Accusé d’avoir tué Ghislaine Marchal le 24 juin 1991, le jardinier de la riche veuve d’un industriel de Mougins, dans le Var, a écopé de 18 ans de réclusion. Des prélèvements ADN appartenant à quatre hommes, mais pas Omar Raddad, viennent d’être retrouvés sur les scellés.
Tout le monde se souvient de ces mots écrits en lettres de sang par une vieille dame : « Omar m’a tuer ». La France s’est passionnée pour cette affaire judiciaire hors norme. Elle éclate le 24 juin 1991 lorsque la riche veuve, Ghislaine Marchal, 65 ans, est retrouvée dans sa cave, baignant dans son sang. Elle a été tuée à coups de couteau. Mais avant de mourir, elle a eu le temps de désigner son assassin avec son propre sang.
Au terme d’une trop rapide enquête de gendarmerie, le coupable est vite désigné. Il s’agirait du jardinier de la riche dame puisqu’il s’appelle Omar Raddad.
Ce jeune père de famille d’origine marocaine a souvent demandé des avances sur salaire à sa patronne. Parce qu’il a un vilain défaut : il joue aux courses de chevaux. Trois jours après les faits, Omar Raddad est présenté au juge d’instruction, Jean-Paul Renard. Omar est « inculpé » comme disait alors, d’homicide volontaire et écroué. Une enquête rondement menée.
Trop sans doute. Car, du fond de sa cellule, Omar hurle son innocence. Mais il a contre lui ces terribles accusations de la victime. Mais aussi celle de graphologues qui affirment que les inscriptions sont bien de la main de la victime. Circulez, il n’y a rien à voir !
18 ans de réclusion !
En janvier 1994, s’ouvre le procès devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Malgré la qualité de ses avocats, Mes Georges Girard, Gérard Baudoux et Jacques Vergès, Omar Raddad est condamné à 18 ans de réclusion criminelle. Un an plus tard, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par ses avocats. L’affaire est terminée.
Pourtant, l’opinion publique n’est pas convaincue de la culpabilité du jardinier marocain. Trop facile. La presse s’empare de l’affaire et publie plusieurs contre-enquêtes qui jette le doute.
On comprend mal que cette femme férue de mots croisés ait fait une faute d’orthographe aussi grossière. On comprend mal pourquoi les gendarmes n’ont pas poussé plus loin leurs investigations, pourquoi ils n’ont pas fait développer des photos qui se trouvaient dans les tiroirs.
L’emploi du temps du jardinier colle assez mal avec les faits. Bref, toute l’histoire semble être construite de bric et de broc.
La grâce de Chirac
En mai1996, le roi du Maroc s’émeut lui aussi de cette condamnation un peu rapide de l’un de ses sujets. Il demande la clémence pour Omar Raddad en échange d’un geste en faveur d’un Français détenu dans les geôles du régime chérifien. Jacques Chirac, alors président de la République, accord une grâce partielle à Raddad. La peine est réduite de 4 ans et 8 mois.
Compte te nu de son comportement irréprochable en prison, Omar Raddad est libéré le 4 septembre 1998.
Face à la détermination des avocats d’Omar Raddad, la Commission de révision ordonne, en février 2002, de nouvelles investigations. Mais la Cour de révision refuse, en novembre, un deuxième procès.
Des traces d’ADN
L’affaire se serait définitivement enlisée sans l’opiniâtreté de la nouvelle avocate du jardinier, Me Noaschovitch qui réclame un profil génétique à partir des traces ADN retrouvées mélangées au sang de Ghislaine Marchal.
Dès 1994 on savait bien qu’il y avait des traces d’ADN masculins sur les scellés. Mais la justice avait alors considéré que ces traces « n’étaient pas de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de l’accusé ».
C’est sur le fondement d’une nouvelle loi que l’avocate Me Sylvie Noaschovitch a demandé et obtenu en 2014 de nouvelles expertises sur les scellés, notamment deux portes et un chevron. Ainsi, vient-on d’apprendre que ces traces appartiennent à quatre hommes et qu’elles ne correspondent pas à l’ADN d’Omar Raddad. Bien évidemment, cela ne saurait suffire à disculper totalement le jardinier. Mais il serait quand même intéressant de savoir à qui elles appartiennent. Elles vont être comparées au fichier national des empreintes génétiques (FNAEG).
Mais à supposer qu’aucun nom ne puisse jamais être mis sur en face de ces traces ADN, un doute sérieux vient relancer scientifiquement l’affaire. Un doute qui devrait profiter à Omar Radda.
Marcel GAY