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Lettre de février 2025 : La géopolitique vue du cosmos

Nous publions chaque mois, sous la plume de Gilles Voydeville, l’excellente correspondance entre deux planètes, Gaïa, notre Terre et Aurore Kepler 452 b dans la constellation du Cygne. Aujourd’hui, Aurore s’interroge et s’inquiète des convulsions de notre monde.

Dr Gilles Voydeville
Dr Gilles Voydeville (DR)

Par Gilles Voydeville

Lettre des glaçures hivernales sur Kepler
Lettre de janvier 2025 sur Gaïa

Ma chère Gaïa

L’hiver sur Kepler

Ce matin les sixpèdes argentés de mon septentrion se sont réveillés sous des flocons qui descendaient si drument d’un ciel d’orgeat et si densément que l’on n’y voyait goutte ; et qu’aucun animal n’osait s’aventurer hors de sa couche par crainte de choir en de profonds ravins ou de percuter un congénère aveuglé. Oh, comme ils sont paisibles ! Ils savent aussi que ces neiges abondantes les masquent aux yeux de leurs prédateurs qui renoncent à toute chasse. Leur myopie est apaisée. Ils se sentent protégés par mes brouillards neigeux qui confondent et les chairs et les buissons. De temps à autres, ils s’ébrouent et secouent leurs pelisses pour éviter la gelure et vivifier leurs sangs. Puis ils brâment en étirant leur poitrail par une bascule de leurs trophées, piétinent d’un rythme joyeux qui fait trembler mon sol gelé et démarrent d’un train d’enfer qui soulève des nuées d’artifices. Par ces jours blancs, ils tardent peu à retourner à leur tanière et se poser sous les buissons. Souvent les mâles échauffés reviennent alors couvrir les femelles pour leur tirer de petits cris ou quelques larmes de sel. Malgré la froidure, il n’est point de dérobement ni d’abstinence, pérennité de race oblige. D’où leurs ardeurs qui ne s’épuisent qu’après des gémissements qui révèlent sinon la fécondation, du moins l’accomplissement du projet… Ils sont heureux. Mon manteau neigeux leur fait de douillettes couches, mes candides précipitations des couvertures nuptiales et mes brumes des rideaux de joie. Ils attendent mes beaux jours en n’oubliant point d’occuper l’instant.

Heureux d’un flocon, comblés par les tempêtes qui les fondent et confondent dans un paysage blafard, où ils se meuvent et s’émeuvent sans craindre les orgues javelines.

Une expédition dans les territoires du nord

Ah ! ma chère Gaïa je voulais t’entretenir de la décision de leur nouvelle ennemie, ma petite Utula qui gouverne le pays des Deux Lunes. Tu te souviens sans doute que celle-ci a évincé ses partenaires du triumvirat et déclenché une guerre avec le pays de Cocagne ; soi-disant pour protéger les femelles de ce riche pays voisin. Et là, elle a décidé d’organiser une expédition dans les territoires du Nord qui ne lui appartiennent pas. Ceci pour collecter des fourrures et rhabiller la gent de sa province la plus septentrionale, qui par nouvelle éclosion de virus s’enrhume et s’agrippe à foison. Donc son pays des Deux Lunes a organisé une expédition nordique. Leurs armes sont encombrantes, des schlittes chargées de ces fameuses orgues. Ils ne peuvent facilement les traîner sur mes chemins fangeux et il leur a fallu embaucher des pouloïdes retraités pour tracter ces engins. Ces bêtes renâclent à la tâche comme si elles comprenaient la mission de leurs traits pour perforer et dépecer leurs cousins à six pattes. Et quand ces lunaires Ovoïdes ont piétiné dans ma neige, pataugé dans ma boue, harcelé mes équidés, quand je les ai aveuglés de mes blizzards, ils rentrent épuisés et penauds.

Persuadés que ces étendues sont vides et si hostiles qu’ils ne voteront plus pour cette illuminée qui voit des fourrures là où il y a que du vent et des gelures.

Il était donc souhaitable que ma nature maternelle ait déclenché ces tornades floconneuses pour retarder l’hécatombe de mes merveilleux sixpèdes argentés. Je souffle des blizzards et talonne mes nuages qui pleurent une quantité invraisemblable de flocons pour recouvrir des latitudes jusque-là épargnées. Mes ruisseaux sont crispés, mes pierres fêlées.

La lumière de mon astre peine à traverser l’opacité.

