Point-de-vue. En 2008, le gouvernement Sarkozy-Fillon suscita une réforme constitutionnelle instaurant le référendum d’initiative partagée.
Par Gérard Charollois
Les habituels commentateurs patentés présentaient l’innovation comme un pas décisif vers plus de démocratie. J’expliquais à mes amis lecteurs, dans cette lettre hebdomadaire, que l’imposture était grossière et qu’il n’y aurait jamais aucun référendum d’initiative partagée.
À l’évidence, il était techniquement radicalement impossible de recueillir quatre millions de signatures validées de citoyens flanqués de 185 parlementaires, seuils permettant le lancement d’un processus référendaire.
Petits soldats
Loin de s’améliorer avec le temps et au fil des réformes, la démocratie française confine au grotesque avec son monarque élu, sa pseudo-Assemblée nationale élue dans la foulée de la présidentielle et comprenant quasi-automatiquement une écrasante majorité de petits soldats dociles du président qui fait leurs élections.
Les débats politiques de l’Assemblée nationale ne présentent pas le moindre intérêt politique puisqu’ils ne sont que des séances théâtralisées, jouées à l’avance, dans lesquelles les oppositions n’ont qu’un rôle purement tribunicien.
L’agitation de ces dernières semaines relance un débat sur le référendum d’initiative populaire. Les commentaires préparent les bâillons que le pouvoir politique, donc la finance, s’apprête à poser sur une hypothétique réforme. Le commentateur sournois et malicieux murmure à l’oreille des bonnes gens : « Le référendum, très bien. Mais si le peuple rétablissait la peine de mort ? Voire instaurait la torture de certains grands criminels ? S’il refusait les droits des homosexuels ? Bref, si les beaufs ringards et hargneux adoptaient des mesures réactionnaires ?
Méfiez-vous du peuple et ne lui laissons pas le pouvoir référendaire, il pourrait en faire un bien mauvais usage ! ».
Or, cette objection est absurde.
Les juristes ont appris, notamment avec le troisième Reich, que deux notions doivent être distinguées : la démocratie et les Droits de l’Homme.
Le nazisme foulait aux pieds les droits les plus fondamentaux de la personne, mais il était démocratique en ce que durant des années, le peuple allemand, très majoritairement, porta Hitler au pouvoir et le soutint.
Comment prévenir un divorce entre démocratie et Droits de l’Homme ? Comment garantir un socle de principes supérieurs, de valeurs de civilisation, par-delà les aléas de l’opinion et les jeux des pouvoirs ? Tout simplement en sanctuarisant juridiquement les Droits de l’Homme, en les plaçant au-dessus des lois ordinaires et donc des décisions du prince.
Ainsi, la France, pas plus que la Turquie, ne pourrait rétablir la peine de mort sans quitter le Conseil de l’Europe (qu’il ne faut pas confondre avec l’Union Européenne).
Faire peur aux citoyens
La convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, ratifiée par tous les Etats Européens, prohibe la peine de mort et une loi nationale ne peut pas la rétablir, au même titre que cette convention garantit le respect de la vie privée, la liberté de pensée et d’expression, la liberté d’association.
Ces droits fondamentaux sont au-dessus des lois internes et nul référendum ne saurait les supprimer. Une loi qui porterait atteinte aux droits fondamentaux des homosexuels violerait les dispositions des articles 8 et 14 de ladite convention, texte juridiquement supérieur aux lois.
Ceux qui font peur aux citoyens en soutenant que le référendum serait une arme donnée aux arriérés féroces, aux nostalgiques des temps d’obscurantisme mentent.
Et puis, pourquoi faire du peuple un ramassis de demeurés, de tueurs enragés, de cruels primaires ? Pourquoi ne pas faire confiance à l’intelligence et à la générosité ?
Une loi référendaire pourrait abolir la chasse, interdire les pesticides, taxer les grandes fortunes, révoquer des élus qui ont perdu la confiance du pays.
A la Machiavel
C’est justement la raison pour laquelle les gouvernants ne peuvent pas accepter loyalement le jeu référendaire. S’ils se voient contraints de céder à l’opinion, ils assortiront la mise en œuvre des référendums de conditions telles que la réforme ne sera qu’un leurre.
Petits conseils pervers, à la Machiavel, aux agents de la finance qui règnent sans partage : Vous avez peur du peuple. Vous parvenez à contrôler les élections en usant des épouvantails fascistes ou communistes et par des appels appuyés par vos organes de propagande aux votes « raisonnables ». Vous craignez les emportements des citoyens en dehors des préparations électorales. Voici de quoi contenir le troupeau.
Le président Sarkozy avait placé la barre un peu haut pour être crédible avec son dixième des inscrits pour saisir le peuple d’une question référendaire avec, en sus, des parlementaires garants. C’était un peu gros.
Petits politiciens
Baissez légèrement le seuil en le maintenant suffisamment élevé pour que l’affaire s’avère très difficile. Et puis, exigez que pour être adoptée, une votation référendaire recueille non seulement la majorité des votants mais un pourcentage élevé d’électeurs inscrits. Vous savez que lors des élections nationales, 50% des personnes s’abstiennent. Il sera quasiment impossible à une initiative citoyenne de mobiliser un pourcentage d’électeurs suffisant pour valider le référendum.
Petits politiciens malhonnêtes, je vous offre ici quelques astuces classiques que vous ne manquerez sans doute pas d’utiliser et vos conseillers vous en fourniront bien d’autres.
Vous n’allez pas renoncer à la maîtrise du troupeau et vos manipulations aux fins de régner mille ans sont admirables !
Et puis, vous aimez tellement vos oppositions que vous en suscitez de multiples, gage de votre pérennité. Ainsi en France, présentement 75% des citoyens désapprouvent la politique des gouvernants.
Des élections au Parlement européen, à la proportionnelle intégrale, auront lieu en juin prochain. Comment, pour le pouvoir, échapper à une déroute fragilisante ?
La démocratie attendra
Il suffit de morceler, d’éparpiller les votes hostiles entre une vingtaine de listes rivales. La liste gouvernementale obtiendra 20% des suffrages exprimés, soit 10% des citoyens, mais chaque liste hostile sera devancée, en raison des divisions, ce qui permettra au pouvoir en place de crier victoire ! 20% pour le parti macronien, 80% pour les oppositions, mais les banques, la finance, les grands veneurs auront gagné !
Voyez comme c’est simple la politique selon Machiavel. Maîtres du système, votre grande frayeur serait une unité du peuple contre vos intérêts bien gardés.
Rassurez-vous, il reste bien du chemin et, en attendant, continuez à exploiter, détruire, polluer, avilir, spéculer, emprunter à vos amis banquiers au nom de l’Etat que vous gérez en boutiquiers.
La véritable, honnête, ouverte et participative démocratie attendra.
Gérard CHAROLLOIS
CONVENTION VIE ET NATURE
UNE FORCE POUR LE VIVANT