Proche-Orient
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La guerre entre Israël et Gaza expliquée à Aurore Kepler 452 b

Notre planète Terre, Gaïa chez les Grecs, considérée comme un être vivant, correspond régulièrement avec une autre planète de l’univers, Aurore Kepler 452 b dans la constellation du Cygne. Gilles Voydeville nous fait découvrir cette magnifique correspondance interstellaire. Aujourd’hui, Gaïa commente à sa soeur le conflit israélo-palestinien.

Dr Gilles Voydeville
Dr Gilles Voydeville (DR)

Par Gilles Voydeville

Lettre de décembre 2023 sur Gaïa
Mois de la glaçure des eaux serpentines sur Kepler

Ma chère Aurore,

Je te remercie de participer à ma douleur et d’essayer de m’éclairer sur les passions si tristes de mes petits êtres charmants.

Car je suis obsédée par ma Palestine qui vit un massacre et je souffre intensément de constater que l’aveuglement de certains conduira au désastre annoncé d’un grand conflit régional, voire d’une extension à toute ma douloureuse terre.

Je ne dois pas prendre parti mais je ne peux que condamner les actes de ces deux ennemis. Ils se haïssent depuis un long temps et vont se haïr encore pour plus de mille ans. La haine est une passion qui se digère si lentement qu’elle éructe avant de se vomir, comme les pustules sur les flancs des volcans précédent l’éruption gigantesque.

Ah, que ces deux peuples n’ont-ils pu se résoudre aux accords d’Oslo ! D’aucuns les trouvaient bancals, d’autres insuffisants ou bien trop généreux. Mais qu’en penser rétrospectivement après ces dizaines de millions de vies angoissées et pourries par la peur, la haine ou le remords ? Ces millions de vies gâchées par les deuils, les blessures et leurs séquelles ? Ces dizaines de milliers de morts ? Ce pays dévasté, ruiné ? Cet avenir qui n’existe plus ou si peu ni pour les uns ni pour les autres ?

L’attaque du Hamas fut un horrible crime, cruel, accompli avec la froideur déterminée de tueurs professionnels pour qui la chair et la vie semblaient virtuels. Mais peut-être et c’est plus grave, avec la jouissance de voir souffrir l’ennemi qui ne peut être innocent même sous la forme d’une fillette. Ils ont mitraillé avec leurs fusils, déchiqueté avec leurs grenades, supplicié avec leurs lance-flammes, décapité les enfants, éventré et violé les mères.

Quelle barbarie ! Cette tuerie s’est acharnée contre le peuple juif.

Dans sa rage, la riposte d’Israël a dépassé la légitime défense et tué, tue toujours, d’innombrables innocents pour détruire une idéologie. Israël se sent-il menacé au point de poursuivre indéfiniment ce massacre, car on ne peut qualifier de guerre le tir d’un char sur une maisonnette habitée. Cette destruction ne vise-t-elle pas plus qu’une armée ? Ne vise-t-elle pas chaque citoyen qui peut-être le réceptacle, le porteur, le prosélyte du Hamas.

Dans son acharnement, cette riposte s’apparente à un acte d’une haute barbarie pour réduire un peuple dans d’innommables souffrances.

L’Afrique du Sud vient de déposer, auprès de la Cour Pénale Internationale, une plainte contre Israël pour génocide du peuple palestiniens lié « à des conditions d’existence calculées pour entraîner leur destruction physique totale ou partielle ». Cette cour de justice jugera et qualifiera ces actes et sans doute ceux du Hamas qui les ont provoqués. Seront-ils tous deux jugés animés d’un même désir de détruire l’autre, l’un en ayant les moyens et l’autre pas ? La Cour et la postérité se prononceront plus tard.

La violence du crime du Hamas est inacceptable.

La durée et l’ampleur du supplice infligé aux Palestiniens est insupportable.

Si l’état palestinien voit le jour, le Hamas pourra regretter sa violence, sa cruauté, la terrible souffrance qu’il a imposée aux siens et à ses voisins, mais il ne manquera pas de s’enorgueillir d’avoir fait progresser sa cause.

Si cet état palestinien reste dans les limbes de la conception, Israël pourra-t-il se féliciter de cette inexistence grâce à son acharnement, à sa brutalité ? Un acte de légitime défense est un acte bref qui permet de neutraliser l’autre pour se préserver. Dans sa durée et sa disproportion, cette riposte perd de son caractère légitime.

Une souffrance régulièrement imposée à un captif s’appelle de la torture.

