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Omar Raddad : La piste volontairement écartée

Le plus grand scandale judiciaire du 20ᵉ siècle est-il en passe d’être résolu ? C’est ce que souhaitent les avocats du jardinier marocain qui évoquent de nouvelles traces ADN et une enquête mystérieusement abandonnée. « On a les noms, qu’est-ce qu’on attend pour comparer les ADN, demande l’ancien magistrat Georges Fenech. On ne peut pas en rester là ».

Omar Raddad
Yann Caradec, CC BY-SA 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0>, via Wikimedia Commons

Me Sylvie Noachovitch, l’avocate du jardinier marocain Omar Raddad âgé aujourd’hui de 59 ans, va plaider cet après-midi, devant la commission d’instruction de la cour de révision au Palais de justice de Paris. Elle entend demander la révision du procès en raison de nouveaux éléments apparus dans le dossier.
D’abord, 35 traces d’ADN qui ne sont pas celles du jardinier. Or, cet ADN est mélangé au sang de la victime dans l’inscription « Omar m’a tuer ». Et il ne s’agit pas d’une « pollution » provoquée par les nombreuses manipulations dues à l’enquête.
Ensuite, on apprend qu’une enquête de gendarmerie a été curieusement abandonnée, au début des années 2.000 qui orientait ses soupçons vers une équipe de voyous de Nice. Et plus précisément vers deux frères. Ils auraient entrepris un cambriolage qui aurait mal tourné. Quatre gendarmes, hauts gradés, souhaitent être entendus dans cette affaire.

L’enquête trop vite bouclée

L’affaire Omar Radda remonte au 23 juin 1991 lorsque Ghislaine Marchal, 65 ans, est retrouvé morte dans la cave de sa propriété de Mougins, dans le Var. Elle a été sauvagement tuée à coups de couteau. Mais avant de mourir, elle a écrit sur une porte de la cave, avec son propre sang « Omar m’a tuer ».
Omar, c’était son jardinier. L’enquête s’oriente évidemment vers ce jeune père de famille, d’origine marocaine, qui a un vilain défaut : il joue aux courses de chevaux. Et, de temps en temps, il demande de l’argent à sa patronne pour finir les fins de mois.
Ce qui intrigue cependant, c’est la faute d’orthographe. Amoureuse de la langue française, Ghislaine Marchal ne faisait aucune faute d’orthographe. Elle était passionnée de mots-croisés. Mais surtout, une personne toujours en vie [même si elle est agonisante] n’écrit pas qu’elle est déjà morte.
L’enquête a été un peu rapidement bouclée. Omar Raddad a été présenté au juge Jean-Paul Renard, inculpé, comme on disait alors et écroué. Mais il a toujours nié être l’auteur de ce meurtre.

Des traces d’ADN sur les scellés

L’affaire a défrayé la chronique pendant des années. Trois ans plus tard, le jardinier est condamné à 18 ans de réclusion criminelle. Mais personne n’est satisfait de cette décision.
En 1996, le roi du Maroc s’émeut de la situation de ce jardinier et obtient de Jacques Chirac, alors président de la République, une grâce partielle. Omar Raddad est libéré le 4 septembre 1998. Mais il réclame un nouveau procès.
En 2002, la commission de révision ordonne de nouvelles investigations. Mais finalement, elle refusera un nouveau procès.
Pourtant, de nouvelles expertises ADN sont effectuées sur deux portes et un chevron sur lesquels on a trouvé du sang de la victime. Les experts émettent de sérieux doutes sur l’identité de l’auteur de l’inscription. D’autant que des traces appartenant à quatre hommes différents sont identifiées sur les scellés. Aucune n’appartient à Omar Raddad.

L’enquête abandonnée

Mais c’est une expertise de 2019 qui pourrait changer la donne. En effet, un expert a relevé 35 traces d’un seul et même ADN masculin sur l’une des deux inscriptions « Omar m’a t ». Et ce n’est pas celui du jardinier. Petite précision cruciale, ces empreintes génétiques auraient été déposées au moment du meurtre et non pas, comme on l’avait cru initialement, lors d’une « contamination » après les faits.
Plus curieux, cette enquête effectuée par trois journalistes qui publieront un livre « Ministère de l’injustice ». Ils révèlent qu’une femme, voulant sans doute soulager sa conscience, est allée voir les enquêteurs en 2002. Elle les met sur la piste d’un cambriolage qui aurait mal tourné. Elle donne suffisamment d’éléments pour que les gendarmes soupçonnent une équipe de malfaiteurs du grand banditisme niçois, dont deux frères bien connus de la police et de la justice.

« Nous avons les noms »

L’ancien magistrat Georges Fenech, expert de l’affaire Omar Raddad, s’étonne sur CNews que cette enquête ait disparu. Il précise que les PV ont été retrouvés dans les archives personnelles de gendarmes. Et que « quatre hauts gradés de la gendarmerie, un lieutenant-colonel et trois capitaines demandent à être entendus par la cour de révision ».
Georges Fenech ajoute à propos des suspects : « Nous avons les noms. Ils sont toujours en vie. Qu’est-ce qu’on attend pour comparer leur ADN avec les ADN inconnus. On ne peut pas en rester là ».
Voilà de quoi jeter le trouble sur l’accusation, un peu rapide, du jardinier marocain. Un procès en révision permettra, peut-être, d’innocenter enfin Omar Raddad.
D.H. Ce jeudi 19 mai, un supplément d’information a été ordonné à Paris par la commission d’instruction de la cour de révision. Un renvoi est fixé au 15 septembre prochain.

 

L’affaire Omar Raddad relancée par la science

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