La pollution agricole de l’eau n’est pas une fatalité, affirme l’UFC Que Choisir
Alors que vient de s’ouvrir la deuxième séquence des Assises de l’Eau visant à réformer la politique de l’eau en France et en l’absence de données officielles, l’UFC-Que Choisir rend aujourd’hui publique une étude qui montre que la persistance des pollutions agricoles dans l’eau n’est pas une fatalité.
L’analyse de 102 sources prioritaires particulièrement menacées par les pollutions établit que les mesures de prévention issues du Grenelle de l’Environnement sont globalement efficaces pour obtenir une eau potable sans recourir à une coûteuse dépollution. L’Association demande donc une protection des captages de tout le territoire, ainsi que la mise en œuvre stricte du principe pollueur-payeur.
La persistance des pollutions agricoles sur tout le territoire
Alors que le problème des pollutions de l’eau d’origine domestique et industrielle est en passe d’être résolu, les pollutions agricoles sont quant à elles toujours aussi répandues. En deux décennies, les nitrates n’ont pas diminué dans les nappes phréatiques, quand les pesticides dépassent les seuils légaux de potabilité sur la moitié du territoire français pour les cours d’eau et sur le tiers pour les nappes phréatiques.
La coûteuse impasse de la dépollution rejetée par les consommateurs
Plutôt que de limiter l’utilisation des engrais et des produits phytosanitaires à l’origine de ces pollutions, la France a massivement fait le choix du dispendieux traitement des eaux polluées afin de les rendre potables. Cette politique est aussi onéreuse qu’injuste, puisqu’elle consiste à faire payer par les consommateurs l’essentiel du traitement des pollutions agricoles. C’est ainsi un surcoût compris entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros annuellement qui est supporté par les consommateurs via leurs factures d’eau, en violation flagrante du principe pollueur-payeur. Ce thème a d’ailleurs été jugé comme la première priorité des consommateurs dans le cadre du Grand débat national. Cette politique est en outre en partie inefficace puisque, malgré ces traitements, plus de 2 millions de consommateurs reçoivent une eau du robinet polluée par les pesticides ou les nitrates.
Le bilan de l’UFC-Que Choisir 12 ans après le Grenelle : la prévention, ça marche !
En 2007, le Grenelle de l’Environnement avait pourtant ouvert une brèche en faveur de la prévention des pollutions. Pour mille sources parmi les plus menacées en France, une nouvelle approche avait été adoptée, consistant à définir, en concertation avec les agriculteurs, les mesures concrètes à même de limiter les pollutions. En l’absence d’évaluation officielle douze ans après son lancement, l’UFC-Que Choisir a décidé de dresser son propre bilan, en réalisant une enquête à travers la France grâce à son réseau d’associations locales. Un échantillon de 102 sources prioritaires réparties dans 27 départements a été étudié par le biais d’entretiens en face à face avec les structures pilotant la protection de ces captages.
• Une baisse des pollutions pour deux tiers des sources étudiées : sur les 76 sources pour lesquelles nous avons pu retracer l’évolution des pollutions, il apparaît que les programmes de protection ont entrainé une baisse des pollutions en nitrates ou en pesticides dans 60 % des cas et ont permis d’arrêter la progression des pollutions pour le quart des captages.
• Les mesures obligatoires trois fois plus efficaces que les mesures volontaires : les baisses de pollutions en nitrates sont trois fois plus importantes quand les plans d’action « Grenelle » contiennent des mesures d’application obligatoires (en moyenne, – 23 % de nitrates) par rapport aux plans d’action dont les mesures sont strictement volontaires (- 8 %).
• L’impasse sur le bio et le reboisement : on déplore en revanche un très faible développement de l’agriculture biologique et des surfaces boisées dans les aires de captage, alors que ces modes de production sont particulièrement efficaces pour limiter les pollutions dans les zones sensibles.
Des résultats encourageants… qui appellent un déploiement d’urgence à tout le territoire
Alors que ces captages prioritaires concernés par cette politique de prévention ne représentent que moins de 3 % des 35000 captages français, le cas général reste cependant celui des sources sans protection particulière contre les pollutions agricoles. Les mesures mises en place sur ces captages « Grenelle » ayant fait la preuve de leur efficacité, il est urgent que ces efforts soient désormais étendus à l’ensemble du territoire. C’est seulement ainsi que la politique de l’eau pourra combiner protection de l’environnement, de la santé et baisse des pollutions.
Décidée à répondre à l’urgence environnementale, l’UFC-Que Choisir formule des propositions concrètes dans le cadre des Assises de l’eau pour protéger la ressource aquatique :
– Un bilan exhaustif de la protection des 1000 captages prioritaires, ainsi qu’un état des lieux régulier de la protection des 35 000 captages du territoire national ;
– Un renforcement réglementaire des mesures de protection des captages :
• La définition de mesures obligatoires sur les aires de protection des captages ;
• Le pilotage des plans d’action par les collectivités locales desservies ;
• Le développement sur les aires de captage de modes de production agricole peu polluants tels que l’agriculture biologique ;
Une extension à l’ensemble des captages des mesures de lutte contre les pollutions diffuses ;
– La mise en œuvre stricte du principe pollueur-payeur, 1er choix des consommateurs dans le cadre des propositions formulées par l’UFC-Que Choisir dans le cadre du Grand débat, pour que les consommateurs ne soient plus les payeurs des pollutions qu’ils subissent.
Consulter la synthèse de l’étude
Qualité des eaux des captages prioritaires
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