Notre planète Terre, Gaïa chez les Grecs, considérée comme un être vivant, correspond régulièrement avec une autre planète de l’univers, Aurore Kepler 452 B dans la constellation du Cygne. Gilles Voydeville nous fait découvrir cette magnifique correspondance interstellaire.
Par Gilles Voydeville
Cher lecteur,
Nous sommes en mars 2023 de notre calendrier grégorien.
Gaïa et sa sœur Aurore Kepler 452b échangent des courriers réguliers. En espérant qu’elle l’éclairera sur la conduite à tenir, elle lui raconte la façon d’exister de son petit humanoïde dénommé « Charmant » car il la déborde par ses frasques.
Chez nos ancêtres les Grecs, Gaïa, notre Terre, est considérée comme un être vivant.
Aurore Kepler, elle, a été découverte en 2015 par le satellite observatoire Kepler de la NASA. Elle tourne dans la constellation du Cygne à 1400 années lumières de la nôtre et porte le matricule 452b.
Par sa taille, sa masse, son âge (elle est seulement plus ancienne de 1,5 milliards d’années) et la similitude de son orbite autour de son étoile, Aurore Kepler possède des caractéristiques communes avec Gaïa.
D’après la communauté scientifique, Aurore Kepler pourrait être habitée.
Ces deux planètes communiquent par intrication quantique, celle décrite en 1982 par le Français Alain Aspect. Il vient d’être récompensé 40 ans plus tard par le Prix Nobel 2022 de Physique.
Ce mystérieux phénomène quantique lie de façon instantanée deux particules, quel que soit leur éloignement. En 2015 à l’université de Delft, cette fantomatique action à distance a été réalisée et établie par une expérience de Ronald Hanson. En 2022 une information instantanée a été constatée entre deux ordinateurs quantiques intriqués.
Ma chère Aurore,
Je viens juste de te lire et te remercie d’être si régulière et singulière dans tes écrits. Il est toujours intéressant d’avoir un éclairage qui vient de plus loin que celui de ma lune dont le pâle éclat assombrit plus qu’il n’illumine la face cachée des choses. Alors que le rayonnement de ton étoile, que je perçois si infime, contient tes pensées ô combien utiles à la compréhension de mon monde et me guide non par la lumière mais par la logique de ta raison.
Je réfléchissais au vivre ensemble qui tracasse chacun de mes Charmants de l’aurore jusqu’à la tombée du jour.
Ici la vie de la société charmante est marquée par une suite de conflits et de combats pour survivre, vivre ou régner. Charmant s’est taillé la part du lion par sa domination sur les autres espèces mais il reste toujours en conflit avec ses semblables. Depuis l’aube de la charmante humanité, les rapports entre les êtres sont dramatiquement impactés par les combats singuliers, les rixes de bandes rivales, les affrontements des peuples qui dégénèrent vite en guerres et peuvent se mondialiser. Gérer le début d’un conflit reste primordial et problématique puisque que cela peut déboucher sur la guerre ou la paix. C’est la gestion du départ des différents entre les parties qui permettra ou non de trouver un compromis. Mais céder en partie ou en totalité sur ce que l’on croit être une agression de son bon droit n’est pas facile.
La première raison qui vient à l’esprit est qu’une concession soit interprétée par Charmant lui-même et encore plus par son adversaire, comme un aveu de faiblesse. Il faut être très fort pour se permettre d’apparaître faible.
Quel Charmant se sent-il donc suffisamment solide pour que sa force soit encore reconnue par lui-même et par les autres alors qu’il vient de se montrer faible ? Cette décision de concéder quelque chose à son charmant adversaire est d’abord un combat intérieur entre la raison et l’ego.
Examinons les arguments de ces deux intimes protagonistes.
La raison explique au moi charmant que céder est la seule façon d’apaiser, d’éviter l’affrontement tant que la partie opposée n’a pas encore sorti les armes lourdes. La raison fait comprendre que le passé est révolu, qu’il n’y aura plus de statu quo, que les données ont changé et que vouloir s’illusionner sur la prolongation des conditions précédentes est totalement irréaliste et ne fera qu’aggraver les choses.
La raison démontre qu’il est encore temps d’être conciliant et que ce sera la seule manière de préserver une paix qui, même en amputant une partie des avantages précédents, aura le mérite de ne pas engendrer les graves conséquences du déclenchement des hostilités.
La raison montre l’incertitude du combat, même si la bonne foi et le droit semblent de son côté.
