Utopia 56, l’association d’aide aux migrants, installe des tentes en plein Paris aux côtés d’une trentaine de jeunes à la rue pour obliger l’État à créer un dispositif d’hébergement pour jeunes migrants.
« Chaque nuit, depuis des années, des centaines de jeunes arrivés en France sans leurs parents, dorment à la rue faute d’hébergement, dénonce l’association Utopia 56. Pour eux, des filles comme des garçons, l’État fait le choix de ne pas reconnaître leur minorité. Pour mettre fin à l’errance de ces jeunes, partout en France, nous demandons la création de structures d’accompagnement et d’hébergement adaptées. »
Et, pour bien se faire entendre, l’association d’aide aux migrants a décidé, dès ce samedi 28 mai 2022, d’installer des tentes place de la Bastille, à Paris, aux côtés d’une trentaine de jeunes actuellement à la rue.
Du Mali, d’Afghanistan, de Libye…
Chaque jour, les bénévoles d’Utopia 56 se relaient devant le dispositif d’évaluation de la minorité (Demie) au niveau du métro Couronnes à Paris afin d’orienter celles et ceux qui sont « refoulé (e)s », ajoute Utopia 56. Ces dispositifs existent dans chaque département, parfois gérés par des associations mandatées comme La Croix rouge ou France Terre d’asile, parfois par l’État et les services de l’aide sociale à l’enfance.
Ils viennent du Mali, du Bangladesh, de Côte d’Ivoire, d’Afghanistan et d’ailleurs. Ils ont traversé, souvent seuls, le Sahara, la Libye, la Méditerranée, parfois pendant des années, avant d’arriver en France avec l’espoir de pouvoir étudier et grandir librement. Des parcours déjà traumatiques auxquels s’ajoute la violence de l’accueil : « Vos propos concernant votre famille sont insuffisants pour permettre de les rattacher à l’âge que vous déclarez. » Justification souvent avancée par le dispositif d’évaluation. Adama sera finalement reconnu mineur 9 mois plus tard, après avoir passé tout ce temps à la rue.
Avec de nombreuses associations à travers la France, Utopia 56 est quotidiennement mobilisée afin de leur venir en aide et initier une procédure de recours devant le juge des enfants dans le but d’établir leur minorité. Parmi les jeunes accompagnés par Utopia 56 à Paris, environ 65% d’entre eux ont finalement été reconnus mineurs en 2021 après avoir déjà passé plusieurs mois à la rue. En 2021, au sein de nos 8 antennes en France, les équipes d’Utopia 56 ont accompagné plus de 500 jeunes.
Une politique anti-campement
« L’État français construit sa politique de dissuasion migratoire autour du passage par la rue. Elle abandonne et maltraite ainsi quotidiennement ces enfants, avec l’espoir sadique de faire passer un message » affirme Pierre Mathurin, coordinateur d’Utopia 56 Paris.
À cette réalité de rue, s’ajoutent la solitude et le harcèlement auxquels ces jeunes doivent faire face quotidiennement. À Paris, une politique anti-campement, initiée par le préfet de police Didier Lallement, pousse chaque soir ces jeunes à l’errance, en quête d’un espace où ils pourront installer leur tente sans être délogés.
Suite à une saisine de 5 organisations, dont Utopia 56, auprès du comité des droits de l’enfant de l’ONU, une enquête a été ouverte. Elle a vocation à établir la réalité sur le traitement des mineurs isolés par la France déjà plusieurs fois condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour ses manquements.
La présomption de minorité
Place de la Bastille, Utopia 56 demande l’hébergement et l’accompagnement social de l’ensemble de ces jeunes, la reconnaissance et le respect de la présomption de minorité, de l’intérêt supérieur de l’enfant et du droit au recours effectif, partout en France, jusqu’à décision contraire du juge des enfants. En 2017, Emmanuel Macron avait promis la fin de la rue et de l’errance, cette réalité se joue maintenant.
Après deux refus de la préfecture de Police de Paris, l’association a enfin pu, au moyen d’un recours au tribunal administratif, mettre en place ce dispositif pour porter la voix de ces jeunes laissés en errance par l’État.