« Histoire vraie et jouée par ceux qui l’ont vécue », ce film de Greg Kwedar, sélectionné au Festival de Deauville, évoque le pouvoir de l’art et du théâtre, y compris dans un pénitencier.
La plupart du temps, les films de prison sont dramatiques, violents, politiques ; celui de Greg Kwedar, « Sing Sing » (sortie le 29 janvier), est d’une autre catégorie et raconte « une aventure humaine » avec autant de positif que possible dans un univers carcéral. « Peu importe l’endroit où vous êtes, même si c’est sombre, dur, on peut quand même s’attacher les uns aux autres », disait le réalisateur à Deauville, où son long-métrage était sélectionné en compétition au Festival du Cinéma Américain.
Son titre évoque bien sûr la prison où il est censé se dérouler, mais seuls des extérieurs ont été tournés dans ce centre pénitentiaire, traversé par un train de banlieue, les intérieurs étant filmés entre les murs d’une prison désaffectée. Tout comme le film français « Un triomphe » d’Emmanuel Courcol, avec Kad Merad, « Sing Sing » relate une expérience théâtrale dans une prison de haute sécurité. Une « histoire vraie et jouée par ceux qui l’ont vécue », inspirée d’un spectacle monté et joué dans le cadre d’un programme de réinsertion par l’expression artistique (Rehabilitation Trought the Arts, RTA).
Greg Kwedar et son complice coscénariste Clint Bentley ont eux-mêmes été enseignants dans une prison de l’Etat de New York, une expérience qui a transfusé dans le scénario assure le réalisateur. Pour écrire ce film, ils ont rencontré et collaboré avec les personnages principaux, les deux « Divine », Clarence Maclin jouant son propre rôle de caïd redouté, Divine Eye. Si la plupart des rôles sont joués par des comédiens amateurs, qui ont été ou sont encore incarcérés, c’est un véritable acteur, Colman Domingo, qui incarne Divine G, rôle pour lequel il a été nominé aux Oscars et aux Golden Globes du meilleur acteur. Le film a également deux autres nominations aux Oscars, pour l’adaptation du scénario et la chanson.
Répéter, improviser, se révéler
« Colman Domingo a été capable de créer une nouvelle expérience, il a un charisme très fort, il était à la fois enseignant et étudiant lui-même », précise le réalisateur. A la fois auteur et interprète, Divine G s’implique pleinement dans l’atelier théâtre de la prison, où il est détenu pour un crime qu’il n’a pas commis ; ayant appris le droit dans les livres de la bibliothèque, il espère obtenir une réduction de peine.
Extraits de leurs cellules minuscules, ils sont quelques taulards à fabriquer une pièce, répéter, improviser, faire des exercices, et finalement relever la tête, se révéler, se monter vulnérables, montrer leurs émotions, leurs faiblesses, jusqu’à former un groupe, une troupe. Etre ou ne pas être en prison, là n’est plus la question, « Sing Sing » est bourré d’humanité et montre par l’exemple le pouvoir de l’art et du théâtre. Y compris en détention.
Patrick TARDIT
« Sing Sing », un film de Greg Kwedar (sortie le 29 janvier).