La France aborde une semaine à hauts risques, à la croisée de la crise politique et de l’explosion sociale. Entre le vote de confiance crucial au gouvernement Bayrou, prévu ce lundi 8 septembre, et la journée nationale de mobilisation « Bloquons tout » mercredi, le pays retient son souffle. Dans un contexte de fragmentation parlementaire et de défiance citoyenne, la stabilité des institutions de la Cinquième République est mise à rude épreuve.

Un gouvernement fragilisé dès sa naissance
Nommé en décembre 2024 après la chute du gouvernement Barnier, François Bayrou n’a jamais disposé d’une majorité solide à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre, qui mise sur un plan d’austérité destiné à réduire le déficit public de 6 % à 5 % du PIB, doit aujourd’hui convaincre un hémicycle éclaté en trois blocs irréconciliables :
- le Rassemblement national (RN), fort de son succès aux européennes,
- le Nouveau Front populaire (NFP), qui regroupe les forces de gauche,
- et la coalition centriste « Ensemble », arrimée à Emmanuel Macron.
Mais la partie semble perdue d’avance : LFI et RN ont déjà annoncé qu’ils voteraient contre la confiance, et une partie du Parti socialiste reste divisée entre une ligne de coopération et une ligne de rupture. Si Bayrou est renversé, la France connaîtra sa deuxième crise gouvernementale en neuf mois.
Macron dans l’impasse institutionnelle
La source de cette instabilité remonte à la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron en juin 2024. Espérant reprendre l’initiative après la victoire du RN aux européennes, le chef de l’État a en réalité plongé le pays dans un blocage inédit.
Son refus de nommer la candidate de gauche Lucie Castets à Matignon, pourtant arrivée en tête lors des législatives anticipées, a exacerbé les tensions. La gauche dénonce un « déni de démocratie », et certains, à l’instar de La France Insoumise, ont même engagé une procédure de destitution contre le président.
En toile de fond, les agences de notation sanctionnent cette paralysie : Moody’s a abaissé la note de crédit de la France, pointant une incapacité chronique à consolider les finances publiques.
La rue en ébullition
Si la crise est institutionnelle, elle est aussi sociale. Mercredi 10 septembre, le mouvement spontané « Bloquons tout » appelle à une mobilisation d’ampleur. Né sur les réseaux sociaux, il entend dénoncer les mesures d’austérité, et en particulier la proposition explosive de Bayrou de supprimer deux jours fériés – le 8 mai et le lundi de Pâques.
La contestation rappelle, par son caractère horizontal et imprévisible, le soulèvement des Gilets jaunes en 2018. Les syndicats, prudents, se tiennent en retrait, même si la CGT et FO préparent déjà un second rendez-vous au 1er octobre. Mais l’opinion publique, elle, semble largement acquise à la colère : près de 70 % des Français disent soutenir les mobilisations contre l’austérité.
Une société fracturée
Inflation persistante, chômage en hausse, services publics saturés : le malaise social est profond. Selon une étude Ipsos « Fractures françaises », la défiance envers les institutions atteint un niveau record. En parallèle, les débats identitaires – qu’il s’agisse des politiques migratoires, de la lutte contre les discriminations ou de la laïcité – attisent encore les divisions.
Le procès Mazan, qui s’ouvre cette semaine sur fond de débat autour du consentement sexuel, devrait également mobiliser l’opinion et ajouter un motif supplémentaire de crispation.
Quels scénarios ?
- Si Bayrou échoue lundi : Macron devra nommer un nouveau Premier ministre. Mais avec un Parlement bloqué et l’impossibilité constitutionnelle de dissoudre l’Assemblée avant l’été 2025, la marge de manœuvre présidentielle est étroite.
- Si Bayrou survit : les négociations budgétaires s’annoncent chaotiques, avec la nécessité de concessions coûteuses aux socialistes ou au RN pour éviter une nouvelle censure.
Dans tous les cas, le climat reste marqué par l’incertitude. La semaine du 8 au 15 septembre pourrait bien devenir l’une des plus décisives de la Cinquième République. Une question taraude déjà les observateurs : la France est-elle entrée dans une zone d’instabilité chronique, où plus aucun gouvernement ne peut gouverner durablement ?