La destruction des cités de l’ennemi rappelle ce qu’a subi le peuple des Hébreux quand Titus abattait le Temple de Jérusalem ou quand Hadrien arrasait Jérusalem. Deux millénaires plus tard, Gaza subit la même destruction. Cette détermination de l’état juif retarde encore la solution d’un problème qu’il n’arrive pourtant pas à résoudre depuis la Nakba de 1948. Tous les citoyens pourront-ils supporter le souvenir de ce que l’état d’Israël a commis en leur nom ? Ces gens ne se sentiront-ils pas responsable et du massacre d’un peuple voisin, de la stigmatisation et de leurs frères et de leurs sœurs de la diaspora ?

Pourtant Moshe Halbertal, philosophe israélien, avait théorisé un élément fondamental de la lutte contre le terrorisme, celui de faire reposer la mission militaire punitive sur le dos des forces terrestres. En face d’un immeuble plein d’innocents et de terroristes, si l’ordre est de bombarder – comme actuellement – on tue tout le monde, on remplit les cimetières et l’on fait la une des magazines qui publient les photos de l’innocence fauchée par le mal. Si le bombardement est interdit par la hiérarchie, pour pénétrer dans l’immeuble il faudra être plus créatif, user d’une tactique moins dangereuse pour les innocents, un peu plus risquée pour les militaires mais c’est leur métier.

Martin Gurri, ancien analyste de la CIA, insiste lui sur le fait que les engagements éthiques d’une armée ne doivent pas être dépendants d’une réciprocité. La tentation qu’elle aura de se justifier en agissant comme le terroriste la fera tomber dans le piège qui lui a été tendu, celui d’être ravalée au même rang.

Cette armée y perdra l’éthique que son adversaire a depuis longtemps piétinée.

Quand Tsahal use des stratégies du faible – la destruction massive sans discernement – elle se met à son niveau. Comme elle a beaucoup plus de moyens, sa réponse devient disproportionnée. C’est une revendication cruelle de sa hiérarchie faite pour intimider l’adversaire – avec un résultat pour le moins imparfait – qui est plutôt la conséquence de s’être fait prendre au piège du terrorisme avec beaucoup plus de force de frappe.

Avoir la rhétorique du faible avec les moyens du fort condamne à l’erreur.

L’histoire me dira, mais je pense de l’émigration des Juifs d’Israël va recommencer. Pas celle des Hébreux poussés par la famine vers l’ancienne Égypte, pas celle du bannissement décrété par l’occupant romain mais celle de citoyens qui ne peuvent plus supporter ni les actes insensés que leurs extrémistes infligent aux Palestiniens, ni l’image que renvoie leur patrie ; et qu’à défaut de pouvoir s’élever contre les décisions prises en leur nom, ils émigreront vers leurs précédentes demeures, tant que celles-ci jouiront d’une sécurité, tout en craignant d’être poursuivis par la vindicte antisémite qui progressera inéluctablement.

Dans cette tragédie, le Sud Global se renforce et tient une bonne raison de s’opposer à l’Occident. Autant dans le conflit russo-ukrainien où l’agresseur était facilement identifiable et où les prises de position du Sud Global étaient idéologiques et politiques, autant dans la riposte disproportionnée d’Israël qui la revendique comme telle, il y a une faute morale qui unit une partie du monde contre le fameux Occident. Pourtant Israël n’appartient pas vraiment à l’Occident, car il n’en utilise pas l’alphabet latin.

C’est là où les États-Unis ont une lourde responsabilité.

Au conseil de sécurité de l’ONU, par leur véto opposé au cessez-le-feu, ils se sont rendus coupables de plusieurs fautes :

  • D’abord de ne pas arrêter, de laisser se perpétrer et d’encourager un massacre en protégeant diplomatiquement l’agresseur.
  • De continuer à lui fournir armes et munitions.
  • D’entraîner l’Occident – qui a pourtant massivement voté ce cessez-le-feu – dans le rejet que les Américains suscitent dans le Sud Global.
  • De disqualifier la justesse de leur aide à l’Ukraine dont ils sont le principal pourvoyeur, Ukraine qui se voit ravalée au rang d’obligé d’un état impérial et qui en rajoute en soutenant Israël pour ne pas mécontenter son fournisseur.
  • Enfin de copier les Russes dans leur insolence – perpétrer une invasion tout en étant membre permanent du Conseil de Sécurité – eux Américains en en soutenant une autre.

