C’est un petit roman savoureux au titre énigmatique. Une histoire d’amour insolite et pur au milieu des forêts et des pâtures vosgiennes. Un régal. (Editions Kaïros)
Ils s’aiment, la Marie-Ange et le Pierrot. Elle, fille unique du Père Adrien et de ‘’la mère’’ (sans prénom), des paysans à la vie rude au lendemain de la Grande guerre. Lui, Pierrot la Hure, privé de ses parents dès sa plus tendre enfance, recueilli par des vieillards chez qui « il avait grandi à la sauvage », sans école. Le Pierrot avait appris à lire cependant dans le grenier, au milieu des araignées aux longues pattes fines. Puis, ses bienfaiteurs sont morts et le Pierrot s’est retrouvé à la rue. Encore gamin, il a quitté le village pour se réfugier dans la forêt, seul, où il apprit à vivre en communion avec les arbres et les oiseaux, à s’enivrer de l’or du ciel, à respirer les senteurs aux mille fragrances portées par le vent.
« La Marie-Ange… Nom de Dieu ! »
Un jour que le vent l’appelait, le Pierrot descendit par un sentier, s’installa sur un promontoire au-dessus de la vallée de Moselle. En contrebas, des rires de jeunes filles qui s’affairent aux foins. L’une d’elles attira son regard. Jeune, belle, blonde. Elle l’aperçut, s’approcha. Ils échangèrent un long regard, furent troublés par ces ondes invisibles qui les traversaient. Ils savaient déjà que plus rien ne pourrait les séparer. Même pas le père Adrien qui rappela vertement sa fille « La Marie-Ange… Nom de Dieu ! »
Des traditions immuables
Ainsi commence l’histoire entre la Marie-Ange et le Pierrot. Une histoire qui plonge le lecteur au milieu de paysans aux mœurs rugueuses, à la parole rare, aux traditions immuables. Le sort des femmes est alors peu enviable. Les hommes choisissent, en fonction du ‘’prix’’ qu’elles valent. Et elles n’ont rien à dire, ce sont les hommes qui décident pour elles. Ainsi pour Marie-Ange. « Elle est neuve, elle, explique le Bastien à son fils. Tu pourras la forger comme tu veux qu’elle soit ».
L’auteur, Gilles Laporte, nous livre ici un roman subtil et foisonnant d’images grâce à la richesse de son vocabulaire. Il nous offre une peinture réaliste et colorée de la vie et des mœurs des paysans de ce coin de France au début du 20ᵉ siècle.
Mais la force des sentiments qui lient deux êtres jusqu’au plus profond de leur âme parviendra-t-elle à se jouer des rituels ancrés depuis des générations dans la vie de ces paysans ? Il faut lire jusqu’au bout pour avoir la réponse. Et pour comprendre le titre.
La Lame et la Soie, de Gilles Laporte, Editions Kaïros. 140 pages, 17 euros.