La raison fait une exploration du futur qui ne sera pas figé sur les concessions du jour car tout évolue et la donne du jour pourra changer demain pour éventuellement permettre dans un avenir plus ou moins lointain de récupérer les pertes consenties.
Et si l’on considère qu’il y a peu de chance que ce conflit soit le dernier, on peut considérer que dans le futur, les avantages concédés précédemment pourront être comptés comme un actif de bonne volonté et permettront de demander à la partie adverse d’en tenir compte.
Comme le faisaient les sophistes qui dans un premier temps défendaient une cause et la cause opposée juste après, la raison invoque la nécessité de se mettre à la place de l’adversaire. Cette argumentation à 180° permettra de se mettre dans la peau de l’adversaire, de comprendre ses désirs et le pourquoi de sa demande. Ceci pour se convaincre soi-même de lui céder. En ayant compris que ses motivations sont argumentées et que l’expression de ses griefs s’appuie sur une souffrance ou un désir inassouvi, et pas seulement sur un caprice.
La raison expliquera que l’adversaire est dans un tunnel et que ses réactions n’auront rien de rationnelles ce qui enlève du poids à la certitude que l’on a de gagner parce que l’on sait avoir raison.
En revanche,
L’ego c’est ressentir une impression d’injustice seulement due au changement des désirs et des demandes de la partie adverse. L’ego n’a rien modifié dans son comportement et pourtant l’adversaire lui présente de nouvelles exigences, lui fait des requêtes qui n’étaient pas inscrites dans leur accord tacite.
L’ego c’est beaucoup l’invocation dudit Honneur qui se sent bafoué et entraîne le corps vers une réponse agressive pour ne pas perdre la face…
L’ego c’est la certitude d’aller au combat et de le gagner car de son côté sont réunies la raison, la justice et la détermination.
L’ego c’est laisser s’exprimer la force brutale pour échapper au danger qui ne permet pas d’atermoyer.
L’’ego c’est ne pas céder dans son bon droit, ce qui serait interprété comme un aveu de faiblesse et autoriserait l’adversaire à renchérir ce qui à plus ou moins long terme, le soumettrait à tous ses caprices pour devenir son exclave.
Qui de la raison ou l’ego gagnera ?
Avant de savoir s’il y aura affrontement entre les deux adversaires, le combat commence dans la tête de celui qui se sent agressé alors qu’il est latent depuis longtemps dans celle de l’agresseur qui a jusque-là souffert en silence. L’agressé doit-il se laisser gagner par la tentation du combat et engager sa puissance ou se laisser convaincre par le lutin de la sagesse qu’il faut explorer d’autre voie que celle de la force ?
Cela dépend de l’âge, de l’expérience et de la nature de l’esprit de chaque Charmant.
Il est difficile d’être jeune et dépourvu d’ego. L’ambition de la jeunesse est celle de faire mieux que ses ainés. Comment s’imaginer composer avec une incursion dans le projet de réalisation de soi, projet qui ne doit pas s’embarrasser d’aussi petits obstacles que ces velléités de domination qu’exprime un si insignifiant adversaire, sans immédiatement fondre sur lui ? L’âge venant, les certitudes s’émoussent et les chimères de la réussite s’estompent, ce qui permet à Charmant d’être plus enclin à la négociation.
L’expérience, nom dont Charmant baptise souvent ses erreurs et errements, permet d’apprendre que la colère, le ressentiment et l’impression d’injustice ne sont pas les meilleurs conseillers pour couler des jours heureux, tel une eau paressant en délicieux méandres ombragés de saules sur les plaines de la quiétude.
Mais c’est déjà la nature de chaque Charmant qui décidera de son comportement, certains étant naturellement enclins à l’empathie et d’autres à l’agression.
Donc je crains ma chère Aurore que cette analyse fumeuse de la gestion des conflits n’aide en rien chaque Charmant. Il y aura toujours des conflits qui ne sont que les enfants de leurs ambitions respectives ou de leur mal être. Chacun fera son chemin comme moi j’ai fait le mien avec mes sœurs pour supporter leurs velléités de domination des ellipses qui leur convenaient, mais je m’en suis bien tirée car de ce concours de circonstances la vie est née sur mon écorce. Beaucoup de Charmants ont peur de perdre leur honneur en cédant quelques bribes de leur pouvoir à l’adversaire.
Ils apprendront avec le temps que l’honorabilité la moins apparente n’est pas la moins importante.