Les Américains prennent un risque considérable de dénigrement des valeurs morales occidentales dont ils se réclament uniquement quand cela les arrange. Après un tel choix du sang, ils ne peuvent plus se draper dans l’étendard de la justice et de la probité. Ils encouragent les foules du Sud Global à se préparer à l’aventure de la troisième guerre mondiale. Car dans un monde sans foi ni loi, c’est le plus fort qui gagne et le Sud Global se sent d’autant plus fort qu’il a trouvé une cause juste à ajouter à son ressentiment vernaculaire contre l’Occident.

Il n’est pas dit que le Hezbollah n’entrera pas en guerre.

Il est jusque-là gouverné par la retenue de ses parrains iraniens qui craignent la puissance destructrice de la flotte américaine sur leurs sites nucléaires sensibles et peut-être l’effondrement de leur dictature sous les coups de boutoirs qui ne manqueraient d’en surgir. Comme l’enchaînement des faits échappe parfois à la logique – l’étincelle qui a déclenché la première guerre mondiale en est un bel exemple – personne ne sait ce que produirait leur engagement, si ce n’est quelques dizaines de milliers de morts supplémentaires pour commencer.

Le Yémen peut accentuer sa pression et comme les pourparlers de paix commencent entre les parties houtistes et le régime officiel, il n’est pas dit que les réserves d’armes n’iront pas grossir le conflit Israélo-palestinien.

Quant à l’Arabie, quant aux Émirats, ils pourront choisir leur camp. Si l’Arabie s’engage contre Israël, le pire est à craindre. La Russie se joindra à eux et le seul bénéficiaire en sera l’Ukraine qui verra les capacités offensives de la Russie réparties sur plusieurs fronts. Ce qui lui permettra peut-être d’échapper à une nouvelle poussée invasive.

L’inconnue de demain qui pourrait faire basculer le conflit, c’est l’engagement de la Chine. Va-t-elle s’allier aux ennemis d’Israël ? Tu dois ma chère Aurore te souvenir que mon peuple de Chine met l’histoire au premier rang pour connaître et gouverner le monde. On doit considérer que son agressivité se tourne d’abord contre ses ennemis de l’intérieur : c’est une tradition ancienne, puissamment illustrée par le « Grand Bond en Avant » de Mao Tsé Toung qui a dû faire 80 millions de mort.
Aujourd’hui ce sont les Ouïghours qui en souffrent, certainement pour des raisons historiques :

  • Leur religion qui rappelle à la Chine la défaite de sa dynastie Tang contre le Califat Abbasside à Talas en 751 ?
  • Leur terre d’origine située en Mongolie qui lui rappelle qu’elle fut gouvernée pendant près d’un siècle (1271-1368) par la dynastie Yuan d’origine mongole ?
  • Le souvenir du Turcomongol Tamerlan qui, synthèse de la barbarie mongole et du fanatisme musulman selon René Grousset, les assiégeait au bord du Syr-Daria quand il mourût d’une pneumonie en 1405 ? On peut constater que les Chinois hésitent toujours à déclarer la guerre aux autres nations, mais qu’ils n’hésitent pas avec leurs ennemis de l’intérieur, les Tibétains, les Ouighours et un jour prochain peut-être les Taiwanais.Les gouvernements occidentaux, eux, sont issus du vote du peuple qui sanctionne dans un temps court toutes les décisions que lesdits gouvernements prennent pour satisfaire ledit peuple. Ils ne peuvent pas se permettre de prendre des décisions contraires à son vouloir qui n’est pas toujours sous-tendu par la justesse ou le temps long. Et quand les démocraties comme les États-Unis sont soumises à une pression en faveur d’un pays, ils doivent s’engager, même contre toute logique.Ce qui semble le cas aujourd’hui en faveur d’Israël.

Ça n’est pas le cas du Parti Communiste Chinois qui s’est donné les moyens de garder le pouvoir. La sagesse occidentale est fille de justice, l’orientale fille de pragmatique. Ce qui est juste est difficile à définir, ce qui est efficace se constate aisément. Et si je déplore cette chasse aux Ouïghours, elle me rassure un peu car elle n’annonce pas un engagement chinois auprès d’autres états musulmans, ce qui je l’espère, diminuera les risques d’un embrasement général.

Voilà, Aurore de mes rêves, mes dernières pensées que je t’adresse instamment pour recevoir tes judicieux conseils. Je t’enlace.

Ta Gaïa

Tsahal poursuit ses frappes sur l'enclave de Gaza (capture euronews)
Tsahal poursuit ses frappes sur l’enclave de Gaza (capture euronews)
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