Tout est blanc, mes cieux, ma terre, mes forêts et mes lacs. Tout est feulement, calme et immobilité. Tout me semble vaste, infini et déserté. Mon septentrion hiberne. Pour épargner ma faune, je fige mes terres du gel, j’assourdis mes espaces. Pour un bonheur autochtone. Mais je ne pourrai toujours astreindre mon climat à tant de rigueur. D’autres éléments qui me sont chers en trop souffriraient. J’ai heureusement appris que mes chercheurs du centre de la protection des animaux (CPA) mettaient au point un télé-transport pour toutes mes espèces animales. Ces savants seraient bientôt capables malgré leur poids de dématérialiser et de faire voyager mes sixpèdes argentés.

Ce serait une façon élégante de laisser passer ces folies utuliennes qui devront faire place à d’autres pour occuper sa boulimie de réformes.

Sa main traversait leur image

Un Ovoïde du pays de Cocagne, Uvolo, vient de faire parler de lui. Alors qu’il revenait de l’université où il enseigne la physique quantique, il a croisé deux chevroïdes qui trottinaient devant chez lui. Surpris par le fait que ces animaux sont sauvages et vivent plutôt dans les forêts, il s’est un peu dissimulé pour les observer. Et là, à sa grande surprise, ils se sont volatilisés subitement dans le champ d’en face. Il est donc rentré chez lui, a refermé la porte et s’est dirigé vers l’étable ou réside son pouloïde pour le traire. Et là après quelques instants, il a vu se matérialiser les deux chevroïdes tout prêt de son seau. Et quelle ne fut pas surprise quand ils ont osé laper dans le seau qu’il était en train de remplir. Il a avancé la main pour les caresser et là encore une surprise de taille, sa main traversait leur image. Mais le plus bizarre fut de constater que malgré cette virtualité, le niveau du lait dans le seau baissait… Comme il est professeur, sa déclaration a été reprise en boucle par les media et il est maintenant célèbre. On se demande si cette constatation est le fruit du hasard ou des recherches que ce professeur mène à l’université et qu’il ne savait comment publier. Car ses supérieurs lui auraient surement interdit de le faire.

Gaza

Gaza : tout est détruit par les bombardements incessants (Transfert La Liberté censurée)
Gaza : tout est détruit par les bombardements incessants (Transfert La Liberté censurée)

Ma chère Gaïa, j’apprends par ta lune qu’un cessez le feu vient d’être signé entre les belligérants pour épargner et tes peuples et ta terre de cette belle Palestine qui souffre depuis si longtemps de cruauté, d’intolérance et de mésentente entre les dieux. Et cette annonce est surprenante car la diplomatie américaine n’y était pas jusque-là parvenue. On dit que la chèvre américaine se serait fait invectiver tant et si bien par le bison échevelé que cela l’aurait poussée à menacer le rhinocéros sioniste d’une cessation de fournitures, et quand on dit fourniture on sait que cela concerne des armes qui peuvent raser un territoire en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. Je comprends maintenant un peu mieux le vote du peuple américain, pragmatique alors que les media nous le dépeignaient irresponsable. Qui choisir entre une chiffe molle, amortie, timorée, gaffeuse mais honnête et un butor prétentieux, hâbleur, narcissique, tyrannique mais efficace ? Ce peuple américain l’a fait ; pas si simple. Choix que les peuples européens n’auraient pas osé, si l’on en croit la faible popularité de cet ex et futur président qui s’est fait détester dans ces démocraties par l’encouragement à l’assaut d’un Capitole qui fut défendu non par les oies mais par de courageux démocrates…

Le nombre de victimes et les leviers de la Paix

Trump veut prendre le contrôle de Gaza (capture X)
Trump veut prendre le contrôle de Gaza (capture X)

Depuis le commencement de ce massacre perpétué par le Hamas, il était évident que l’Amérique pourrait exercer un poids incomparable pour minorer la vengeance d’Israël. Mais la chèvre tergiversait et considérait sans doute que le nombre de victimes n’avait pas atteint le quota suffisant pour actionner tous les leviers pour la paix. La Cour Pénale Internationale jugera du qualificatif de génocide dans l’agression comme dans la réponse, sur la forme et sur le fond, mais peut-être aussi – ce qui n’est pas encore à l’ordre du jour – sur l’inaction voire le soutien de l’Occident. Si le massacre commis par le Hamas est d’une horreur insoutenable, la réponse ne l’est pas moins.

