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Coronavirus : la prime de 1000 euros, un poisson d’avril ?

Point-de-vue. En y regardant de près, la fameuse prime de 1.000 euros pour les salariés exposés au Covid-19 n’aura été, pour beaucoup, qu’une promesse sans lendemain. Explications.

Bernard Aubin, secrétaire général du syndicat First (Twitter)

Par Bernard Aubin

Le gouvernement avait annoncé à grands renforts de publicité l’octroi d’une prime de 1000 euros nets aux travailleurs exposés au virus. Nombre d’entre-eux s’étaient hâtivement réjouis. Leurs efforts et le risque auquel ils étaient exposés allaient être reconnus et récompensés. Quoi de plus normal ? La date de présentation de la nouvelle ordonnance en Conseil des ministres avait pourtant de quoi interpeller : le 1er avril ! Désormais, de gros doutes émergent quant à la distribution effective de cette rémunération supplémentaire. Était-ce trop beau ?

Depuis les Gilets jaunes

Rappelons tout d’abord que cette prime n’est ni nouvelle, ni spécifique. Elle trouve son origine dans la crise des Gilets Jaunes. Fin 2018, Emmanuel Macron avait, par soucis d’apaisement, autorisé les entreprises (fonctionnaires non-concernés) à verser à leurs salariés une somme défiscalisée et exemptée de charges sous réserve de la signature d’un accord d’intéressement. Selon Matignon, 5,5 millions de salariés auraient bénéficié d’un versement moyen de 400 euros nets. C’est cette prime qui a simplement été reconduite cette année, rien d’autre. Tout juste a-t-elle été aménagée.
L’ordonnance n°2020-385 en a modifié certaines modalités. Nouveautés 2020 :

la prime peut être versée par toute entreprise dans la limite de 1000 euros (hors signature accord intéressement)
son montant peut être porté à 2000 euros si l’entreprise a signé un accord d’intéressement elle peut être versée jusqu’au 31 août 2020.

Ce qu’il faut en retenir

Il n’existe pas de prime spécifique et systématique de 1000 euros pour les salariés exposés au Covid 19.
Seules les entreprises qui le souhaitent (et dont la trésorerie le permet, ce qui n’est pas évident en cette période de récession économique) peuvent accorder une prime d’un montant inférieur ou égal à 1000 euros (2000 si accord intéressement). Aucune obligation ne leur est imposée.
Le montant de la prime peut être modulé selon les bénéficiaires et en fonction des conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19.
En résumé, voilà comment l’annonce d’une prime de risque Covid 19 se transforme, pour de nombreux salariés, en poisson d’avril. Passer de 1000 euros à rien du tout, c’est une douche froide. La déception, l’écœurement succèdent ainsi à l’investissement personnel et à l’espoir d’une contrepartie bien méritée. Cette situation pose une nouvelle fois la question de la confiance accordable aux décideurs politiques comme aux dirigeants d’entreprises, dans un pays qui souffre cruellement de carences de dialogue social.

« Il faudra nous rappeler… »

La problématique doit être mise en perspective par rapport à l’allocution du Président de la République le 13 avril: «… Il y a dans cette crise une chance : nous ressouder et prouver notre humanité, bâtir un autre projet dans la concorde…. Il nous faudra tout réinventer, moi le premier… Il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ».

A tous ceux qui, un peu naïfs, voyaient en cette crise sanitaire l’opportunité d’une prise de conscience chez les ultra-libéraux et autres technocrates formatés qui nous dirigent, à tous les optimistes qui espéraient que cette pandémie allait instiller chez nos dirigeants une once de bon sens, d’introspection, d’honnêteté intellectuelle, de respect des citoyens, de solidarité,… l’affaire de la prime Covid brise durement les illusions.

Le vrai changement

Le changement, ce n’est pas maintenant ! Chassez le naturel, il revient au galop. Cette crise sanitaire nous offre cependant la possibilité, comme jamais, de prendre nous-mêmes notre destin en main. Celle de construire, et d’imposer une autre société. Pour ce faire, nous devrons faire preuve de mémoire. Et aussi de vigilance et de grande détermination. Le vrai changement, nous devons y travailler dès à présent. Sans quoi, une fois le virus vaincu, rien ne changera.

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