Jean-Éric Branaa, Université Paris II Panthéon-Assas
C’est certainement la promesse de campagne sur laquelle Donald Trump était le plus attendu par la communauté internationale et aussi celle sur laquelle il a le plus hésité. Après des semaines d’intenses négociations entre ses conseillers pro et anti–Accord de Paris, le président américain a donc tranché, ce 1er juin 2017, en annonçant le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris.
Ce traité signé par 195 pays à l’occasion de la COP21 de 2015 fixe un engagement international à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C d’ici à 2050.
En accord avec lui-même
On pourra reconnaître à Donald Trump de se montrer ainsi très cohérent avec ses propres déclarations : dès septembre 2015, par exemple, il avait témoigné son désaccord avec le pape François qui venait d’appeler les candidats à l’élection présidentielle américaine à agir en faveur du climat.
Pour le 45e président des États-Unis, le changement climatique est une vaste blague :
« La propreté de l’air est un problème pressant. On veut un air et une eau propres. C’est très important pour moi, et j’ai gagné des prix environnementaux. Mais je ne crois pas au changement climatique. On a appelé ça le réchauffement de la planète, le changement climatique, maintenant ils appellent ça une météo extrême, c’est nouveau, car la météo semble être un peu plus extrême. C’est juste la météo. Ça a toujours été comme ça, le temps change, il y a des tempêtes, de la pluie, et des belles journées. Mais je ne pense pas qu’on doive mettre les gens de notre pays en danger. »
Un position partagée
Aucune surprise donc dans une telle prise de position, qui correspond d’ailleurs assez largement à l’orthodoxie républicaine. Les conservateurs se sont montrés en effet très fermement opposés à l’agenda environnemental de Barack Obama, notamment à propos des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
On se rappellera ainsi que cette question fut très sensible en début de campagne, avec une bataille féroce menée au Congrès par des hommes comme Ed Whitfield ou Mitch McConnell. Certains républicains reconnaissent très ouvertement ne pas croire que le climat se réchauffe ; les autres se bornant le plus souvent à expliquer qu’ils ne sont pas des scientifiques et qu’ils sont donc incapables de se prononcer sur la question de la responsabilité des activités humaines.
Espoirs de courte durée
S’il n’est pas non plus un scientifique, Donald Trump ne s’embarrasse pas de telles précautions : dans un désormais célèbre tweet du 6 novembre 2012, le futur président américain déclarait :
« Le changement climatique est un concept créé par et pour les Chinois pour porter atteinte à la compétitivité des entreprises américaines. »
Mais quatre ans plus tard, alors qu’il venait tout juste d’être élu, il reconnaissait dans une interview accordée au New York Times l’existence de « connexions » entre le changement climatique et les activités humaines.
Beaucoup ont cru voir dans ses déclarations une volte-face. On a parlé de real-politique, de prise en compte pragmatique des problèmes. Mais une série de décisions est rapidement venue anéantir ces espoirs naissants : tout particulièrement la nomination de Scott Pruitt à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).
Il est difficile en réalité de connaître les convictions profondes du président sur le sujet. Il n’est même pas exclu qu’il n’en ait aucune. On doit donc se contenter des remarques formulées par son entourage – très largement composé de climatosceptiques assumés – et d’extrapoler que ce sont eux qui fixent la ligne à tenir pour le locataire de la Maison-Blanche.
Certaines analyses voient dans la posture de Donald Trump sur ce sujet la volonté d’être perçu comme une personnalité anti-système, opposée aux élites traditionnelles corrompues.
Détricoter les années Obama
Au-delà des postures du président, la priorité de ce début de mandat consiste à détricoter les actions de Barack Obama, notamment sur la question de la protection de l’environnement. Le président Trump s’est engagé dans la voie de la démolition, éliminant une à une les politiques qu’il estime non nécessaires et nuisibles.
Le Clean Power Plan, proposé en juin 2014 par l’EPA, s’est ainsi très vite retrouvé dans son viseur. Les Républicains étaient vent debout contre cette régulation, clé de voûte de l’héritage des années Obama et qui prévoit de faire passer de 39 % en 2014 à 27 % en 2030 la part du charbon dans la génération d’électricité, entre autres via le recours aux énergies renouvelables et en contraignant les États de l’Union à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. « Lever toutes ces restrictions va aider énormément les travailleurs américains », a répété Donald Trump et il le redira certainement ce soir.
Rien ne pouvait donc laisser croire à un infléchissement de sa position. L’heure est désormais au symbole et à la mise en scène, et Donald Trump fait de cette question une célébration de sa présidence. Il la met en scène jusqu’à l’outrance, multipliant annonces et tweets depuis quelques jours, comme une maison de production fait du teasing pour sa dernière création !
En sacrifiant les questions environnementales sur l’autel de l’action d’éclat et de l’audimat, il devrait satisfaire pour un temps son électorat le plus fidèle. Mais à quel prix ? On nous avait dit que sa fille Ivanka cherchait à le convaincre de prendre une autre voie. Pourquoi a-t-elle échoué ? Ivanka donnait déjà des éléments de réponse lors d’une interview accordée l’été dernier pendant la convention républicaine de Cleveland en confiant : « Il ne m’écoute pas toujours. »
Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris II Panthéon-Assas
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.