Face aux révélations sur l’exportation de composants militaires français vers Israël après le 7 octobre, une coalition d’associations demande la suspension immédiate des licences d’armement. Trois recours distincts ont été déposés devant le tribunal administratif de Paris, selon le magazine Disclose.

Des révélations embarrassantes pour le gouvernement
L’affaire avait éclaté en mars dernier. Sébastien Lecornu, ministre des Armées, était contraint d’admettre que la France avait bien autorisé la livraison de composants pour mitrailleuses à Israël après le déclenchement de l’offensive à Gaza. Les révélations de Disclose et Marsactu avaient mis au jour l’expédition de 100 000 pièces fabriquées par l’entreprise marseillaise Eurolinks vers la société de défense israélienne IMI Systems.
Le ministre avait tenté de justifier ces livraisons en affirmant que ces « bandes de munitions » étaient destinées à la « réexportation » vers des pays tiers, et non à un usage par Tsahal. Une explication jamais étayée par des preuves, comme l’ont souligné 115 parlementaires de gauche dans une lettre adressée à Emmanuel Macron : « Nous sommes contraints de vous croire sur parole, aucune preuve n’ayant été transmise à ce jour. »
Une offensive judiciaire inédite
Devant le refus du gouvernement de rendre des comptes, onze ONG ont décidé de passer à l’action judiciaire. Amnesty International, ASER, Attac, la Ligue des droits de l’Homme ou encore Stop Fuelling War se sont regroupées pour déposer trois référés distincts devant le tribunal administratif de Paris, une démarche inédite en matière de commerce des armes.
Ces organisations invoquent le « risque que les armes et les équipements militaires que la France exporte vers Israël soient utilisés pour commettre de graves crimes contre des populations civiles dans la bande de Gaza ». Elles s’appuient sur le Traité sur le commerce des armes, qui oblige les États à suspendre tout transfert quand ces équipements pourraient servir à commettre des crimes de guerre ou contre l’humanité.
Trois recours ciblés pour maximiser les chances
La stratégie juridique s’articule autour de trois axes. Le premier collectif, mené par l’ONG ASER, vise spécifiquement une licence d’exportation de 300 000 euros délivrée en 2022 pour des munitions et leurs composants métalliques. Il pourrait s’agir de celle ayant permis la livraison des fameux maillons de cartouches révélés par Disclose.
Le second groupe, composé d’Amnesty International et de la Ligue des droits de l’Homme, a identifié une vingtaine d’autres licences pour un montant total de près de 290 millions d’euros. Celles-ci concernent notamment des viseurs d’armement, des calculateurs de bombardement et des matériels d’imagerie thermique, équipements cruciaux pour les opérations militaires menées à Gaza.
Enfin, un troisième collectif, représenté par les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth, exige plus radicalement la suspension de toutes les licences d’exportations d’armes vers Israël.
Un précédent européen encourageant
Si en France ce type de recours a jusqu’ici échoué – le Conseil d’état avait rejeté en 2023 une demande similaire concernant les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite -, des démarches similaires ont abouti au Danemark et aux Pays-Bas. La multiplication des appels internationaux à un embargo, notamment celui du Conseil des droits humains de l’ONU, pourrait faire évoluer la jurisprudence française.
L’issue de ces procédures sera scrutée de près, tant elle pourrait redéfinir le contrôle judiciaire sur les exportations d’armement français et la responsabilité de l’État dans l’utilisation de ses équipements militaires.
Nous publions avec Progressive International, Palestinian Youth Mouvement, le CFMP, l’AFPS, l’UJFP, Droit-solidarité, Attac, BDS France et The Ditch, un nouveau rapport détaillé des livraisons d’armes depuis la France vers Israël: https://t.co/UTa1PTjpt9https://t.co/OyuTJZ7SGD pic.twitter.com/ng0y6wah3X
— Stop Arming Israel France (@stoparmingisr) June 10, 2025