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Covid : la visière ou le masque ?

Le port du masque sera bientôt obligatoire dans les écoles et dans les entreprises. Le Dr Jean-Michel Wendling, spécialiste Prévention Santé au Travail*, plaide pour l’Ecran facial Anti Projection de salive émise (EAP). Explications.

Visière ou masque (capture Youtube)
Visière ou masque (capture Youtube)

Interview

– Vous êtes directement à l’origine des premières visières dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de coronavirus. Comment les choses se sont-elles passées ?

Jean-Michel Wendling
Dr Jean-Michel Wendling (DR)

Les visières de protection du visage ou écrans faciaux sont couramment utilisées dans le bâtiment ou chez les salariés chargés des espaces verts, par exemple, pour se protéger de toutes sortes de projections à haute vitesse. En tant que médecin de prévention santé au Travail, je connaissais bien ces équipements. Ce sont des écrans étanches, transparents, grâce auxquels on peut respirer normalement et à travers lesquels on peut voir le visage. J’ai pensé que cet écran facial permettrait non pas de se protéger des virus et autres micro-organismes en suspension dans l’air, mais surtout de protéger les autres de mes postillons. C’est un changement de paradigme et l’EAP est un concept nouveau au niveau international. En protégeant les autres, en tant que porteur asymptomatique, on se protège tous et je me protège aussi, notamment les yeux non couverts par le masque.

– Et alors ?

Le 17 mars 2020, j’ai bricolé un masque avec une visière, un bout de plastique et un élastique. Et j’ai fait un tuto quelques jours plus tard pour montrer à tout le monde comment faire une visière à peu de frais (environ 2 €) et réutilisable chaque jour.
Ce prototype a bien entendu évolué et de nombreuses personnes ont eu la même idée à cette période, y compris Tim COOK de Apple !
Puis, avec des médecins de différentes disciplines dont Emilie HUTT, oncologue à Colmar et Elisabeth Hutt, allergologue à Strasbourg, et 4 médecins du collectif stop-postillons, nous avons milité pour que les pouvoirs publics imposent une protection des autres par tout dispositif barrière masque « maison » ou cet écran anti-projection (EAP) à l’époque où aucun masque n’était ni recommandé, ni d’ailleurs disponible…. Les ‘’makers’’ en parallèle c’est-à-dire des particuliers disposant d’imprimantes 3D ont massivement fabriqué des visières et ont organisé une logistique extraordinaire, visières qu’ils donnaient aux soignants libéraux et aux professionnels à une époque où il n’y avait rien. L’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) a ensuite produit une fiche technique le 28 avril 2020 qui met en avant l’intérêt de cet équipement en protection « collective » pour des salariés exécutant des tâches très physiques. Mais pour les makers, en revendiquant la protection du porteur, le produire et le vendre, nécessitait de répondre à la norme EN 166 (standard européen). Et là, ça a coincé.

Double barrière (illustration JM Wendling)
Double barrière (illustration JM Wendling)

– Pourquoi ?

Parce que la mise sur le marché supposait de passer des tests de certification auprès des organismes notifiés. La création d’une nouvelle norme EN166 allégée, plus souple que la norme européenne a été alors une option envisagée par L’AFNOR. Le projet a bien été lancé mais les pouvoirs publics n’ont pas soutenu la démarche. Les organismes notifiés, EUROGIP, ou l’INRS n’ont pas soutenu la démarche et le projet a été suspendu.

– Mais pour quelles raisons ?

Ni la Direction Générale des Entreprises (DGE), ni la Direction Générale de la Santé (DGS) n’ont été moteurs. Les fabricants français ont certainement vu un marché concurrentiel venant des particuliers… Les organismes notifiés ont vu arriver une « norme allégée » possiblement en auto-certification : les visières risquaient d’échapper à leur contrôle qualité. Personne n’avait vraiment intérêt à ce que le marché soit inondé par des makers qui ont une imprimante 3D chez eux. Une grosse communication média a d’ailleurs menacé les makers de concurrence déloyale et de mise sur le marché d’équipements illégaux si la protection du porteur était revendiquée. Toute la production bénévole s’est arrêtée net. Cette position est surprenante car le Ministère de l’Intérieur a de son côté commandé plusieurs centaines de milliers de visières non normées à l’époque pour leurs agents et notamment pour les assesseurs des élections municipales…C’est à ne rien y comprendre…

– Donc, plus de fabrication d’écran anti-projection…

Si, car les makers en fabriquent toujours. Mais ils les donnent et expédient bénévolement à l’étranger dans les pays où l’épidémie n’est pas maîtrisée, comme Visières Solidaires qui produisaient pour les personnels soignants mais certains d’entre eux ont été menacés de concurrence déloyale, de produits dangereux etc… et ont pris peur.

