Meurthe et Moselle
Partager
S'abonner
Ajoutez IDJ à vos Favoris Google News

Mathilde Seigner : « Je suis normale »

« Je suis assez fière de cette performance », confie l’actrice, qui incarne deux sœurs jumelles dans le film de Anne Giafferi, « Ni une ni deux ».

Mathilde Seigner à la fois Julie et Laurette : « Je ne me sens ni l’une ni l’autre, et un peu les deux », confie l’actrice.
Mathilde Seigner à la fois Julie et Laurette : « Je ne me sens ni l’une ni l’autre, et un peu les deux », confie l’actrice.

Julie, actrice connue, rousse et chic ; Laurette, blonde et coiffeuse près d’Aix-en-Provence. Mathilde Seigner incarne à la fois Julie et Laurette, deux sœurs jumelles, dans le film de Anne Giafferi, « Ni une ni deux » (sortie le 29 mai). Tout d’abord, elle est Julie, comédienne en interview : « On ne peut pas parler de précarité et se comporter comme une diva », dit celle qui se comporte justement comme une diva.

Seulement entourée de sa mère (jouée par Marie-Anne Chazel) qui l’appelle encore « ma poupée », et de son agent dévoué (interprété par François-Xavier Demaison), Julie se dit qu’à 45 ans elle doit renouveler sa carrière ; jusqu’alors plutôt habituée aux drames, elle s’apprête à tourner une comédie. Mais patatras, après un « retouchage » esthétique, elle se retrouve avec des lèvres très gonflées, défigurée, une bouche de canard. Pour la remplacer, elle engage alors Laurette, sosie parfait, et pour cause : elle ignore qu’il s’agit en fait de sa sœur jumelle.

Le temps d’un tournage, Julie va donc vivre la vie de Laurette, ni vu ni connu, ou presque. Mais si elles se ressemblent comme deux gouttes d’eau, elles ont une personnalité très différente. Autant l’une (Julie) est autocentrée, plutôt désagréable, névrosée, crainte, aigrie, autant l’autre (Laurette) est lumineuse, aimable, appréciée de tous, épanouie, bien dans sa peau. Réalisatrice, notamment de la série « Fais pas ci, fais pas ça » (et des films « Ange et Gabrielle », « Qui a envie d’être aimé ? »), Anne Giafferi utilise ainsi le ton de la comédie pour dresser une agréable satire de l’actrice parisienne. Toute ressemblance avec une ou plusieurs comédiennes connues n’est donc pas un hasard.

Rencontre avec Mathilde Seigner, lors de l’avant-première de « Ni une ni deux » à l’UGC Ludres.

« Les gens m’aiment parce que je leur ressemble »

La difficulté dans « Ni une ni deux », c’était de jouer ce double rôle ?

Mathilde Seigner  : Je suis assez fière de cette performance et d’avoir fait ça. Ce qui est amusant c’est de jouer les deux, c’est intéressant, bizarre, un tout petit peu schizophrénique de jouer avec soi-même et d’en faire deux, c’est un peu perturbant. On est à la fois Julie, à la fois Laurette, on ne sait pas trop qui on est, la metteur en scène me dirigeait beaucoup parce que je me perdais un peu, je ne savais plus trop qui j’étais, et à l’arrivée je ne me sens ni l’une ni l’autre, et un peu les deux.

Se dédoubler ainsi a nécessité une mise en place particulière, des contraintes sur le tournage ?

Jouer avec soi-même, c’est technique, très compliqué à réaliser, au millimètre près, il faut faire exactement les mêmes gestes de l’une, de l’autre, pour que ce soit complètement raccord, j’avoue que c’est un très gros travail. Il n’y a pas beaucoup de films français où l’actrice joue les deux. C’est un double rôle, tout est double, les trois derniers jours de tournage, j’étais contente que ça se termine, c’est très lourd à faire.

Au-delà du double personnage, qu’est-ce qui vous intéressait dans ce scénario ?

J’aime bien le film, je trouve qu’il a du charme, il a une écriture qui me plaît, je trouve que c’est une proposition originale pour le public. C’est une histoire vraie au départ, Anne Giafferi avait vu un reportage sur deux jumelles qui ont été abandonnées à la naissance, une est partie du côté paternel et l’autre du côté maternel. Dans l’histoire vraie, il n’y a pas d’actrice, mais elle avait envie de critiquer un peu notre métier, la chirurgie esthétique, les actrices sur le déclin, le fait de vieillir, ce qui n’est pas facile pour une actrice… et parler aussi de la difficulté et de la cruauté de ce métier.

Vis sa vie : le temps d’un tournage, l’une va remplacer l’autre, ni vu ni connu, ou presque.
Vis sa vie : le temps d’un tournage, l’une va remplacer l’autre, ni vu ni connu, ou presque.

Tout cela est effectivement dans le film, il vous fallait de l’autodérision sur votre image, votre personnage ?

Je n’ai pas basé ma carrière sur mon physique, je ne suis pas du tout comme Emmanuelle Béart, Isabelle Adjani, ou Monica Bellucci, des très belles filles pour qui ça doit être plus compliqué. Moi, je n’ai jamais ciblé ma carrière là-dessus, j’étais tout à fait prête pour me moquer de moi-même, et me moquer des actrices.

