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Ces équipes mobilisées contre la résistance aux antibiotiques dans les hôpitaux

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Au sein de certains établissements de soins, des « commandos » généralement composés d’un infectiologue, d’un pharmacien et d’un bactériologiste conseillent leurs confrères sur une meilleure utilisation des antibiotiques.
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Céline Pulcini, Université de Lorraine

Une nouvelle étude, publiée le 26 mars, vient de montrer que la consommation d’antibiotiques a augmenté de 65 % au niveau mondial entre 2000 et 2015. Cette tendance à la hausse risque de se poursuivre, notamment dans les pays les moins riches. Ce phénomène risque d’aggraver encore le problème mondial de la résistance des bactéries aux antibiotiques, ou antibiorésistance.

Or un sujet manque, dans la liste des priorités définies par les autorités sanitaires françaises et internationales pour résoudre ce problème : le soutien aux équipes spécialisées, composées de professionnels de santé, qui aident leurs confrères à mieux utiliser et prescrire ces médicaments. Une expertise spécifique est en effet utile, car les connaissances sont en constante évolution. Plus de 100 000 articles scientifiques sont publiés tous les ans sur les maladies infectieuses et l’antibio-résistance !

À l’hôpital, ces « commandos » spéciaux sont souvent composés d’un médecin infectiologue (un spécialiste des antibiotiques et des infections), d’un pharmacien et d’un bactériologiste (qui étudie les bactéries en laboratoire).

De telles équipes existent dans un certain nombre d’hôpitaux français, par exemple au CHRU de Nancy où j’exerce. Cependant, une étude réalisée au sein de mon équipe de recherche, en collaboration avec des collègues australiens, montre que seulement 43 % des hôpitaux français (publics ou privés) disposent d’une telle équipe multidisciplinaire, avec des effectifs suffisants et un programme d’action minimum. Et il n’existe pas d’équipes de ce type pour épauler les médecins en ville, ni dans les maisons de retraite.

Leur rôle est pourtant capital. Ces équipes sauvent des vies. À titre d’exemple, dans les septicémies causées par un staphylocoque doré, qui sont des infections graves, l’intervention de ces équipes permet de réduire de moitié le risque de décès.

Une expertise précieuse pour les infections du cœur, des os, du cerveau

Cette expertise est particulièrement précieuse pour les malades atteints d’infections complexes, par exemple les infections du cœur, des os ou du cerveau. En effet, il faut se montrer capable d’identifier précisément l’ennemi (la ou les bactéries en cause), de trouver les moyens de l’atteindre là où il est retranché, et enfin de prescrire un traitement antibiotique complexe. On combine parfois plusieurs antibiotiques en même temps, et souvent, ce sont des antibiotiques qui nécessitent une surveillance accrue du patient, du fait du risque d’effets secondaires. La durée du traitement peut atteindre, dans la plupart des infections des os, 6 à 12 semaines.

Concrètement, que font ces équipes ? Prenons un exemple, adapté d’un cas réel. Un patient est hospitalisé pour fièvre, et on lui diagnostique rapidement une septicémie à staphylocoque doré sensible aux antibiotiques, due à une plaie qu’il s’est faite en jardinant. Son médecin démarre un traitement antibiotique par perfusion. Au 4e jour de traitement, la fièvre persiste et le médecin décide de demander l’avis d’un collègue infectiologue. Ce dernier examine le patient et recommande de réaliser des examens supplémentaires, car il suspecte une endocardite, c’est-à-dire une fixation de la bactérie sur le cœur du patient, ainsi qu’une infection des os de la colonne vertébrale.

Les analyses confirment le diagnostic, et la prise en charge du patient est modifiée. Le choix se porte sur d’autres antibiotiques capables de guérir les infections du cœur et des os, et le traitement est prolongé de plusieurs semaines. Les valves de son cœur, qui ont été abîmées par l’infection, sont opérées ; pendant plusieurs semaines, le patient porte un corset, ce qui permet à ses vertèbres de se consolider.

Les infectiologues, des spécialistes qu’on croise rarement

Qui a déjà croisé, dans sa vie de patient, un médecin infectiologue, ou un spécialiste en maladies infectieuses ? Cela se produit rarement, car ils exercent le plus souvent à l’hôpital, et sont en petit nombre en France. Les infectiologues ont une activité variée et s’occupent par exemple de patients atteints de septicémie, de méningite, d’infections des os, du cœur, des poumons, de maladies tropicales. Ils suivent aussi des personnes vivant avec le VIH, et sont en première ligne en cas d’épidémies comme Ebola.

La discipline des maladies infectieuses et tropicales est devenue une spécialité médicale à part entière cette année seulement dans notre pays. Auparavant c’était une sur-spécialité, c’est-à-dire un diplôme complémentaire obtenu en plus d’une spécialité médicale. Elle apparaît déjà comme la spécialité la plus prisée par les futurs internes en médecine, témoignant de son attractivité.

The ConversationEn négligeant le financement adéquat d’équipes spéciales contre le phénomène de résistance des bactéries, on se trompe de stratégie dans la préservation de nos capacités à combattre les bactéries à l’échelle mondiale. On mise sur les nouveaux antibiotiques pour nous tirer d’affaire face à l’émergence de bactéries résistantes, mais ils ne sont pas la solution miracle. Il faut également s’efforcer d’utiliser et d’optimiser du mieux possible nos ressources actuelles, comme les équipes spéciales et les « vieux » antibiotiques connus de longue date. Pour prendre une image, nous agissons actuellement comme si l’humanité misait tout son avenir sur l’idée d’aller habiter sur Mars. Et si on se préoccupait d’abord de l’état de santé de notre planète Terre ?

Céline Pulcini, Professeur de médecine, infectiologue, Université de Lorraine

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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