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Retraites. Combien ça coute ? Combien ça rapporte ?

Point-de-vue. L’ancien secrétaire d’État au Budget explique qu’avant la mise en œuvre de toute réforme il faut se poser les bonnes questions. Et y répondre

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’Etat au Budget (DR)

Par Christian Eckert

La question des retraites est évidemment une question complexe. J’aime à dire que quand les choses sont compliquées, il faut savoir revenir à des principes simples.
Le Premier Ministre et ses troupes zélées répètent à longueur de journée qu’il est essentiel de présenter un projet responsable et donc financé. Quel « frappadingue » pourrait dire autre chose ?
On modifie les règles d’un système qui concerne près de 14% du PIB de notre pays et qui concernera (on le leur souhaite…) une période importante de la vie de tous les français. Cela mérite sérieux et méthode.

Dépenses/recettes

Le principe que j’aurais personnellement mis en œuvre reprend la méthode traditionnelle de préparation d’un projet, d’une réforme ou d’un programme : on liste les propositions, on les chiffre dans deux colonnes « dépenses et recettes » et on fait en sorte, par des ajustements, d’arriver à l’équilibre.
Monsieur Delevoye, que l’on oublie un peu vite, a travaillé deux ans et a oublié la deuxième étape. En tout cas, il ne l’a pas rendue publique. Edouard Philippe est directement passé à la troisième en inventant l’âge pivot, sans aucune justification ni démonstration.
Pour un vrai débat et que chacun puisse choisir et décider, il faut au préalable reprendre la méthode habituelle et, par exemple et sans être exhaustif, répondre à quelques questions élémentaires :

• 1 – Ouvrir des droits à retraites pour les temps de travail de très courte durée, combien ça coûte, combien ça rapporte et avec quel calendrier ?
• 2 – Exonérer de cotisations des salaires supérieurs à 10 000 Euros par mois, combien ça coûte, combien ça rapporte et avec quel calendrier ?
• 3 – Instaurer une retraite minimale pour les carrières complètes, combien ça coûte, combien ça rapporte et avec quel calendrier ?
• 4 – Remplacer les trimestres « gratuits » attribués pour les enfants par des majorations de points, combien ça coûte, combien ça rapporte et avec quel calendrier ?
• 5 – Mettre en place un âge pivot, combien ça coûte, combien ça rapporte et avec quel calendrier ?
• 6 – Aligner les cotisations de tous les salariés, combien ça coûte, combien ça rapporte et avec quel calendrier ?
• 7 – Mettre en place une réversion identique pour tous, combien ça coûte, combien ça rapporte et avec quel calendrier ?
• 8 – Taxer tous les revenus de 2.3% de cotisations qui ne donnent pas de points, combien ça coûte, combien ça rapporte et avec quel calendrier ?
• 9 – Les concessions faites aux régimes spéciaux ou spécifiques, comme les militaires, les pompiers, les policiers, les douaniers, les danseurs de l’Opéra, les contrôleurs aériens,…, sur leur régime ou sur l’âge de leur entrée dans le régime (presque) universel, combien ça coûte, combien ça rapporte et avec quel calendrier ?
Tous ces points peuvent se discuter et certains sont même incontestablement à soutenir.

Honnêteté intellectuelle

Connaissant les arcanes du pouvoir et la qualité des services de l’État, je sais que les réponses à ces questions existent. Les publier et les consolider dans un tableau d’équilibre aurait été indispensable pour prétendre parler de responsabilité et de financement… Et sans doute pour donner suite ou renoncer à certaines propositions.
L’honnêteté intellectuelle aurait aussi consisté, sur les questions de financement, à ne pas oublier de prendre en compte les réserves existantes et la fin de la CADES qui laissera autour de 20 milliards de disponibles tous les ans après 2024.

Indépendamment de la nébuleuse entretenue sur l’équilibre global, un flou important subsiste sur les conséquences individuelles des futures règles du système. Qu’on ne me dise pas que de meilleurs outils de simulations individualisées n’auraient pas pu voir le jour après deux ans de travaux. Là encore, je connais la qualité des personnels de L’État.

Fournir des réponses précises à ces questions précises, ce serait l’occasion pour le Président et son gouvernement, de redonner de la noblesse et du sérieux à nos débats politiques. Pour cela, il faudrait se donner du temps, et adopter une autre forme de courage politique. Celle qui ne consiste pas à montrer ses biscoteaux pour passer en force, mais chercher inlassablement le consensus par la force de conviction réciproque.

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