Le scrutin du 10 avril 2022 est plein d’enseignements sur la politique française. Derniers chiffres et premiers commentaires.
Les résultats du premier tour de la présidentielle, ce dimanche, ressemblent à un champ de bataille, avec ses vainqueurs et ses vaincus, ses morts et ses blessés. Mais, déjà, il faut fourbir les armes en vue du second tour, le 24 avril.
Si Emmanuel Macron (27,60%) sort vainqueur du premier round, Marine Le Pen (23,41%) arrive en deuxième position pour disputer la revanche dont elle rêve depuis 2017. Elle est talonnée par Jean-Luc Mélenchon (21,95%) qui a recueilli sur son nom pratiquement toutes les voix de gauche. Les neuf autres candidats sont distancés, aucun d’eux ne franchit la barre des 10% et seul Eric Zemmour dépasse celle des 5% lui permettant un remboursement des frais de campagne.
La fin d’une époque
Les chiffres sont cruels. Valérie Pécresse plafonne à 4,79%. Elle va donc laisser une lourde ardoise aux Républicains : 7 millions d’euros ! Le parti ne s’en remettra pas de sitôt. La droite dite républicaine est laminée par une candidate médiocre qui a mené une campagne médiocre. C’est la fin d’une époque, celle des héritiers du général de Gaulle.
Yannick Jadot (4,58) fait la démonstration que « l’écologie », notion encore un peu floue, n’imprime pas dans l’opinion publique, plus préoccupée par les problèmes de fin de mois que de fin du monde. L’écologie, c’est bien quand tout va bien. C’est fait pour les riches, pas pour les pauvres.
Jean Lassalle parvient, mine de rien, à récolter 3,16% des suffrages. On sait bien que pour beaucoup de Français, le Béarnais représente un vote protestataire, quand on ne veut pas voter pour la droite ou pour la gauche, mais que l’on veut voter malgré tout. En tout cas, il fait mieux que Fabien Roussel (2,31%), le communiste, que Nicolas Dupont-Aignan (2,07%) et surtout qu’Anne Hidalgo (1,74%) qui sonne le glas du parti socialiste. C’est une humiliation personnelle pour la maire de Paris, une raclée monumentale pour le Parti socialiste qui ne pourra sans doute pas s’en relever.
Quant aux deux derniers candidats, Philippe Poutou (0,77%) et Nathalie Arthaud (0,57%), ils n’espéraient rien. Mais leur faible score montre que leurs adhérents ont voté utile dès le premier tour en votant Mélenchon.
La France coupée en trois
Au soir du 10 avril, on assiste donc à une recomposition de la vie politique française autour de trois grands pôles.
- La droite macroniste d’Emmanuel Macron, faite d’anciens socialistes et d’anciens gaullistes, de jeunes intellos issus des grandes écoles, de premiers de cordée allant à la conquête du monde, sur le modèle américain. Mais laissant sur le bord du chemin les derniers de cordée, tous ceux qui n’ont pas les moyens de suivre cette évolution de la société. Emmanuel Macron n’a pas compris le mouvement des Gilets jaunes.
- La droite pure et dure, celle du Rassemblement national de Marine Le Pen, plus policée que celle de Jean-Marie Le Pen, plus tournée vers le peuple, défendant l’idée d’une France indépendante des lobbies, notamment américains. Antisystème, anti-européenne, anti-mondialiste, anti-immigration incontrôlée, le Rassemblement national combat l’idéologie islamiste, rejoignant ainsi les idées d’Eric Zemmour.
- La gauche radicale, incarnée par Jean-Luc Mélenchon, est née de l’effondrement total du parti socialiste (en 2017 et en 2022) et du Parti communiste ramené à 2,30%. Cette gauche radicale se bat à la fois contre le macronisme et contre la droite extrême de Le Pen avec laquelle elle fait presque jeu égal.
Le 24 avril, le duel Macron/Le Pen reste incertain. Mais ces trois composantes de la vie politique française s’affronteront aux législatives qui suivront la présidentielle. Et il y a fort à parier que l’Assemblée nationale ne ressemblera pas à l’armée de godillots de la précédente législature.
La vie politique française rentre dans une nouvelle ère.