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L’hygiène des mains restera la meilleure arme anti-Covid !

A l’occasion de la Journée Mondiale du lavage des mains, ce mercredi, rappelons que de gros progrès restent à faire, notamment au pays de Pasteur, pour lutter contre les virus. Petit histoire de l’hygiène et résultats édifiants de plusieurs études scientifiques.

Jean-Michel Wendling
Dr Jean-Michel Wendling (DR)

 Par Jean-Michel Wendling*

Un peu d’histoire

Au XVIIIe siècle, on pense généralement que les maladies sont provoquées par un désordre des humeurs. Une explication qui ne convainc pas le chirurgien lyonnais Claude Pouteau (1724-1775). Constatant que ses patients risquent de développer la gangrène, il n’a de cesse de se demander : « Les hôpitaux seraient-ils donc plus pernicieux qu’utiles à l’humanité ? »
Après plusieurs expériences, il arrive à une conclusion : l’infection se fait par les pansements souvent réutilisés d’un malade à l’autre. Il met en place une série de mesures préventives : fabrication de pansements hors de l’hôpital -ne pas opérer plusieurs patients à la suite- les chirurgiens doivent se laver les mains. Bien que les résultats soient probants, ses pratiques disparaissent avec lui.

La découverte des microbes

Ignace Semmelweis (1818- 1865), un obstétricien hongrois, un siècle plus tard, a permis de réduire drastiquement le taux de mortalité dans les maternités en imposant le lavage des mains. Dans l’hôpital de Vienne où il officie, il y a deux maternités : dans l’une d’elles 3% de femmes meurent en couche; dans l’autre… 10 à 40%! Semmelweis propose que soient échangés les sages-femmes du second pavillon avec les apprentis médecins du premier. Résultat : on meurt désormais moins.
La différence ? Dans la maternité qui enregistre le plus de décès de fièvre puerpérale, les étudiants en médecine qui réalisent les accouchements dissèquent aussi des cadavres. Comprenant que c’est la cause des infections, il impose alors le lavage des mains avant chaque opération, ce qui permet de réduire le risque. Cette observation amène Semmelweis à l’évidence : des « particules » invisibles mais très odorantes, présentes sur les cadavres sont à l’origine de ces morts. Semmelweis a découvert sans le savoir les microbes (mot inventé plus tard en 1878).

Pasteur : le lien entre infections et hygiène

Quelques années plus tard, les découvertes de Louis Pasteur sur les microbes permettent de prouver scientifiquement le lien entre infection et hygiène. Alors que Pasteur devient célèbre, Semmelweis lui, tombe dans l’oubli. Mais son génie est reconnu au début du XXe siècle par Céline. L’écrivain-médecin lui rend hommage dans sa thèse car il souhaite réhabiliter : « un très grand cœur et un grand génie médical ».
À partir de Pasteur s’opère une vraie rupture dans les pratiques d’hygiène.
En quelques décennies, le lavage des mains réservé au monde chirurgical s’étend au quotidien de tous, favorisé par l’émergence de nouvelles technologies : l’eau courante et les robinets permettent ainsi au plus grand nombre d’accéder à de l’eau saine. En parallèle, de grandes campagnes de sensibilisation de santé publique insistent sur l’importance des pratiques d’hygiènes pour la santé. Depuis, un nombre incalculable de personnes ont été sauvées grâce à ce procédé très simple. Aujourd’hui encore, l’OMS estime que, chaque année, 5 à 8 millions de vies pourraient être sauvées avec une meilleure hygiène.
La mise en œuvre des recommandations de Semmelweis et le tournant pris grâce à Pasteur ont entraîné dès le milieu du XIXe siècle la chute de la mortalité infantile et l’allongement de l’espérance de vie.

Et aujourd’hui, qu’en est-il en pleine épidémie Covid ?

La France, pays de Pasteur, est un mauvais élève avec la 50ème place sur 63 au rang mondial en 2015. En pleine épidémie, le respect des consignes est en fort recul selon une enquête IFOP entre mars et octobre 2020 : Les Français ne sont ainsi que 37% à se laver systématiquement les mains après s’être mouchés, 77% après les WC … alors qu’on sait le virus dans les selles et le nez….
Sur l’espace public, seuls 4 clients sur 10 se désinfectent les mains en entrant dans un commerce alimentaire malgré l’obligation de novembre 2020 selon le ROHM (Réseau des Observateurs de l’Hygiène des Mains). L’hygiène des mains est pourtant considérée comme l’une des mesures les plus efficaces pour la prévention des maladies transmissibles.

98% de réduction de risque associé : le bon moment !

Il n’existait encore que peu de preuves concernant l’hygiène des mains dans la prévention des infections individuelles au COVID-19. Une étude cas-témoins publiée le 29 avril 2021 de l’Académie de Médecine de Macao et du CDC chinois montre un énorme bénéfice associé. Ces chercheurs montrent que la pratique du lavage des mains notamment après les activités de plein air et avant de se toucher la bouche / le nez réduit le risque d’infection respectivement de 97,9 % et 69,7%.
Selon les auteurs, l’utilisation incorrecte des masques par le contact main souillée-masque lors du repositionnement permanent peut conduire à la colonisation virale et à l’auto-contamination. En effet, une étude publiée en milieu hospitalier a montré 10% de masques contaminés sur leur surface externe. Pourtant, 95,1% des personnes reconnaissaient l’importance de l’hygiène des mains autour de l’utilisation d’un masque.

Plus que la fréquence de lavage, le moment !

Les auteurs de cette étude insistent sur le fait que le facteur de protection le plus important pour la COVID-19 n’était pas la fréquence du lavage des mains mais son moment (en revenant chez soi après une activité extérieure, avant de manipuler les aliments et de les cuisiner, avant le repas, après un éternuement ou une toux, avant de toucher la bouche ou les yeux …). A l’heure de la réouverture des terrasses extérieures, des repas partagés, le petit flacon de gel hydroalcoolique est plus que le bienvenu pour éviter de relancer l’épidémie. Soyons tous acteurs et mobilisés autour de l’hygiène des mains sans doute le point sur lequel il y a le plus de marge de progrès, le trou dans la raquette à combler !

*Le Dr Jean-Michel Wendling, spécialiste prévention santé au travail à Strasbourg, est consultant scientifique pour infodujour.fr.

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