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Coronavirus : la France bientôt placée sous bracelet électronique permanent ?

Point-de-vue. Le « tracking », ou si l’on préfère le « suivi » des individus via leur smartphone comme cela se pratique dans certains pays pour éviter les contacts entre malades, pose le problème des libertés individuelles.

Bernard Aubin, secrétaire général du syndicat First (Twitter)

Par Bernard Aubin

Limiter la propagation du virus. Le gouvernement pourrait ainsi justifier la mise en œuvre d’un système de suivi en temps réel des déplacements individuels. Pour ce faire, une application, plus ou moins intrusive, devrait être chargée sur nos smartphones. Du moins chez ceux qui en possèdent un. La question divise au sein même de la Majorité. Quid du respect de la vie privée ?

Au-delà des postures politiques qui opposent systématiquement les inconditionnels des libertés individuelles, ceux qui voient le mal partout, à d’autres, ceux qui le voit nulle-part, il serait judicieux d’examiner dès maintenant les conséquences probables d’une mise en œuvre, même balbutiante, d’un dispositif de « tracking ». D’autant plus que jusqu’à preuve du contraire, le confinement reste le meilleur moyen de lutte contre l’épidémie…

Dans cette trajectoire

Ce dispositif nécessite la possession d’un smartphone. Pour être efficace, TOUS les individus devraient en être dotés. Une contrainte qui rend la possession, l’utilisation et le port sur soi de cet appareil dès la sortie du domicile. Pas de smartphone, plus de sortie ? Sans le souhaiter vraiment, nous nous sommes déjà inscrits dans cette trajectoire. Le téléphone d’antan est devenu un outil de paiement, un code d’accès à certains lieux ou à des documents officiels, un billet d’avion, un ticket de train ou de bus…

Souvenons-nous qu’il y a quelques années, la déclaration de revenu se faisait exclusivement sur papier. Dans un second temps, les  » volontaires  » qui la complétaient sur Internet étaient gratifiés d’un crédit d’impôt de 20 euros. A ce jour, ce qui relevait d’un service supplémentaire est devenu une obligation incontournable. Idem pour de nombreuses prestations qui ne sont plus accessibles que sur le Net. Essayez d’acheter un billet de TGV OUIGO au guichet : impossible. Cette évolution, dont nous sommes les instigateurs inconscients, préfigure ce qui pourrait nous être imposés avec le « tracking » dès demain.

Le bluetooth

Les réflexions du gouvernement graviteraient pour le moment autour d’une application  » coronavirus  » utilisant une technologie de transmission de très courte portée (environ 10 mètres) : le Bluetooth. Une fois le dispositif en fonction, on serait alerté dès que l’on croise quelqu’un déclaré positif dans les quatorze jours suivant la rencontre. Mais à condition que lui aussi soit équipé en conséquence et que, surtout, il ait consenti à déclarer sa maladie via son téléphone…

De nombreuses conditions doivent donc être remplies pour que ce dispositif soit passablement efficace. Compter sur le « volontariat », comme envisagé, serait donc totalement illusoire. De plus, il serait souhaitable d’être prévenus à l’avance de la position de « foyers » de virus et d’anticiper au maximum la rencontre de personnes contaminées. Cela nécessiterait la constitution d’une base de données nationale, une transmission des données et une localisation en temps réel des individus. Nous en viendrions donc à franchir une nouvelle étape, rendant l’application plus intrusive et les obligations plus contraignantes.

Du volontariat à l’obligation

Une fois la barrière psychologique de l’installation d’une appli de « tracking » franchie, rien ne serait plus simple que d’inviter dans une second temps les « volontaires » à activer en permanence la transmission de données et le GPS pour les situer précisément sur le territoire national. Et nous y voilà : l’État serait en mesure de suivre en temps réel la position, mais aussi les activités de chacun d’entre-nous, à l’instar de Google lorsque nous avons autorisé ce prestataire à suivre et à enregistrer nos déplacements.

Ce qui relève un jour du volontariat évolue régulièrement vers une obligation le lendemain. D’ici quelque temps, nous pourrions TOUS être CONTRAINTS d’être possesseurs et porteurs permanents d’un smartphone, toutes fonctions activées en permanence. Condition à remplir dans un premier temps pour accéder à certains services ciblés, mais dans un second temps sésame indispensable à la satisfaction de nos besoins de la vie courante.

Des poumons aux neurones

L’informatique a rendu nos comptes en banque accessibles à de nombreux services d’Etat, avec toutes les conséquences que cela engendre. Certains employeurs pistent déjà leurs employés en temps réel. L’on peut imaginer l’exploitation qui pourrait être faite de nos déplacements, les restrictions ou obligations qui pourraient dès lors nous être imposées… Et surtout, les dérives qui pourraient se révéler au fil du temps. Pire encore en cas d’instabilité du pays.

Le coronavirus risque, si l’on y prend garde, de nous inviter à franchir une frontière intellectuelle qu’en temps normal nous n’aurions jamais dépassée. Il ne s’attaque pas qu’à nos poumons. Certains l’aident aussi à scléroser nos neurones. Ce n’est pas tant la mise en œuvre d’une application peu intrusive qui constitue un danger pour notre vie privée. C’est surtout le fait d’ouvrir, sans s’en rendre compte, ouvert la boite de Pandore qui demain autorisera le pistage et les et les pires dérives. A ce stade, tout retour en arrière ne sera plus possible.

La protection de nos libertés individuelles exige un combat sans concession contre toute perspective de mise en œuvre de géolocalisation individuelle en temps réel, pour quelque motif que ce soit. Sauf à consentir volontairement de nous placer, à terme, sous bracelets électroniques permanents…

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