Christian Harbulot, directeur de l’École de Guerre Économique, appelle à un réveil stratégique face aux rapports de force mondiaux.

Dans un entretien accordé à l’émission « On se dit tout » sur l’Hémicycle TV, Christian Harbulot, directeur de l’École de Guerre Économique, tire la sonnette d’alarme sur l’impréparation de la France et de l’Europe face aux nouvelles formes de confrontation économique mondiale.
Un pionnier de l’intelligence économique
Ancien militant maoïste dans sa jeunesse, Christian Harbulot a transformé son expérience de l’information et des rapports de force en devenant l’un des principaux « stratégistes » français en intelligence économique. Co-auteur du rapport Martre à la fin des années 1980, il a contribué à officialiser ce concept en France, à une époque où cette approche semblait peu conventionnelle.
« L’intelligence économique, c’est comprendre comment utiliser l’information au service de la stratégie », explique-t-il, soulignant que cette discipline dépasse largement le simple renseignement pour englober l’analyse des rapports de force de puissance.
Un constat sévère sur le désarmement européen
Face à la guerre économique menée par Donald Trump à travers les droits de douane, Harbulot est sans appel : la France et l’Europe sont désarmées. « Nos dirigeants et nos élites n’ont pas été formés à cette grille de lecture », déplore-t-il, pointant une dépendance historique à l’ordre mondial piloté par les États-Unis.
Créée en 1997, l’École de Guerre Économique a longtemps été perçue comme une initiative marginale. Aujourd’hui, l’actualité lui donne raison, et ses travaux commencent à être pris au sérieux, notamment avec la création récente d’un indice sur les risques de désindustrialisation.
La réindustrialisation : un impératif stratégique
Pour Harbulot, renforcer la souveraineté industrielle française nécessite un changement de paradigme : « On ne peut y parvenir que le jour où on comprendra que la priorité des priorités, c’est de penser comment accroître notre puissance par des stratégies économiques. »
Il plaide pour des choix courageux et des priorités claires, critiquant la tendance de l’État à « distribuer de l’argent à tout le monde pour ne vexer personne ». Dans un contexte de guerre économique, insiste-t-il, il faut savoir trier et prioriser, de l’agriculture au numérique.
Un appel à la vigilance sur les ONG
Le directeur de l’École de Guerre Économique appelle également à plus de discernement concernant les organisations de la société civile. « On ne peut pas donner un chèque en blanc à des gens sous prétexte qu’ils viennent de la société civile », avertit-il, évoquant les problèmes de financement et d’instrumentalisation dont certaines ONG font l’objet.
La géopolitique, compétence indispensable
Face aux jeunes diplômés de Centrale-Supélec, Harbulot identifie une lacune majeure dans la formation des managers français : la compréhension géopolitique. « Comment voulez-vous qu’un manager fasse l’impasse sur l’analyse des conséquences des décisions politiques de Trump, de la Chine ou de l’Inde sur les enjeux de marché ? »
Un message aux dirigeants politiques
Son message final aux responsables politiques est sans détour : « Il faut donner envie aux Françaises et aux Français de se battre ensemble pour un objectif commun. » Il appelle à un « discours de combat » avec des objectifs clairs et des décisions courageuses, même impopulaires, pour permettre à la France de progresser dans un monde de confrontation économique.
Un appel qui résonne particulièrement dans un contexte international marqué par la montée des tensions commerciales et la remise en cause de l’ordre économique établi.
*Christian Harbulot, né le 19 décembre 1952 à Verdun (Meuse)[1], est un stratégiste français spécialiste en intelligence économique. Il est directeur de l’École de guerre économique et directeur associé du cabinet de conseil Spin Partners, spécialisé en intelligence économique et lobbying.