– Et pourtant vous n’avez pas lâché. Vous avez également effectué des simulations suffisamment éloquentes…

Oui, ces simulations ont alimenté les travaux d’un groupe piloté par le président Denis LARRUE, expert de renommée internationale « protection face et yeux » qui a continué le projet de référentiel technique hors AFNOR : ce référentiel sorti en juin est disponible en ligne et l’ensemble du groupe souhaite apporter la preuve d’une certaine efficacité de ces visières dans leur fonction anti projection de salive. Ce référentiel a d’ailleurs très vite attiré l’attention de l’organisation de normalisation américaine (ANSI) et australienne (AS) qui s’en sont emparé.
Avec l’OPPBTP, nous travaillons maintenant avec le Laboratoire National d’Essai (LNE) avec lequel nous avons élaboré un protocole expérimental comprenant des écrans faciaux, des mannequins, des capteurs.
Des infectiologues d’ailleurs comme Dr Amesh Adalja (Johns Hopkins University Center for Health Security) ou Pr Michael Edmond (PhD Iowa University), avec qui j’échange, sont d’ailleurs convaincus de l’intérêt du concept de la protection généralisée par l’écran anti-projection et ont publié un article dans JAMA.
En attendant, je fais de l’expérimentation aéraulique à de fins didactiques plus que scientifiques pour encourager la recherche
Un institut de recherche israélien a d’ailleurs tout récemment pré-publié des essais qui montrent que la visière serait plus efficace que le masque, y compris pour les aérosols. Les microparticules qui s’échappent de la salive sont plus ou moins grosses. En dessous de 5 microns, ces particules restent en suspension dans l’air plusieurs minutes voire plusieurs heures. L’effet barrière est surtout efficace sur les postillons. Tout cela est à confirmer mais les premiers résultats sont très encourageants

– Pour les autres…

Le masque comme l’écran anti projection font barrière aux postillons que l’on projette, notamment en parlant. Les aérosols, eux, fuient de partout et se dispersent dans l’environnement avec l’écran plutôt vers le sol et avec les masques vers le haut. Cela me conforte dans l’idée que les aérosols ne sont que très peu impliqués dans la transmission interhumaine car malgré ces fuites massives, les pays ayant mis en œuvre le port généralisé du masque ont bien maîtrisé l’épidémie comme la Tchéquie, la Slovaquie ou Singapour, la Corée du Sud ….
Les plus gros postillons se posent par contre sur les aliments ou dans les verres, par exemple, au cours d’un repas ou d’un buffet (Princess DIAMOND, Mariage sur le lac d’Annecy) : le temps repas est un moment où on ne peut pas porter de masque.
Ce qui pourrait expliquer cette énigme des nombreux clusters familiaux, professionnels qui apparaissent ici ou là sans que l’on comprenne bien pourquoi ici et pas ailleurs.

En outre la visière comporte de multiple avantage, elle permet de favoriser l’interaction sociale par la visibilité du visage et des lèvres, essentielle pour les malentendants et les sourds. Elle n’est pas manipulée et réajustée en permanence. C’est un obstacle aux gestes à risque comme porter la main au visage, aux yeux. Elle est bien mieux tolérée par les enfants et les séniors. Elle est bon marché, réutilisable, lavable. C’est un vrai plus pour le budget des familles. Cet équipement est d’ailleurs recommandé par le département santé de l’Oregon ou de Singapour pour les enseignants et les enfants de moins de 12 ans. Le ministère de l’Éducation pourrait s’inspirer de ce bon élève.
Il est bien entendu exclu de négliger, évidemment, les autres gestes barrière en particulier celui de se laver les mains régulièrement et de garder ses distances.

EAP – écran facial anti projection – outil de travail pour groupe d’experts piloté par DENIS LARRUE
Page wikipédia
*Médecin de Santé au Travail, Préventeur, Diplômé en Statistiques appliquées à la Médecine, Ergonomie et Toxicologie Industrielle

Vidéos

Preuve visuelle de l’utilité des EAP – masques – écharpe – écran facial

Cette vidéo inédite, (une première mondiale avec cette technique), propose une visualisation expérimentale de la diffusion des micro-gouttelettes de salive (partie aérosol la plus fine et la plus volatile entre 0,1 et 10 microns).

Citoyens et Elus – Soyez solidaire ! Sauvez des vies !

Vidéo de synthèse expliquant les enjeux et les propositions de solutions pour vaincre l’épidémie COVID-19.

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