Alors que les affections à transmission respiratoire comme les bronchiolites et la grippe sont contenues, la COVID-19 poursuit sa route malgré le port généralisé du masque. L’hygiène des mains est sans aucun doute très perfectible : un collectif citoyen lance le Réseau d’Observateurs de l’Hygiène des Mains (ROHM) à visée ludique et informative via un questionnaire en ligne : questionnaire.
Entretien avec le Dr Jean-Michel Wendling, pilote du projet et consultant scientifique pour infodujour.
-D’où vient cette idée de mettre en place un réseau d’observateurs ?
Jean-Michel Wendling – On constate quotidiennement sur l’espace public (les transports en commun, les commerces, les administrations…) que les gens touchent une multitude de surfaces. Les études publiées ont montré une bio persistance du virus inédite sur les mains (9 heures), sur les surfaces et même sur certains aliments. Ainsi, il nous a semblé important que le lavage des mains prévu comme obligatoire depuis le 26 novembre avant de pénétrer dans un commerce alimentaire soit évalué. L’idée est de s’appuyer sur un réseau d’observateurs, à la fois des commerçants ou/et des clients. L’objectif est d’observer, mesurer, sensibiliser et progresser tous ensemble. Nous ne voulons pas être dans le contrôle mais bien la sensibilisation et la pédagogie. Les informations venant de l’observateur et du commerce alimentaire observé sont complètement anonymes. La bienveillance est le mot d’ordre : pas de stigmatisation, juste de l’observation.
-Cette démarche se veut-elle scientifique et fera-t-elle l’objet de publications ?
JMW : Non pas du tout, c’est une démarche citoyenne plutôt qui se veut ludique et pédagogique tout en ayant pour objectifs de faire connaître et de faire progresser. Pour faire connaître, nous nous appuierons sur les réseaux sociaux et les institutions privées ou publiques qui souhaitent contribuer. Chaque semaine, une petite photographie des observations sur la France entière sera produite à visée informative. Nous espérons une amélioration des pratiques au fil du temps. Nous avons cependant déjà pris contact avec certains Cpias régionaux, le réseau de prévention des infections qui se sont dit très intéressés. Le Dr Pierre PARNEIX, responsable du Cpias Nouvelle Aquitaine et pilote du projet MATIS, a accepté de nous soutenir et de parrainer le projet.
-Parmi les mesures barrières, l’hygiène des mains vous semble-t-elle être LE point faible en France ?
JMW – Actuellement le port du masque sur l’espace public est acquis. Il est indispensable pour éviter de postillonner sur les surfaces (notamment en parlant) et particulièrement sur la chaîne alimentaire, nous en avions parlé dans un article d’IDJ de novembre 2020. Concernant l’hygiène des mains, par rapport au confinement de mars, le respect des consignes était en fort retrait selon la récente enquête IFOP*. Les Français étaient ainsi seulement 77% à se laver systématiquement les mains après les WC, 65% avant de passer à table et 37% après s’être mouchés… de quoi largement progresser.
Ce moindre respect des règles de base en matière d’hygiène des mains affectait particulièrement les jeunes : – 28 points chez les moins de 25 ans en ce qui concerne le lavage des mains avant de passer à table.
-L’idée est de faire un focus dans un endroit sensible qu’est le commerce alimentaire ?
JMW- Absolument, en tant que clients, nous touchons les poignées des caddies, les écrans tactiles des balances fruits et légumes, le lecteur CB… . Nous ouvrons et fermons les portes des mobiliers des rayons frais. Nous avons tous l’habitude de toucher des articles, de les reposer et ceci particulièrement au rayon fruits et légumes pour par exemple évaluer leur qualité visuelle (tomates, concombres…) ou leur maturité (kiwi, avocat…).
Une équipe de chercheurs du NFVRC (National Food Virology Reference Center) a examiné la bio-persistance du virus sur différents produits frais (tomates, pommes concombres). Aucun virus infectieux n’a été détecté au-delà de 24h sur pommes et tomates, tandis que le virus persistait sous forme infectieuse durant 72 heures sur les concombres selon ces auteurs. Il est donc essentiel que les gens aient les mains propres avant de toucher. Bien qu’aucune preuve actuelle ne soit confirmée sur le risque alimentaire, il nous semble qu’il vaut mieux prévenir.
Début novembre, Wu Guizhen, dans un article d’asiatimes, l’expert en chef de la biosécurité du CDC de Chine a déclaré qu’il était peut-être temps de « prendre en compte de nouvelles voies »
L’ANSES de son côté estime que les emballages peuvent avoir été souillés par les mains lors de leur manipulation par une personne infectée (via les mains, éternuements…). Elle recommande de retirer chez soi les emballages (ex : carton des yaourts) avant de les ranger et de simplement se laver les mains après.
L’ANSES et le HCSP recommandent avant de consommer les fruits et légumes (ou de les cuisiner) de bien les laver à l’eau potable. Quand cela est possible de peler les fruits et légumes consommés crus.
Enfin, une étude rétrospective espagnole interrogeant les habitudes durant le confinement montre que la pratique de désinfection des articles venant du marché réduirait le risque de 94 %. Des résultats qui prouvent selon eux que « les mesures d’hygiène et de prévention mises en œuvre dans les supermarchés espagnols ont été efficaces », et qui « suggèrent en outre certaines faiblesses dans le maintien de la chaîne d’hygiène ».
-Concrètement, comment participer au réseau citoyen d’observateurs de l’hygiène des mains ?
JMW- Pour contribuer et devenir Observateur du ROHM, il suffit d’ajouter à l’écran d’accueil de son smartphone l’outil, le renseigner ponctuellement ou régulièrement (durée maximum 1 mn) : questionnaire
Ce questionnaire a été élaboré par un collectif citoyen incluant des hospitaliers, des médecins, des infirmiers, des statisticiens, des épidémiologistes, des préventeurs que je fédère en tant que membre du comité scientifique et citoyen de la ville de Strasbourg (C4S). Nous comptons sur la mobilisation de tous, commerçants, clients afin de progresser et montrer qu’il est possible de maîtriser mieux le risque comme y arrivent certains pays asiatiques (Japon, Corée du sud, Singapour), la Norvège ou le Sénégal par exemple.
Le projet a la chance d’être parrainé par Dr Pierre PARNEIX, Praticien Hospitalier en Hygiène et Santé Publique du CHU de Bordeaux, responsable du CPias Nouvelle Aquitaine.
Ensemble, on va loin ! Observons et sensibilisons !
*Étude Ifop pour Unbottled réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 6 au 7 octobre 2020 auprès d’un échantillon de 1 014 personnes, représentatif de la population âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine