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« Les Silences de Julien » de Gilles Laporte

Le romancier vosgien aborde dans son nouvel ouvrage un thème aussi douloureux qu’actuel : le handicap. Pourtant, ce roman dont l’intrigue se déroule à Mirecourt (88), pose un regard bienveillant sur « l’anormalité » et révèle le formidable espoir d’insertion sociale par l’apprentissage. Entretien.

Les Silences de Julien de Gilles Laporte (DR)
Les Silences de Julien de Gilles Laporte (DR)

Vous traitez dans ce roman un thème douloureux et rarement abordé par la littérature : le handicap et spécialement l’autisme. Pourquoi ?

Un jour, l’un de mes amis m’a raconté qu’un luthier avait reçu en apprentissage un gamin souffrant de troubles du comportement. Je me suis emparé de cette histoire d’abord pour aborder la question de l’anormalité, ensuite pour rendre hommage à l’apprentissage que les technocrates ont trop tendance à mépriser.

Je me suis renseigné auprès de spécialistes, de médecins, de thérapeutes pour essayer de comprendre ce qu’est l’« autisme ». Mais ils sont tous très prudents, car son « inventeur », un certain Hans Asperger, psychiatre autrichien, aurait été proche des nazis et impliqué dans leurs recherches concernant l’eugénisme.
Moi, je me pose la question de savoir à partir de quand on est normal et à partir de quand on devient anormal ? Je fais dire à mon luthier, Baptiste : est-ce que cette notion de handicap ne pourrait pas être utilisée pour éliminer les gens gênants ?

Question d’une grande actualité…

En effet, c’est un sujet très actuel et très préoccupant. Aujourd’hui, si l’on n’est pas d’accord avec la parole officielle on est considéré comme « complotiste », donc anormal. Alors j’invite à la réflexion sur ce que peut être l’anormalité, et rappelle que les prétendus ‘’anormaux’’ peuvent s’en sortir grâce à la pratique d’une activité qui met en œuvre leur créativité et libère leur intelligence.
Finalement, l’histoire de ce roman est une invitation à poser un regard bienveillant sur l’Autre et à croire en lui.

Pourquoi Mirecourt, dans les Vosges ?

C’est une histoire qui se serait passée à Mirecourt, dans les Vosges, capitale mondiale de la lutherie. Mais, aujourd’hui, la ville a perdu de son prestige. J’ai voulu donner un coup de projecteur sur son passé glorieux et évoquer des éléments historiques du patrimoine lorrain. C’est ma manière de rendre à mon pays un peu de ce qu’il m’a donné et qu’il me donne toujours.

L’instrument dont il est question dans ce livre s’appelle une viole d’amour. Existe-t-il réellement ?

Bien sûr. Il s’agit d’une sorte de violon à cordes mélodiques et à cordes dites « sympathiques », qui vibrent sans être frottées par l’archet. La viole d’amour donne une sonorité particulière que certains interprètes redécouvrent aujourd’hui.

Quel est le lien entre Julien et la viole d’amour ?

Le roman repose sur ce jeune homme très attachant, Julien, qui va faire son apprentissage à Mirecourt. Le luthier lui confie cet instrument rare construit par un immigré italien venu en Lorraine, à Mirecourt dans les années 1930, où il a fondé une famille qu’il a abandonnée ensuite pour refaire sa vie aux États-Unis. Là-bas, cet immigré italien a travaillé sur une viole d’amour destinée à prouver son attachement et son amour à sa famille laissée en Lorraine. C’est ce même instrument qu’un autre Lorrain rapportera des États-Unis pour en confier la restauration à un luthier de Mirecourt.

Et c’est Julien qui va s’y atteler…

Julien est un garçon dont la maman découvre le comportement particulier lorsqu’il a 2 ans. Il est très imprévisible, reste parfois prostré, très souvent silencieux, peut passer par des crises d’abattement profond ou exploser en violentes colères. Il est fou de littérature. L’accompagnement et l’amour des femmes -mère, grand-mère, amie infirmière, collègue- qui lui sont très proches, la bienveillance du luthier et son apprentissage du métier devenu passion vont révéler tous ses talents cachés.

Gilles Laporte
Gilles Laporte (DR)

 

Gilles Laporte, auteur lorrain, est né dans les Vosges où il habite. Il a notamment publié aux Presses de la Cité Le Loup de Métendal (prix des conseils généraux de Lorraine en 20210), La Fontaine de Gérémoy, Des Fleurs à l’encre violette, La Clé aux âmes, L’Étendard et la Rose, Un parfum de fleur d’oranger, Les Roses du Montfort (prix d la ville de Belfort 2019) et La fiancée anglaise.

*Les Silences de Julien, de Gilles Laporte (Presses de la Cité) 450 pages. 20 euros.

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