L’auteur de vidéos dénonçant les relations malsaines entre élus et promoteurs de Moselle, était poursuivi pour « atteinte à la vie privée et au droit à l’image » par Stéphane Noël. Ce dernier n’a pas apprécié la publication des images de son anniversaire à Marrakech.
C’est un jugement particulièrement motivé de 9 pages qu’a rendu ce 13 novembre 2023 la chambre civile du tribunal judiciaire de Thionville par lequel le promoteur et homme d’affaires Stéphane Noël est débouté de toutes ses demandes. Il est même condamné aux dépens, c’est-à-dire à verser à Yan Rutili, la somme de 1500 euros sur le fondement l’article 700 du Code de procédure civile. La semaine dernière, la plainte d’une autre promoteur a été jugée irrecevable.
Cette fois-ci, le tribunal considère que le plaignant aurait dû viser la diffamation et non le droit à l’image. Il écrit : « Il ressort que les deux vidéos litigieuses s’inscrivent dans une série de vidéos réalisées par M. Yan Rutili dans le but de dénoncer l’existence de collusion, voire de corruption entre les acteurs du BTP du secteur de Thionville, en particulier M. Stéphane Noël, promoteur immobilier et certains élus locaux. »
« En échange de remerciement… »
Un peu plus loin, on lit : « Il apparaît que les séquences problématiques ont été choisies pour illustrer la thèse générale de M. Rutili, à savoir que certains élus locaux, en particulier Mme Véronique Schmit, première adjointe au maire de Thionville, aurait bénéficié du train de vie fastueux du promoteur immobilier, en particulier à l’occasion de son 50ᵉ anniversaire célébré à grands fastes durant trois jours à Marrakech, en échange ou en remerciement de leur soutien, voire de l’attribution de marchés. »
Autrement dit, les vidéos ne sont pas destinées à jouer les voyeurs, mais à démontrer qu’il existe bel et bien des relations malsaines entre certains élus et certains promoteurs. Stéphane Noël aurait dû poursuivre pour diffamation, pas pour atteinte à la vie privée.
L’anniversaire à Marrakech
« C’est une magnifique victoire judiciaire » se félicite Me Vincent Poudampa, avocat de Yan Rutili.
Il faut dire que Yan Rutili, le lanceur d’alerte et élu d’opposition de Thionville, n’a pas joué petits bras. Au printemps dernier, il a fait trembler la Moselle, en publiant une série de vidéos explosives intitulées #ThionviLeaks (fuite de documents). Il y était question de favoritisme, de marchés truqués et autres tricheries avec l’argent du contribuable.
Dans une première vidéo, Yan Rutili annonce la couleur : Bienvenue à Thionville, à 20 km du Luxembourg, deuxième ville de Moselle, où les loyers sont très élevés. « C’est ici qu’un promoteur immobilier a pris le pouvoir » dit-il tout de go. Il s’agit de Stéphane Noël, patron de la société Habiter Promotion.
Dans une deuxième vidéo intitulée « Voyage à Marrakech » Yan Rutili brosse à grands coups de crayon le portrait de Stéphane Noël, ce promoteur thionvillois amateur de voitures de luxe, d’appartements prestigieux, de bons vins et de jolies filles. Il évoque ses nombreuses relations d’affaires parmi les décideurs économiques et les élus, de Thionville, de Metz, du Grand-Duché et d’ailleurs.
En témoigne ce voyage de trois jours à Marrakech, en décembre 2018. Une centaine d’invités pour fêter son cinquantième anniversaire. Avec du beau monde : chefs d’entreprise, architectes, banquiers, assureurs et, bien sûr, des élus dont la première adjointe au maire de Thionville, Véronique Schmit, l’adjoint à l’urbanisme de la ville de Metz, à l’époque, Richard Lioger et quelques autres.
Des plaintes à la JIRS Nancy et au PNF
Il faut dire que les #ThionviLeaks n’ont pas surpris beaucoup de monde en Moselle. Depuis plusieurs années déjà, une odeur malodorante flotte le long de la Moselle. Des rumeurs malsaines circulent dans les loges VIP des clubs sportifs, s’immiscent dans les discrètes loges maçonniques, s’invitent à la table des grands restaurants, alimentent les débats des conseils municipaux, animent les controverses dans les estaminets, nourrissent les querelles de familles dans les chaumières. Depuis longtemps déjà, les ‘’affaires’’ thionvilloises sont de toutes les conversations.
Un promoteur de la place, René Hombourger, fin connaisseur du microcosme thionvillois a déposé plusieurs plaintes dans lesquelles il dénonce une kyrielle d’anomalies dans l’attribution des marchés.
Plusieurs plaintes ont été déposées, notamment à la JIRS de Nancy et au Parquet National Financier (PNF) déposée par l’association anticorruption A-C !!
L’affaire des ThionviLeaks pourrait encore révéler de grosses surprises.