Julie, l’actrice que vous jouez, tourne généralement dans du cinéma d’auteur, vous pensez qu’il faut forcément être cérébral pour faire de tels films ?

Je pense qu’il y a toutes sortes d’actrices, il y a autant d’actrices que de personnalités de femme ; mais je pense que les actrices qui font un cinéma d’auteur sont plus intellectuelles, plus réfléchies, je fais partie des actrices spontanées et qui ne réfléchissent pas beaucoup. Pour moi, le cinéma n’est pas du tout une thérapie, c’est mon métier, c’est un métier. Je peux me servir d’émotions, parce que j’ai vécu des choses dans ma vie qui m’ont fragilisée, mais je ne règle pas mes problèmes psychologiques à l’écran.

« Je suis très fière d’être aimée du monde rural »

Est-ce qu’il y a clairement moins de rôles pour une actrice après 45 ans ?

C’est marrant, parce que moi c’est l’inverse. Je n’ai jamais eu de problème de rôles, je vais avoir 52 ans, je n’ai jamais eu autant de propositions. Parce qu’il y a aussi un cinéma français qui est en train de s’ouvrir sur les cinquantenaires,  de plus en plus on écrit pour les femmes, on a besoin d’actrices et on est très peu nombreuses dans notre catégorie, à cinquante ans, on est trois-quatre à se battre sur les rôles, il doit y avoir Karine Viard, Sandrine Kiberlain, Sophie Marceau… on n’est pas nombreuses. J’ai un projet qui s’appelle « La femme parfaite de cinquante ans », il y a beaucoup de sujets qui se montent autour de la cinquantaine et des femmes de cinquante ans qui vieillissent bien, encore bien conservées. Je trouve qu’en France il y a pas mal de rôles, et il y a la télé aussi, il y a de très beaux rôles à la télé pour les femmes. J’ai fait des téléfilms avec Yves Régnier qui ont énormément cartonné, « Flic tout simplement », « Je voulais juste rentrer chez moi » sur l’affaire Patrick Dils, « Médecin chef », « Sam »… et j’aurai « Le temps est assassin » de Michel Bussi qui sera un gros événement TF1.

Vous avez conscience d’avoir une grosse cote de popularité auprès du public ?

Je sens que les gens m’aiment beaucoup, peut-être parce que je suis normale, accessible, naturelle, que je leur ressemble, que j’ai eu des rôles de boulangère, d’agricultrice, les femmes françaises s’identifient à moi parce que je suis comme elles en fait, je leur ressemble, je suis une bonne femme de la vie. J’aime le monde rural, je suis très province, les distributeurs disent que je suis une actrice provinciale, et j’en suis très fière. Je suis une actrice extrêmement proche des Français et très peu Parisienne, d’ailleurs je fais moins d’entrées à Paris qu’en province. Je suis très fière d’être aimée du monde rural et de la province, parce que Paris n’est pas la France.

Les deux sœurs du film ont des comportements différents sur le tournage, comment êtes-vous sur un plateau ?

Je suis comme Laurette, je fais la bise à tout le monde, je n’ai pas assez de distance, je suis plutôt très affectueuse, très proche des gens, des techniciens… Pour Julie, je me suis inspirée d’actrices que j’ai vues, il y en a des très désagréables.

Julie justement se plaint de ne plus avoir « la carte » dans le métier, quel rapport avez-vous avec le fait d’avoir ou pas cette fameuse carte ?

En fait, on peut avoir la carte et ne pas être populaire, moi j’ai la popularité et pas forcément la carte. En même temps, les choses tournent, j’ai participé modestement à « Edmond » d’Alexis Michalik, lui a la carte à mort, et depuis ce film je l’ai un peu plus, c’est très bizarre. Après, je m’en fous un peu maintenant.

Dans « Edmond », vous jouez d’ailleurs aussi une actrice …

Oui, une comédienne plutôt capricieuse, ce que je ne suis pas.

Dans « Ni une ni deux », on entend la chanson de Juliette Armanet , « Star triste, triste star », qui est assez sombre…

C’est pas mal écrit de la part de Juliette Armanet, je pense qu’il y a une complaisance chez une actrice, d’avoir une part d’ombre, de montrer ce côté ténébreux, qui n’est pas forcément vrai, mais qui est un jeu, entretenu par beaucoup d’actrices, d’être un peu tourmentées. Ceci dit, je ne le montre pas, ce n’est pas ma nature, mais c’est un métier fragilisant, très cruel, parce qu’on se vend nous même et on en prend plein la gueule, sans cesse on est scrutée, jugée, c’est vrai, on est tout le temps regardée.

Propos recueillis par Patrick TARDIT

« Ni une ni deux », un film de Anne Giafferi, avec Mathilde Seigner (sortie le 29 mai).

L’actrice Marie-Anne Chazel, qui joue la mère de Julie (qu’elle appelle encore « ma poupée » à 45 ans), et la réalisatrice Anne Giafferi : « Elle avait envie de critiquer un peu notre métier », confie Mathilde Seigner.
L’actrice Marie-Anne Chazel, qui joue la mère de Julie (qu’elle appelle encore « ma poupée » à 45 ans), et la réalisatrice Anne Giafferi : « Elle avait envie de critiquer un peu notre métier », confie Mathilde Seigner.
France Grand Est Lorraine Meurthe et Moselle