Le cinéaste César Diaz évoque la dictature dans son pays natal avec « Mexico 86 », où Bérénice Bejo incarne une mère révolutionnaire. « Avec Bérénice, nous avons en commun un engagement politique et un exil dans notre histoire familiale », confie le réalisateur.

C’est un titre trompeur que celui du film de César Diaz, « Mexico 86 » (sortie le 23 avril), qui fait bien sûr référence à la Coupe du Monde de football qui se déroulait cette année-là au Mexique. « La Coupe du Monde ramenait tous les médias au Mexique, alors dans le pays voisin il y avait une dictature dont tout le monde se foutait », précisait le réalisateur aux Rencontres du Cinéma de Gérardmer, où il était venu présenter son film en avant-première. Cette dictature, c’est celle que subissait alors le Guatemala, où César Diaz est né en 1978, une guerre civile qu’il évoquait déjà dans son précédent film, « Nuestras Madres » (Caméra d’Or à Cannes 2019).
« Ce n’est pas un pays dont on parle, et les victimes sont des indigènes qui ne sont pas représentés dans l’imaginaire collectif », constate le cinéaste, qui raconte cette fois le destin d’une jeune mère, Maria, incarnée par Bérénice Bejo. Alors qu’elle vient d’assister à l’assassinat de son mari par les sbires de la dictature guatémaltèque, Maria est en danger et doit quitter le pays, contrainte de laisser son bébé à la garde de sa mère. On la retrouve dix ans plus tard, au Mexique où elle s’est exilée, désormais correctrice dans un journal mais toujours militante active dans la lutte armée.
Malade et âgée, sa mère ne peut plus garder son cher petit-fils, Maria décide alors de garder son jeune Marco avec elle ; malgré les conseils de ses compagnons de lutte, qui suggèrent plutôt de l’envoyer à Cuba, dans « une ruche », où il serait en sécurité. Si Bérénice Bejo se délecte de ce personnage qui se grime, porte des perruques, modifie son apparence pour protéger sa clandestinité, elle affiche aussi le visage dur d’une femme inflexible, idéaliste, engagée, convaincue de défendre une cause juste.
« Le Mexique était un pays d’accueil »

« J’ai découvert qu’elle est franco-argentine, qu’elle parle espagnol, et que cette histoire pouvait avoir une résonnance chez elle », confie César Diaz, « Avec Bérénice, nous avons en commun un engagement politique et un exil dans notre histoire familiale ». Les parents de l’actrice ont effectivement quitté l’Argentine, où elle est née, alors qu’elle avait trois ans. « Mexico 86 » est clairement inspiré de l’histoire familiale du cinéaste : « Ma mère était une militante révolutionnaire et elle a dû partir au Mexique. J’ai été élevé par ma grand-mère et j’ai rejoint ma mère à l’âge de huit ans », dit-il, « La partie mexicaine du film est une fiction, mais notre rencontre avec ma mère a été très complexe, on a appris à se connaître, c’était une maman militante ».
« Le film rappelle aux Mexicains que c’est un pays qui n’existe plus, c’était un pays d’accueil, c’est un rappel d’une autre époque, le Mexique était un pays plus ouvert, plus sûr », constate César Diaz, qui y a tourné une partie de son film et l’essentiel au Guatemala. Avec de vraies scènes de thriller politique, une sensation de danger permanent, il raconte une vie de méfiance et d’inquiétude, celle d’activistes qui se savent suivis, espionnés, recherchés. Et le choix d’une mère qui sacrifie sa vie familiale à la lutte politique.
Qu’est donc devenue celle de César Diaz ? « Ma mère a ensuite fait Sciences-po et est devenue consultante dans l’humanitaire et le social », répond le cinéaste.
Patrick TARDIT
« Mexico 86 », un film de César Diaz, avec Bérénice Bejo (sortie le 23 avril).