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Retraites : quand Laurent Berger refuse d’être un mouton

Point-de-vue. Qui l’eût cru ? La CFDT en tête de la contestation ! Impensable avant Macron ! Et pourtant, le syndicat réformiste, puis accompagnant devient révolutionnaire. Explications.

Bernard Aubin,
Bernard Aubin

Par Bernard Aubin

Petit cours de syndicalisme pour commencer. Au premier jour, il y eut la CGT. Un syndicat « révolutionnaire ». Définition : organisation qui tend à bouleverser les règles établies, voire à les renverser, afin d’en instaurer d’autres plus favorables aux salariés.

La CFDT est née en 1964

Au second jour, il y eut la CFTC. La riposte des « chrétiens » au « syndicalisme rouge ». CGT et CFTC partageaient le même but : améliorer les conditions des travailleurs. Les uns, essentiellement par la contestation, les grèves, les manifestations. Les autres par le dialogue, l’action n’étant utilisée qu’en dernier recours. Les syndicats apparus par la suite s’inscrivirent longtemps dans ces deux seules tendances. Ainsi, la CFDT, née en 1964 de la scission avec la CFTC fut longtemps « réformiste », au point que de nombreux médias la qualifient encore aujourd’hui de ce vocable.

Accompagner plutôt que contester

CFDT
Pour la CFDT l’âge pivot à 64 ans, c’est non

Sauf que depuis des années, une nouvelle tendance syndicale a progressivement émergé : le « syndicalisme d’accompagnement ». Il ne s’agit plus, pour les organisations concernées, de conquérir forcément de nouveaux droits ou de défendre tous les acquis. La nouvelle mode consiste la plupart du temps à prendre acte des évolutions proposées puis à les accompagner plutôt que de les contester, même lorsqu’ils occasionnent des reculs sociaux indéniables. Ainsi, les conflits majeurs et les grèves coûteuses sont évitées. Une philosophie à distinguer du « réformisme » ou du syndicalisme révolutionnaire dont les actions visent, répétons-le, à améliorer la situation des adhérents et à défendre les acquis.

Premier syndicat de France

Chaque salarié a bien entendu le droit de se reconnaître dans tel ou tel type de syndicalisme ou… dans rien du tout. Pas question de porter de jugement de valeur sur qui ou quoi que ce soit. Sauf qu’il faut appeler les choses par leur nom. La CFDT, premier syndicat de France, n’est plus un syndicat réformiste depuis longtemps. Elle pratique de longue date l’accompagnement de nombreux projets gouvernementaux (toute tendance confondue) ou d’entreprises. Elle met de l’huile dans les rouages et tente de « gratter » un maximum de contreparties. Après tout, pourquoi pas ? D’ailleurs, cette approche a fait d’elle le premier syndicat de France.

L’exemple de la SNCF

Laurent Berger, CFDT (Flickr)
Laurent Berger, CFDT (Flickr)

Alors, qu’est-ce qui coince avec Berger ? Avant même le lancement de la réforme des retraites, j’avais annoncé et écrit que l’approche du Gouvernement serait en tout point identique à celle mise en œuvre pour réformer la SNCF en 2018. Alors qu’il était de coutume de faire appel aux syndicats d’accompagnement pour faciliter les réformes, Emmanuel Macron fit délibérément l’impasse sur leurs services. Il souhaitait mettre en œuvre seul et sans aide une réforme qu’aucun chef d’État n’aurait eu le courage de décliner avant lui. C’est ainsi que, privés de point de sortie du conflit, les « accompagnants » de la SNCF avaient été contraints d’errer jusqu’à la fin dans la contestation.

Blessé dans son amour-propre

À l’occasion de cette réforme des retraites, le chef de l’État et son Gouvernement ont une nouvelle fois fait l’impasse sur le renfort des partenaires historiques. Comme à la SNCF quatre ans plus tôt, mais cette fois à une échelle bien plus large. Voilà la vraie raison de l’énervement d’un Berger, délaissé, abandonné et blessé dans son amour-propre. La contestation de cette réforme et la mobilisation de la CFDT ne relèvent pas, au départ, du combat d’idée. Elles sont les conséquences d’une confrontation d’égos… Rappelons pour s’en convaincre que la CFDT est favorable à la disparition des Régimes Spéciaux et à la retraite par points (pire que la réforme actuelle !). Deux hommes se livrent un combat de coqs, par Borne interposée. Au point que la CFDT, d’abord réformiste, puis accompagnante, prend désormais des allures étrangement révolutionnaires.

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