il est vrai que le jeune président est souvent très maladroit lorsqu’il parle des Français en difficultés. Personne n’a oublié ses ‘’petites phrases’’ inutilement blessantes : « Une gare, c’est un lieu où l’on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien…. Je traverse la rue et je trouve du travail… On met un pognon de dingue dans les minima sociaux, les gens, ils sont quand même pauvres…. Le seul responsable de cette affaire, c’est moi. Qu’ils viennent [me] chercher… »
Comment, un président aussi arrogant, pourrait-il comprendre la misère de certains de ses compatriotes ?
« Ça va mal finir »
Au départ de cet embrasement des Gilets jaunes, le ras-le-bol de l’augmentation du prix des carburants. En octobre 2018, le diesel a augmenté de 23% à la pompe en un an, 14% pour l’essence. Et le Premier ministre annonçait alors de nouvelles augmentations pour 2019 : + 6 centimes par litres pour le diesel et 3 centimes pour l’essence. Insupportable pour de nombreux Français obligés de prendre leur voiture quotidiennement. Nous l’avions d’ailleurs écrit sous le titre « Gazole : ça va mal finir ».
Le mouvement des Gilets jaunes est né de cette injustice sociale. Injustice d’autant plus marquée dans les territoires que les services publics sont absents, que le travail devient rare, que les loyers coûtent de plus en plus chers. Une ou deux pétitions sur Internet plus tard, et un mouvement spontané, totalement inédit autour duquel se sont cristallisés tous les mécontentements, toutes les rancœurs, toutes les injustices, a laissé apparaître la fracture béante de la société française. La France d’en haut a découvert la France d’en bas, celle des oubliés de la République, des chômeurs, des travailleurs pauvres, des mal-logés, des miséreux. Celle des 9 millions de pauvres (selon l’Insee) et celle des retraités en difficultés, des agriculteurs qui ne s’en sortent plus…
Colère noire des Gilets jaunes
Le 17 novembre 2018, première manif contre la hausse des carburants et la baisse du pouvoir d’achat. Une vague insurrectionnelle déferle sur la France. Les Gilets jaunes bloquent des autoroutes, des centres villes, des hypermarchés et s’installent sur les ronds-points. Il y a des morts dus aux accidents, des blessés, des interpellations… Les Gilets jaunes occupent 250 ronds-points et crient leur colère. Le mouvement protéiforme n’a pas de chef, pas de porte-parole, pas de leader.
Le gouvernement fait la sourde oreille. Une semaine plus tard, le 24 novembre 2018, la manifestation parisienne se solde par des incidents graves sur les champs Élysées. La plus belle avenue du monde ressemble à un champ de bataille. Des commerces sont saccagés, des voitures brûlées. L’exécutif ne prend toujours pas la mesure de l’immense colère d’une partie de la population.
Il faudra attendre l’acte 3 du mouvement, le 31 novembre 2018 et les scènes de guérilla urbaine diffusées dans le monde entier pour qu’enfin, Édouard Philippe annonce un moratoire sur les taxes du carburant. Mais les GJ ne veulent pas en rester là. La liste des revendications s’allonge, les manifestations se poursuivent, tous les samedis. Avec son lot de baston, de lacrymos, de blessés graves côté manifestants et côté forces de l’ordre, ses interpellations, ses jugements.
Jupiter descend de l’Olympe
Le 10 décembre, enfin, Emmanuel Macron prend la mesure de la gravité de la situation. « Je prends ma part de responsabilités, dit-il. Je sais qu’il m’est arrivé de blesser certains d’entre vous… Mais ma légitimité je la tiens que de vous ».
Macron propose de « sortir ensemble » de cette situation, décrète « l’état d’urgence économique et social » et propose une augmentation du SMIC de 100 euros/mois pour 1,6 Million de salariés, une prime de fin d’année défiscalisée, l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités les moins riches. Mais pas question de rétablir l’ISF réclamé par les Gilets jaunes, pas question de »changer de cap ».
Puis, à l’initiative du président de la République, le gouvernement engage un Grand Débat National « pour débattre de questions essentielles pour les Français ». Mais un Grand Débat « encadré » comme le précise Emmanuel Macron dans sa lettre aux Français. Pas question de revenir sur l’ISF, pas question de changer de politique.
Grossière erreur de communication.
Harangues politiques
Deux mois durant, les Français vont débattre. Cahiers de doléances dans les mairies, palabres sur les places publiques et dans les médias, discussions enflammées, échanges rugueux, meetings en tout genre se succèdent dans les villes et les campagnes, du 15 janvier au 15 mars 2019. Emmanuel Macron anime lui-même une kyrielle de débats marathon dans les régions de France, véritables harangues politiques à destinations des élus triés sur le volet.
Et après ? Selon le gouvernement, 1.932.884 contributions ont été déposées en ligne, 10.452 réunions locales organisées, un peu plus de 16.000 cahiers citoyens et 15.701 courriers et e-mails rédigés. Le coût total est estimé à 12 millions d’euros.
« Après le Grand Débat, rien ne sera comme avant » annonce la porte-parole du gouvernement. Le président doit annoncer des mesures fortes dans les jours qui viennent.
Trop tard. Plus personne ne croit à un changement de politique. Les Gilets jaunes ne croient plus au miracle. La mobilisation se poursuit.
En Lorraine, ce sera à Nancy, le 13 avril, place de la République, malgré la foire attractive sur la place Carnot et Cours Léopold. Le 27 avril, grand rassemblement à Strasbourg, place de l’Étoile, à un mois des élections européennes.
Les Gilets jaunes, mais aussi les commerçants durement éprouvés par ce conflit social exceptionnel et tous les Français attendent du président de la République autre chose que des mots creux et de belles phrases. Ils veulent une vraie justice sociale, une vraie démocratie participative, genre Référendum d’initiative Citoyenne (RIC), la proportionnelle aux élections législatives, le rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF), la lutte contre la fraude fiscale à grande échelle, la fin des mesures stupides et inutiles imposées par quelques crânes d’œuf depuis Paris (comme les 80 km/h), ils veulent que soit mis fin au démantèlement des services publics dans les campagnes…
Des choses simples, évidentes pour le commun des mortels.
Incompréhensibles pour Jupiter.