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« Le bruit des trousseaux » qui résonne en prison

Philippe Claudel a réalisé pour France 2 un téléfilm, tourné en partie à Nancy, tiré de son livre et de son expérience de prof.

Le comédien Cyril Descours incarne un jeune professeur de français, qui fait ses débuts dans une prison.

« C’est insidieux, la prison » : Alexis est prévenu par un collègue. Alexis est inquiet en entrant, pourtant il sait qu’il en sortira le soir même. Et recommencera les jours suivants. Incarné par le jeune comédien Cyril Descours, Alexis est un tout nouveau prof de français à la maison d’arrêt de Nancy dans « Le bruit des trousseaux », un téléfilm réalisé par Philippe Claudel, bientôt sur France 2 (diffusion lundi 8 novembre à 21H05). L’écrivain et cinéaste lorrain a été cet Alexis, jeune enseignant à la prison Charles III, où il a été prof une douzaine d’années.

« Ce fut une expérience longue, enrichissante, étrange, troublante, et qui a marqué à jamais l’homme que je suis », écrit Claudel, qui en avait d’abord fait un livre, « Le bruit des trousseaux » (publié en 2002). Une expérience qui a influencé l’homme, et donc ses livres, ses films. Dans le premier long-métrage qu’il avait réalisé, « Il y a longtemps que je t’aime » (César du meilleur premier film), Kristin Scott Thomas jouait ainsi une femme qui tentait de redécouvrir la vie, après un long séjour en prison.

« Beaucoup de mes convictions, de mes certitudes, de mes croyances ont été ébranlées, modifiées par ce que j’ai pu voir en ce lieu, par les êtres que j’y ai fréquentés, par l’observation des conditions dans lesquelles ils y vivaient ou travaillaient », écrit encore Philippe Claudel. Ce qu’il y a vu, ce qu’il y a observé, l’écrivain l’a raconté, le cinéaste le met en images, pour faire découvrir aux téléspectateurs ce qui se déroule « là-bas ». Un récit très différent de tous ces films de prison qui entretiennent une mythologie cinématographique.

Des destins fracassés

Avec Alexis, on partage sa méconnaissance en son premier jour de prison ; son étonnement au « Bonne chance » lancé au débutant maladroit ; son inquiétude lorsque la porte se referme à clé derrière lui avant son premier cours ; sa surprise face à ses élèves, des détenus. Ses difficultés plus tard, à partager la littérature, la grammaire, la poésie, Paul Eluard, « L’Education sentimentale », Verlaine, Borges, Rousseau, Ronsard, Cocteau, « Tristan et Yseult »… Et son agacement face à ceux du dehors qui ne comprennent pas, jusqu’à sa compagne, jolie esthéticienne (lumineuse Déborah François) qui l’a fait craquer après lui avoir cassé le nez lors de leur première rencontre.

Les mots, l’image, le son aussi. Le livre et le téléfilm portent le même titre, « Le bruit des trousseaux », celui des clés qui s’entrechoquent dans les mains des gardiens, et qui résonnent dans les couloirs de la prison. La prison Charles III ayant été rasée depuis plusieurs années déjà, c’est à la centrale de Clairvaux que Claudel a tourné « l’intérieur », filmant « l’extérieur » à Nancy (avec le soutien de la Métropole et de la Région Grand Est). Avec Alexis, on passe de l’un à l’autre, et on croise des destins fracassés, un ado perturbé devenu meurtrier, une jeune toxico qui ne parvient pas à décrocher (délicate Diane Rouxel), un homme qui a tué sa mère, un autre sa femme, ou encore ce« pépé » joué par Frédéric Pierrot (qui était récemment le psy de la série d’Arte « En thérapie »).

Philippe Claudel, qui s’est donné un petit rôle (un patron d’hypermarché pas vraiment sympa), nous fait donc entrer en prison, ce monde clos qui a sa « routine » perturbante et son vocabulaire « en-dehors du dictionnaire », cette « ville-fantôme » où l’on comprend pourquoi « Un jour, ça va péter ». Mais c’est au dehors qu’il a choisi un final illuminé, en libérté, sous le grand sapin de Noël, Place Stanislas à Nancy.

Patrick TARDIT

« Le bruit des trousseaux », un téléfilm réalisé par Philippe Claudel, lundi 8 novembre à 21H05 sur France 2. Diffusion suivie d’un débat à 22H45.

Même à sa compagne, jouée par la lumineuse Déborah François, le jeune prof a du mal à faire comprendre la vie en prison.
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