Après avoir essayé de comprendre les conflits entre les êtres charmants, je me suis penchée sur leur intelligence. Elle reste pour moi, sa terre nourricière, une énigme difficile à apprécier. J’appelle intelligence leur capacité à comprendre et à résoudre les problèmes qui se posent à eux. J’ai longtemps cru qu’elle était figée, donnée à chaque individu charmant une fois pour toute, transmise par la génétique et vaguement modifiée par l’éducation, un point c’est tout. Mais bizarrement certains Charmants idiots peuvent engendrer des génies et des attardés du système scolaire peuvent obtenir des Prix Nobel.
Il faut donc admettre que la génétique n’explique pas tout et que chez certains l’intelligence peut progresser avec le temps.
J’essaye de comprendre : Charmant perçoit l’information avec ses organes : visuel, auditif, sensitif, olfactif et gustatif. Selon l’état de son esprit, ouvert ou fermé, cette information est conduite ou non vers les lieux de stockage, central ou périphériques. Ces lieux de stockage sont appelés la mémoire. On les situe dans la cervelle ou dans le plexus solaire mais on ne les pas encore tous localisés. Leur capacité dépend du nombre de leurs neurones. Les sites ou les individus qui en ont moins emmagasinent moins d’information. Les individus qui ont moins de données résolvent moins de problèmes et disposent de moins de solutions.
Qui dit moins de solutions, dit moins d’outils pour augmenter le champ de réflexion.
C’est-à-dire moins de capacité à devenir plus performant ou en d’autres termes cela veut dire que leurs possesseurs ne seront pas plus intelligents demain qu’aujourd’hui.
Alors que l’inverse est sans doute vrai pour les esprits bons percepteurs et bons stockeurs qui, ayant accumulé plus d’informations, pourront demain traiter des problèmes jusque-là insolubles, obtenir plus de résolution et disposer de plus de solutions : c’est-à-dire qu’ils seront plus intelligents demain qu’aujourd’hui.
La somme des informations (l’expérience) s’accumulant, la capacité de raisonnement (l’intelligence) en profitera pour croître. La croissance de l’intelligence sera seulement limitée par la baisse de la capacité mémorielle, c’est à dire la mort progressive de ses neurones. L’oubli des données est le marqueur de la baisse cognitive. La disparition des données limite le raisonnement qui ne peut plus s’appuyer sur elles. Cette limitation de l’intelligence est due à l’oubli que j’appelle anti-mémoire : elle efface les informations indispensables pour traiter les problèmes.
L’anti-mémoire engendre un vide des données et donc l’incapacité d’organiser la vie et la pensée : elle peut aller jusqu’à la démence.
L’intelligence est donc le résultat d’un combat entre l’acquisition des données et la perte de cellules de la mémoire qui elle-même est irréversible. Elle peut progresser si l’acquisition des données progresse plus vite que la perte des cellules du stockage ou à l’inverse régresser.
Plus un cerveau dispose de données, plus il sera capable de saisir un fait nouveau et pourra l’exploiter. Il faut être déjà savant pour saisir un fait et plus on en saisit plus est on capable d’en ressaisir.
L’ouverture des canaux sensoriels est un élément important pour l’acquisition des données : les esprit « bornés » ne bénéficient pas de toutes les informations car ils se ferment à celles qui n’entrent pas dans leurs a priori, celles qui réfutent ou dérangent leur interprétation et leurs convictions. Ces informations sont donc d’emblée rejetées, ce qui diminue la quantité d’informations disponibles et donc la qualité de l’analyse par leur cerveau. La prise en compte de toutes les informations est nécessaire à la compréhension de mon monde car s’il en manque une, c’est l’énoncé du problème qui est amputé.
Comme l’écrivait l’un de mes philosophes, Merleau Ponti, si le problème est posé c’est que la solution est en germe, mais comme dans l’esprit étroit il est mal posé par manque de données, sa résolution sera fausse et bancale.
Les esprits ouverts finiront toujours par guider le monde de Charmant. Mais garder une ouverture d’esprit n’est pas si aisé. Il faut être d’une rigueur absolue et accepter de prendre en compte les faits nouveaux qui dérangent. Être toujours sur la brèche pour pratiquer le doute, discerner les éléments importants des détails parasites, accepter de s’être trompé (Charmant a un mal fou avec ça), reconnaître ses torts et agir en conséquence. Le programme est simple en apparence mais compliqué en réalité. La tentation de se fermer l’esprit est plus forte pour un Charmant qui a du pouvoir car il peut s’imaginer mieux savoir du fait de la position sociale qu’il a acquise. Mais les faits sont plus têtus que les mules qui parfois gouvernent mes peuples.
