Le moteur s’est brusquement emballé. Le véhicule a heurté deux piétons dont l’un est décédé. La conductrice est poursuivie pour homicide involontaire : elle aurait confondu le frein et l’accélérateur. Difficile à croire au vu dossier, en appel à Amiens.
Les faits remontent au 5 octobre 2015, à Clermont-sur-Oise (60). Ce jour-là, Mme L. attend sa fille sur le parking de la gare SNCF de Clermont-sur-Oise. Elle est en double file au volant d’une C4 Picasso à boite de vitesse automatique. Une place se libère. Elle enclenche la marche arrière pour faire un créneau. De façon inexpliquée, le moteur s’emballe, la voiture recule à toute allure, heurte une voiture, puis deux piétons. L’un est grièvement blessé, l’autre, une dame de 40 ans est littéralement écrasée et décèdera des suites de ses blessures. La voiture folle termine sa course contre un muret. Mme L. est effondrée. Elle ne comprend pas ce qui a pu se passer.
Erreur humaine ?
La conductrice a été condamnée par le tribunal de Beauvais (Oise) à 10 mois de prison avec sursis et 150 € d’amende pour défaut de maîtrise du véhicule le 23 mai 2019. Le facteur humain comme cause de l’accident a été retenu contre elle. Le tribunal a fondé sa décision sur deux expertises pour le moins légères. « Aucune défaillance électrique, électronique ou mécanique » n’est relevée par le premier expert. Il en conclut que la conductrice aurait confondu le frein et l’accélérateur.
Étonnant, de la part de cette dame d’une cinquantaine d’années, prof à l’université, qui n’a jamais eu de problème de circulation, qui conduit depuis 30 ans et dont le permis compte encore ses 12 points ! « Ma voiture est partie en trombe » dira-t-elle aux enquêteurs, sans bien comprendre ce qui a pu se passer.
Querelle d’experts
L’un des experts a cependant prélevé un échantillon d’huile sur la boite de vitesse. Celui-ci révèle « des teneurs sensibles en fer et en cuivre ainsi qu’une forte présence de particules métalliques visibles ». Et puis ? Plus rien. Tout est normal.
Le second expert dira à peu près la même chose. Les deux techniciens se sont focalisés sur la boite de vitesse. Mais ils ont négligé l’examen du moteur qui aurait pu s’emballer, ils ont oublié que le véhicule de Mme L. avait fait l’objet d’un rappel par le constructeur quelques années plus tôt pour un problème de frein, que le véhicule avait fait l’objet d’une révision au garage deux mois seulement avant l’accident, avec vidange complète. Et que des revues spécialisées ont observé des problèmes avec les boites de vitesse automatiques du même type.
Deux autres experts mandatés par Mme L. soulèveront ces incohérences de leurs confrères dûment désignés par la justice.
Témoignages
C’est ainsi que le dossier viendra devant la cour d’appel d’Amiens, le 30 septembre 2020. Mme L. maintient que sa voiture s’est emballée, qu’elle n’a pas confondu le frein et l’accélérateur. Elle précise : « Ce que je veux, c’est la recherche de la vérité. Quand j’ai commis une erreur je l’assume ».
Son avocat, Me Philippe Meilhac, demande un supplément d’information pour qu’une expertise complète soit effectuée sur le véhicule car l’erreur humaine ne tient pas une seconde. A défaut, « une relaxe est inévitable » précise l’avocat.
Depuis la publication des comptes rendus d’audience dans la presse, notamment du Courrier Picard, des témoignages sont venus confirmer qu’il pouvait y avoir un problème d’emballement du moteur. Exemple, Iréné S. au volant d’une C5 : « D’un seul coup, la voiture s’est emballée, elle s’est mise à accélérer toute seule sur 150 ou 200 mètres. Le frein à pied avait du mal à répondre et je n’avais plus de frein à main. Ça fait drôle ! Je me demandais si ça allait s’arrêter. Heureusement qu’il n’y avait ni voiture ni piéton devant moi ou que je n’étais pas en ville, je n’aurais rien pu faire. » Sa voiture s’est ensuite soudainement et très brusquement bloquée, comme un freinage très violent. Le septuagénaire explique qu’il lui était impossible de redémarrer ensuite, comme si « l’ordinateur de la voiture était perdu. » Au final, sa voiture fonctionnera à nouveau quand l’embrayage aura été changé.
Enquête d’un juge
Édouard B. est propriétaire d’un C4 Space ourer. Il raconte : » Le 6 Août 2020 nous étions chez des amis à Fouquières-les-Lens….Mon C4 était stationné dans une descente de garage assez pentue. Ce jour là, après avoir enclenché la marche arrière, la caméra de recul étant allumée, mon véhicule au lieu de reculer, il avançait. J’ai répété cette opération plusieurs fois avec l’angoisse qu’au bout de la descente, il y avait un mur en béton. A la 5ème fois mon véhicule est parti en marche arrière. J’étais très étonné car cela ne l’était jamais arrivé. Mon épouse également conductrice du même véhicule m’a assuré qu’elle avait eu ce même problème sur le parking d’un supermarché. »
Edouard B. a signalé le problème au garage Citroën de Berk-sur-Mer (62). Après vérification, on lui a dit que « tout était normal ».
Autre témoignage, celui de François Etienne victime de l’emballement du moteur d’un C4 Picasso de location. »Le 25 mai 2016, alors qu’il a tenté de faire une marche arrière avec son véhicule à Langoiran (33350), ledit véhicule a purement et simplement avancé au lieu de reculer, témoignant d’une défaillance manifeste de la boîte de vitesse » explique son avocat, Me Sylvain Cormier, avocat à Lyon. « Monsieur Etienne qui se trouvait sur les quais de la Garonne a réussi à freiner à temps évitant ainsi une chute qui aurait pu être, sinon fatale, au moins extrêmement dommageable dans la Garonne. » Grosse frayeur du conducteur qui a alerté le constructeur. En vain. Puis la sous-direction « sécurité et émissions des véhicules » du ministère de l’environnement. « Sa plainte a fait l’objet d’un classement sans suite le 28 septembre 2016, précise l’avocat lyonnais. Nous avons déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d’instruction du Tribunal Judiciaire de PARIS le 13 octobre 2017. »
Affaire en cours.
Sur les forums spécialisés du net, d’autres témoignages de ce genre viennent jeter le doute sur la version retenue par la justice de l’accident du 5 octobre 2015 à Clermont-sur-Oise.
L’avocat général a demandé à la cour de confirmer le jugement de première instance. L’arrêt sera rendu le 18 novembre 2020.
Si vous avez eu les mêmes soucis techniques sur votre véhicule, merci de nous faire parvenir cotre témoignage à l’adresse suivante : contact@infodujour.fr