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À Washington, tous derrière Donald Trump

Jean-Éric Branaa, Université Paris II Panthéon-Assas

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Donald Trump s’impose comme président (Photo credit: Gage Skidmore via VisualHunt / CC BY-SA)

Les parlementaires ont repris ce mardi le chemin du Capitole, à Washington, D.C. Pour la plupart d’entre eux, c’est déjà une routine : 83 % des sortants ont été réélus en novembre dernier à la Chambre des députés et même 93 % au Sénat ! Ils ne seront donc qu’un nombre très limité à déambuler, un peu perdus, en hésitant à travers les dédales des couloirs, les sous-sols qui permettent de passer d’une aile du bâtiment à l’autre, ou à chercher leur bureau, à l’extérieur, dans un immeuble adjacent : 52 sur 435 à la Chambre des représentants et 7 sénateurs seulement sur les 100 que compte la chambre haute.

On peut noter que les nouveaux sénateurs sont majoritairement des femmes : Kamala Harris pour la Californie, Tammy Duckworth pour l’Illinois, Maggie Hassan pour le New Hampshire et Catherine Cortez Masto pour le Nevada, même si cette constatation ne fait pas évoluer leur pourcentage, qui reste le même au milieu de tous ces hommes (21 % – 16 démocrates et 5 républicaines). Les trois nouveaux sénateurs sont Todd Young, John Neely Kennedy (tous deux républicains) et Chris Van Hollen (démocrate), représentants respectivement l’Indiana, la Louisiane et le Maryland.

Une première journée formelle

La journée de rentrée, et toute la semaine qui va suivre, va être dédiée à l’organisation technique et pratique, après une journée consacrée aux cérémonies d’investiture, serment des nouveaux et quelques discours. La première loi sera alors introduite à la Chambre sous la codification « HR1 » (House Resolution 1). Elle devrait porter sur un point du budget, en rapport avec l’Obamacare, la première cible des républicains. La loi pour supprimer cette mesure phare de l’administration Obama sera quant à elle introduite au Sénat.

Si le poste du président du Sénat est formellement défini par la Constitution – il s’agit du vice-président des États-Unis, Mike Pence –, il est dans les faits remplacé par le President pro tempore, le membre le plus âgé de l’assemblée, à savoir Orin Hatch, qui aura 83 ans le 22 mars prochain. À la Chambre des représentants, Paul Ryan a été logiquement reconduit dans ses fonctions par un nouveau vote, au cours duquel il a obtenu 239 voix.

Les principaux leaders ont déjà été élus pendant la transition. On retiendra les noms de Mitch McConnell, qui est le chef des républicains du Sénat et de Charles Schumer pour les démocrates. À la Chambre, le GOP (Grand Old Party) sera présidé par Kevin McCarthy et Nancy Pelosi continuera sa tâche à la tête des démocrates.

Cette première semaine sera également consacrée à la mise en place des différentes commissions qui constituent les assemblées, dont la puissante commission des Affaires étrangères du Sénat, qui influence grandement la politique extérieure du pays, à commencer par la confirmation du ministre qui en a la charge. L’optimisme et l’envie de bien faire semblent présents, ce qui est de bon augure : déjà, il a été proposé d’allonger la semaine de travail des parlementaires, pour la faire passer de quatre jours de travail par semaine à 5 jours.

Ce vendredi, le vice-président des États-Unis réunira les deux chambres et, devant tous les parlementaires rassemblés, comptera les voix du Collège électoral avant de proclamer officiellement le résultat de l’élection présidentielle américaine. Même si la portée est hautement symbolique, il s’agit toujours d’un grand moment.

La trumpisation du Congrès… malgré Trump

Ce qui va bouger pour les parlementaires américains, en revanche, c’est que le monde a totalement changé avec l’élection de Donald Trump, que pratiquement aucun d’entre eux n’avait anticipée. Pour la première fois de l’histoire des États-Unis, en effet, la majorité républicaine du Congrès et le locataire de la Maison-Blanche ont été élus sur des bases radicalement différentes : il n’y a eu aucune interférence entre ces deux scrutins et le 105e Congrès, qui vient de faire sa rentrée, n’aura jamais été aussi indépendant du Président que cette fois-ci.

Plus étonnant encore, la plupart des élus ont même fait campagne, à un moment ou à un autre, contre celui qui tentait de s’imposer à la tête de leur parti, certains s’investissant même dans un mouvement « _Never Trump _ » – « Jamais Trump » – qui n’a pas empêché le milliardaire new-yorkais de s’installer dans le Bureau ovale.

Le vice-président Mike Pence aura un rôle crucial auprès des parlementaires républicains.
Don Emmert/AFP

Le Parti et ce Congrès se sont pourtant rangés comme un seul homme derrière le président dès le 8 novembre, avec quelques notables exceptions d’anciens candidats à la présidence, tels que John McCain, Lindsey Graham, Rand Paul ou Marco Rubio, tous sénateurs.

