Normandie
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« Le Souffle d’Ange » de Gilles Laporte

L’auteur lorrain présentera son nouveau roman « Le Souffle d’Ange » (éd. Presses de la Cité) à la 44ᵉ édition du Livre sur la Place, les 9, 10 et 11 septembre 2022 à Nancy. Il nous dit pourquoi et comment il écrit. Entretien.

"Le Souffle d'Ange" de Gilles Laporte (couverture)

Comme toujours, les romans de Gilles Laporte sont aussi des livres d’histoire. Ses personnages sont tellement imbriqués dans la réalité des décors et des événements historiques, qu’ils prennent chair sous nos yeux. Il en est ainsi d’Ange, cette jeune fille aussi belle que le jour, qui nous fait partager sa passion pour la musique au point de devenir l’une des grandes figures de la facture d’orgues.
La musique, Ange la découvre un jour de 1903, en l’abbaye Saint-Georges de Saint-Martin de Boscherville, en Normandie, avec ses parents. En entrant dans la grande église « une riche voix d’orgue les avait salués, s’était élevée sous les voûtes, mises à chanter des notes ambrées de rossignol, puis à couler des rivières d’harmonies, déferlant en vagues rugissantes ». Ange est subjugué par cette musique qui « s’adresse à l’âme pour l’unir à Dieu ». Et par cet instrument magnifique dont elle admire les décors du buffet à feuillages et fruits, les écoinçons à fleurs de lys, les dorures de ses trois tourelles.

La Normandie et la Lorraine

Ange a trouvé sa vocation. Elle décide de consacrer sa vie à la restauration d’orgues. Mariée à un jeune et bel italien, Fortunato, elle va en Lorraine, dans les Vosges, pour se former dans l’une des plus prestigieuses manufactures de grandes orgues du 19ᵉ siècle, Jaquot-Jeanpierre.
Lorsque éclate la Grande guerre, Fortunato part au front. Mais il en reviendra diminué. Ange l’aime de toute son âme et l’aide de son mieux. Elle se consacre avec passion à son métier, redonne vie aux instruments fatigués.
Une vie de labeur et de belles rencontres aussi : Jean Marais, Louis Majorelle, l’un des grands noms de l’École de Nancy, Gaston Litaize, organiste vosgien.
Et puis encore la guerre. En octobre 1944, Ange va vivre encore un moment merveilleux avec la nouvelle approche de l’orgue Lesselier de Saint-Martin-de-Boscherville, en Seine-Maritime, sa Normandie natale. Un retour aux sources qui lui rappelle ses premières émotions lorsque, pour la première fois, en 1903, elle fut bouleversée par sa voix céleste.

Gilles Laporte : « Ecrire, c’est Résister »

Gilles Laporte
Gilles Laporte (DR)

Ange a-t-elle existé ?

Non, c’est un personnage complètement fictif. Il est né de deux rencontres : la découverte dans les Vosges d’un personnage au rôle historique complètement oublié aujourd’hui, Joseph Pothier, devenu Don Joseph Pothier. C’est le grand rénovateur du chant grégorien à la fin du 19ᵉ siècle. Et puis, je suis allé en Normandie où j’ai visité les abbayes de Saint-Wandrille et de Saint-Martin-de-Boscherville. Dans la première, j’ai découvert ce don Joseph Pothier, désigné par le Vatican pour relever l’abbaye après sa ruine par la Révolution. Dans la seconde, j’ai vu un orgue construit par un facteur d’orgues, Guillaume Lesselier, tellement beau que j’en suis tombé amoureux. J’avais trouvé le sujet de mon prochain roman. Un sujet qui permet de mettre un coup de projecteur sur notre patrimoine, comme (presque) toujours.
Comme dans les autres romans, j’ai créé un personnage féminin qui veut échapper à sa condition de femme telle qu’elle est proposée à cette époque-là et devenir facteur d’orgues.
C’est un personnage fictif qui est un trait d’union entre la Normandie, abbatiale et patrimoniale, et les Vosges musicales. Elle arrache ses racines normandes pour les replanter dans les Vosges.

Ce livre sera présenté au Livre sur la Place, à Nancy. Combien de livres avez-vous écrit ? Et combien de fois avez-vous participé au Livre sur la Place ?

J’ai écrit environ une soixantaine de livres, romans, essais, scénarios pour la télévision. Et je suis présent à toutes les éditions du Livre sur la Place depuis son origine en 1978. Le tout premier avait lieu sous les arcades du trottoir Héré. Il faisait un vent épouvantable. Nous étions une vingtaine d’auteurs et nous n’avons pas vu vingt visiteurs. J’étais encadré par deux écrivains remarquables que j’admirais depuis toujours : Henri Vincenot, l’auteur bourguignon et Andrée Chédid. Nous sommes restés blottis épaule contre épaule pendant deux jours pour nous tenir chaud. De là était née une très belle amitié entre nous.

Parlons de votre production. Écrivez-vous tous les jours ?

Tous les jours. Tous les matins de 4 h 30 – 5 heures à midi. Je n’écris que le matin. J’ai besoin de la lumière montante. Il y a là peut-être une sorte d’atavisme parce que mes parents étaient ouvriers de filature, dans les Vosges et ils prenaient leur boulot à l’usine à 5 heures du matin. Je fais comme eux, je prends le boulot à la même heure, mais pas sur la même machine.

Avant d’écrire, faites-vous un travail d’enquête ?

Toujours. C’est quasiment une enquête journaliste qui suppose des déplacements dans les régions où j’enracine mes histoires. Je ne peux pas parler d’une région ou d’un pays si je n’y ai pas mis les pieds.

Que représente l’écriture pour vous ?

C’est un acte militant. Ce besoin d’écrire date de l’école primaire. Ma première maîtresse d’école, Mme Jungen, m’a invité à partager son amour de la langue, notamment par la lecture. Je suis certainement tombé amoureux de la maîtresse, comme beaucoup d’élèves, mais surtout de la langue. Si pour la maîtresse, c’est passé depuis longtemps, pour la langue, c’est toujours là. La défense et la promotion de la langue française est l’un de mes moteurs.
Ma maîtresse a si bien réussi qu’au cours élémentaire première année, j’ai décroché le prix de lecture, j’ai reçu le don Quichotte de Cervantès, édition illustrée pour enfants. Je l’ai toujours avec moi. Il ne me quitte pas.
Et puis, tout cela a mûri et écrire est devenu pour moi un acte de militantisme, un acte de résistance contre ceux qui veulent tuer notre mémoire, notre culture, notre langue et faire en sorte que nous ne soyons plus nous-mêmes.

Au Livre sur la Place, vous allez rencontrer votre public. Quelles questions vous pose-t-il ?

C’est un public très curieux et fidèle. Il m’interroge sur mes livres, me demande pourquoi j’écris, pourquoi à un tel rythme (un ou deux livres par an). Il me pose des questions sur le registre politique, au sens noble du terme. À partir de mes romans, ils s’interrogent sur la situation actuelle, la condition de la femme dans notre société, la responsabilité individuelle, le comportement citoyen… La littérature, c’est pour moi une démarche militante. J’aime répéter aux élèves et étudiants que je rencontre souvent, à mes lectrices et lecteurs : « Écrire, c’est Résister ! »

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