La destruction totale d’un pays par les bombes et les bulldozers, l’assassinat, la mutilation de plusieurs dizaines de milliers d’enfants et de leurs familles, la privation d’eau, de nourriture et de soins, c’est assez.

Le bison échevelé a donc mis son poids dans la balance pour la faire pencher du côté de la paix. Et je dois reconnaître que c’est un acte de courage et de tempérance que d’imposer la paix par la force et la puissance de l’argent. Pour une fois la force sert la paix alors que d’habitude elle alimente la guerre. Il va falloir lui tresser des couronnes de laurier après l’avoir voué aux gémonies pour sa gestion de la transmission de son mandat… Quel animal !!! Ses équipes semblent mieux préparées à l’exercice du pouvoir, mais elles sont inféodées à des vautours…

Éloge de l’amoralité

La politique serait-elle un métier inadapté pour des gens honnêtes ???

L’honnêteté fait preuve d’équité : la politique doit trancher. L’honnêteté s’appuie sur la morale : la politique est amorale. L’honnêteté respecte le droit : la politique le vainqueur. L’honnêteté refuse la compromission : la politique en vit. Je pourrais donc en conclure qu’il ne faut pas mettre au pouvoir des gens honnêtes : ils seront tiraillés entre leur conscience et l’obligation de résultats.
Un certificat de malhonnêteté devrait être exigé : comme il n’existe pas, il faut que les électeurs sachent déceler ses indices dans le comportement et les dires du candidat : poignée de main molle, sourire permanent, accolades répétitives, mensonges fréquents, retournements rapides, jugements variants, ambition niée sous le déguisement d’un bienfaiteur du peuple. Bref ma chère Gaïa, tu ne devrais plus dénigrer ce type de personnalité : elle sera la garante d’une bonne gestion des intérêts d’un peuple, mais si et seulement si elle sait garder un peu de distance avec la vraie malversation.

Ne pas se laisser blesser l’âme par les faits qui l’ont meurtrie

Oublier sa conscience morale est l’un des piliers de la mentalité de l’homme politique pour la bonne gouvernance de son peuple… Cela est facilité par le fait que cette conscience morale n’existe pas sans la stimulation par des événements qui la choquent. Normalement dès ce moment-là, elle remurmure en l’être contre l’éventualité honteuse qui vient de surgir (Vladimir Jankélévitch). Donc le véritable homme politique ne doit pas se laisser blesser l’âme par les faits qui l’ont meurtrie. Il doit se constituer un seuil de moralité en deçà de celui qu’il avait acquis avec l’éducation. C’est sans doute la prédisposition à ce genre de dichotomie qui façonne les bons politiciens. Et ma chère Gaïa si tu examines le comportement des bons – pas au sens moral du terme – ceux qui durent et avancent, tu constateras que la morale a peu à voir avec leur succès… Donc ma chère, moi aussi je ne dois pas trop critiquer ma petite Utula et toi, tu dois respecter tes animaux politiques pas toujours intègres mais adaptés à la fonction. Je me fais peur quand je raisonne comme cela.

Mais mieux vaut constater et comprendre que de rêver et subir.

Je sens des zéphyrs cosmiques me frôler les tropiques et j’ai toujours peur qu’il ne s’agisse de sursauts d’onde gamma issus du reste de la colère de notre Érèbe. Celui-ci est sorti du chaos mais ne s’en est jamais vraiment remis. Et il a tendance à jalouser notre relation car cela fait bien longtemps qu’il ne parle plus à quiconque. Bref, j’aimerais me reposer sur plus de certitudes pour tourner sans crainte. Mais comment être certaines que l’on peut être tirées d’affaire alors que nos molécules restent les mêmes et que leurs arrangements changent selon la pression ou le voisinage. Comme tu le vois, je suis en plein spleen et j’ai presque honte de m’en plaindre quand je lis ce à quoi tu es confrontée.
Ah ma belle Gaïa, si je le pouvais, je m’agenouillerais à tes côtés pour prier, mais comment faire quand on est ronde et que l’on tourne aux confins du monde. Et je ne sais à qui j’adresserais mes suppliques car nos origines sont si obscures que nos concepteurs se cachent encore au fond des trous les plus noirs de l’univers.

Enfin, l’essentiel est de faire semblant. Après il ne reste plus qu’à y croire. L’espoir fait vivre et la vie l’entretient.

Ton Aurore qui t’adore

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