Tous sont bien déterminés à suivre le nouveau locataire de la Maison-Blanche et à l’aider à mettre en musique son programme, le plus conservateur des cinquante dernières années puisqu’il a promis la fin de l’Obamacare, une réforme fiscale et une baisse des impôts pour les entreprises, la mise à bas de toutes ces régulations – en particulier environnementales – établies par le gouvernement précédent. Ils sont prêts à devenir de bons petits soldats et à voter comme un seul homme. Du moins pour le moment.

L’épreuve des confirmations

Premier test à cet égard, qu’il faudra scruter avec attention : la confirmation des nominations parfois controversées du Président. Le Congrès souhaite pouvoir régler le cas de la plupart d’entre elles avant l’investiture officielle, prévue le 20 janvier à midi. C’est donc sans attendre que les parlementaires vont se mettre au travail sur ces dossiers dès lundi prochain.

Les réserves sont pourtant très fortes, en particulier pour Rex Tillerson, nommé ministre des Affaires étrangères (Secrétaire d’État), et dont les liens personnels avec Vladimir Poutine ne sont un mystère pour personne. Tout comme pour Jeff Session, qui prend en charge la Justice et qui est connu pour des positions controversées, des propos racistes et une trop grande proximité avec des groupes extrémistes comme le Ku Klux Klan. Sans parler du général Flynn, qui trouve légitime que l’on se méfie des musulmans et s’est déclaré favorable à la torture dans la lutte contre le terrorisme. Tom Price, désigné à la Santé, pose également des problèmes à certains, tout comme quatre ou cinq autres choisis par le nouveau Président, que ce soit parce qu’ils ne correspondent pas au profil qui avait été annoncé ou parce que leurs positions peuvent disqualifier toute l’équipe.

Certains font aussi remarquer qu’il y a beaucoup de milliardaires, d’hommes issus de Wall Street et de généraux dans ce gouvernement. Il faudra aussi régler le cas du général Mattis, afin qu’il puisse déroger à la règle qui l’empêche d’accéder à un poste à responsabilité dans le civil moins de sept ans après avoir quitté ses fonctions dans l’armée. Le Congrès va même devoir adopter une loi spécifique pour l’autoriser à devenir le nouveau ministre de la Défense !

Changement de rôles

On peut relever, cependant, que le contrôle total des deux chambres et de la Maison-Blanche n’est pas ressenti comme un avantage par beaucoup, car les divergences l’emportent dans certains domaines. Et c’est vrai que les républicains ne sont pas tous d’accord sur des dossiers sensibles, comme la fin de l’Obamacare ou les relations avec les Russes. C’est une petite ouverture dans laquelle Charles Schumer et Nancy Pelosi pourraient bien se faufiler pour essayer de faire avancer leurs propres pions, en accentuant la zizanie, par exemple. Charles Schumer utilisera certainement sans retenue de la procédure du filibuster, une procédure d’obstruction parlementaire qui n’existe qu’au Sénat.

Nancy Pelosi, leader des démocrates à la Chambre des représentants.
Nancy Pelosi/Flickr, CC BY

Le Président Obama se rendra au Capitole ce mercredi pour rencontrer les démocrates et évaluer avec eux leur marge de manœuvre et leur nouveau rôle. Ils auront en effet fort à faire pour freiner le démantèlement de toutes les réalisations du Président sortant. Ce même jour, les républicains se réuniront à huis clos, en présence du Vice-Président Mike Pence, dont le rôle sera déterminant pour faire le lien entre le Congrès et le Président des États-Unis, notamment au vu de l’inexpérience de Donald Trump. C’est le rôle qu’avait déjà joué Dick Cheney auprès de George W. Bush. Très conservateur et très populaire, Mike Pence pourra apaiser les plus inquiets des parlementaires, surtout ceux qui ont une forte empreinte idéologique comme Paul Ryan. Pour d’autres, comme Marco Rubio, il a été fait appel à de grandes personnalités du parti, comme Dick Cheney, qui exercent une pression amicale, mais ferme.

Ce mois de janvier sera donc pour tous un mois du changement de rôles, pour les démocrates qui feront l’apprentissage de l’opposition parlementaire face à la Maison-Blanche et pour les républicains qui sortiront enfin de la culture du refus et devront apprendre à travailler ensemble pour aider à la construction d’un programme voulu par les électeurs.

Le temps est déjà compté car, dès la fin de l’année, un tiers des sénateurs et tous les députés penseront déjà à la campagne pour leur réélection, le scrutin étant fixé au 6 novembre 2018. De la réussite du début du mandat de Donald Trump dépendra très largement leur siège : ils le savent tous.


L’auteur publie le 11 janvier « Make America Great Again : l’Amérique de Donald Trump » (Editions Contemporary Bookstores)

The Conversation

Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris II Panthéon-Assas

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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