Ah ma chère Aurore, cette intelligence charmante est bien difficile à définir, à cerner, à quantifier, car on n’en voit pas les limites. Et si on les aperçoit chez un pauvre Charmant, c’est tout simplement qu’elle s’est absentée…
Trêve d’élucubrations.
Il faut que je te fasse un nouveau petit scenario pour l’évolution de ma dernière guerre européenne. L’Ours a cru vaincre à Bakhmout et il s’enlise car le bélier le corne et l’empêche d’avancer. L’Ours a rusé avec l’oncle Xi en lui prêtant allégeance. Le suzerain matois, onctueux, sûr de son pouvoir et certain de son immense prestance, s’est déplacé sur les terres de l’Ours, son nouveau vassal. L’oncle Xi s’y est répandu en louanges dithyrambiques, évoquant leur amitié inaltérable, leur connivence éternelle, leur respect commun des valeurs humanistes… En attendant le départ de son suzerain, l’Ours s’est fendu d’un sourire déférent, plissant des yeux délavés par le flot des larmes qu’il n’a jamais pu verser, découvrant ses crocs de boucher et sa langue menteresse. Puis il s’est lancé dans la proclamation d’une nouvelle menace de semer la terreur avec son fameux champignon maléfique.
Cette menace que le monde doit craindre encore plus puisqu’il est maintenant le vassal d’un très puissant suzerain.
La chèvre américaine a chevroté puis s’est fâchée en installant immédiatement des monceaux d’ogives pleines de champignons maléfiques sur les terres de Pologne, afin de frapper l’Armée Rouge occupant les territoires ukrainiens si jamais la riposte devenait nécessaire…
Pendant ce temps-là, Israël a fondu sur Téhéran et ses sites de production de mycelium atomicum, de drones et de missiles. Téhéran a expédié ses avions sur Tel Aviv et détruit quelques bâtiments. La bande de Gaza a lancé des milliers de missiles sur les colonies juives. La Syrie en a profité pour envahir les territoires rebelles, la Turquie a dépêché trois armées au Kurdistan et l’Inde a expédié ses bataillons himalayens au Cachemire. L’oncle Xi a déployé sa flotte autour de Taiwan et a établi un blocus.
Les chars Abrahams sont arrivés à Kiev. Les Mirages 2000 à Lviv. La chair à canon russe a alimenté la boucherie du Donetz et quand le premier champignon a détruit Kharkiv, la réponse américaine a vitrifié tout un bataillon russe stationné en Crimée.
L’ours blanc qui fait défiler ses troupes au son des walkyries s’est ouvertement déclaré pour la guerre des champignons mais il a été stoppé dans son élan par une arrestation qui a été réalisée avec beaucoup de maîtrise par le FSB qui l’a attiré dans un piège en lui laissant croire qu’il allait devenir général en chef de l’Armée Rouge.
L’oncle Xi n’a toujours pas livré d’armes à Moscou mais a réitéré son soutien indéfectible à son vassal en précisant que la guerre des champignons devait instamment cesser.
Il apparait donc comme l’arbitre de la paix du monde en s’étant d’abord fait passer pour un oncle niais qui soutenait son ursidé véreux. Il l’a ainsi singulièrement poussé à la faute pour ensuite le tancer et montrer sa puissance aux peuples d’Occident qui lui déniaient un leadership mondial.
En résumé, rien n’est anodin. La visite de l’oncle matois rendue à son vassal l’Ours mal léché pour narguer les Occidentaux a déclenché une vraie troisième guerre mondiale. Chacun y a joué son va-tout pour réaliser ses fantasmes et redorer son blason. L’oncle Xi a montré sa puissance car il a poussé l’Ours brun à la faute en lui laissant croire qu’il pouvait tout se permettre. Juste avant de lui rappeler qu’il ne peut plus se passer de son approbation pour les grandes décisions, sous peine de perdre son soutien et son marché. Business as usual, l’oncle matois est un maître commerçant.
Mon écorce va se réchauffer encore un peu plus…
Ma chère Aurore, je te laisse à mes réflexions pour que tu puisses me conseiller encore et encore car j’en ai besoin. Je t’enlace.
Ta Gaïa